Le pape Paul VI et le patriarche Athenagoras, Jérusalem 1964 © vaticannews.va

Le pape Paul VI et le patriarche Athenagoras, Jérusalem 1964 © vaticannews.va

De la diversité à la communion, ou l’engagement de Vatican II pour l’unité 

Orientalium ecclesiarium, un décret pour rétablir et renforcer les relations avec les Églises orientales, 2e partie 

Share this Entry

La Réforme protestante qui répondait à la corruption romaine ébranla l’équilibre catholique. Les efforts du Souverain Pontife destinés à rétablir les relations avec l’Orient fragilisées par le grand schisme furent ralentis voire suspendus. Un nouvel épicentre battit brèche à l’édifice de l’Église. Vatican II revient sur les élans de réintégration que le concile de Trente n’avait pu traiter. Nous poursuivons la lecture du Décret, au fil des numéros et des sous-titres qui le structurent.

Le feu est en Occident : peu importe les Orientaux…

Plusieurs groupes se réclamant de la Réforme protestante mirent à mal l’autorité épiscopale. Le fait que la confirmation n’était plus considérée comme un sacrement n’est qu’un exemple. La confusion fut telle que la préoccupation œcuménique concernant les orthodoxes n’était plus la priorité. Le concile de Trente (1547-1563) réservera clairement la confirmation au seul évêque. Auparavant, on peut dire que du côté latin l’évêque était le ministre ordinaire de la confirmation, ce qui ne l’empêchait pas de la déléguer à des prêtres dans certains cas rares. En Orient, nous avons plusieurs exemples de prêtres qui donnent la confirmation avec le consentement de leur évêque. 

Benoit XIV, dans la constitution Et si pastoralis du 26 mai 1742, demeura dans la logique du concile de Trente. Il écrivit au §3 (nº 1) : « Les évêques doivent confirmer sans condition les enfants et d’autres, qui ont été baptisés dans leur diocèse et qui ont été marqués au front avec du chrême par des prêtres grecs ; car ni par nos prédécesseurs, ni par Nous, la permission a été donnée ou est donnée aux prêtres grecs en Italie ou dans les îles environnantes de conférer la confirmation aux enfants baptisés, bien plus, à partir de l’année 1595 il a même été interdit expressément par notre prédécesseur d’heureuse mémoire, Clément VIII, de marquer des baptisés avec du chrême. » 

 

Clément VIII, Presbyteri Graeci

Benoît XIV évoque ici l’instruction Praesbyteri Graeci du 30 août 1595 : « Les prêtres grecs ne signent pas le baptisé avec le chrême devant, et c’est pourquoi ils omettent dans l’ordre du baptême, dans leur euchologie, ce qui suit après ces mots et après la prière … où est la forme de cette consignation… » et immédiatement le pape Clément ajoutait « Les évêques latins devraient confirmer les enfants ou autres baptisés par les prêtres grecs qui ont été consignés par le chrême devant, et il semble plus sûr de le faire avec prudence et sous conditions … d’autant plus qu’on peut probablement douter qu’ils aient été baptisés par des évêques grecs. » 

Et je reviens à Benoît XIV apportant cette précision (nº 4) : « Bien que ceux qui ont été confirmés par un simple prêtre ne doivent pas être contraints de recevoir le sacrement de cette confirmation d’un évêque, si une telle contrainte pouvait susciter des scandales, car le sacrement de la confirmation n’est pas d’une nécessité telle que quelqu’un ne puisse être sauvé sans lui, ils doivent cependant être avertis par les ordinaires des lieux de ce qu’ils se trouvent en état de péché grave si, pouvant accéder à la confirmation, ils la refusent ou la négligent. ». 

 

Réticences de l’Église sur la chrismation par des prêtres 

L’hostilité du Magistère catholique à une chrismation faite au front par un simple prêtre me parait manifeste. Mais le pape ne demande pas la répétition du geste par un évêque. Il estime en effet qu’il est inutile de faire un scandale pour un acte pastoral qui n’est pas absolument nécessaire au salut. Je crois y discerner aussi un désir de freiner l’usage en tout genre des huiles, comme cela était le cas en Orient. 

Il est arrivé que l’huile des malades fut administrée à des personnes en bonne santé. Ainsi le propose un euchologue (livre de prières et de rites orthodoxes) composé par l’Archimandrite Alexandre Nelidow et Antoine Rivière de 1979 : « pour les guérir de leurs infirmités spirituelles ». Quant aux personnes malades, il semble bien que des laïcs puissent le leur administrer, chose à mon avis impensable en l’Occident ! Ce serait oublier le lien important entre la confession des péchés et le sacrement de l’onction des malades. 

 

Quid des Églises uniates 

Ces pratiques ont été imitées dans les Églises uniates, mais on voit qu’une barrière a été maintenue pour la chrismation frontale. Ce n’est pas un détail, mais une question qui touche au pouvoir particulier de l’évêque ainsi qu’au sens de la confirmation elle-même ! L’élargissement du ministère du saint chrême opéré par Vatican II ne corrige pas une « prétendue sévérité » de Pie XII comme j’ai pu quelquefois le lire. Pas plus qu’il ne va dans le sens d’une diminution du pouvoir de l’évêque. Le Concile veut simplement empêcher qu’une pratique qui ne pose pas de problèmes dans les Églises d’Orient, rattachées à Rome ou non, ne devienne une pierre d’achoppement avec les orthodoxes dont on veut se rapprocher, car on se retrouve alors dans la même perspective qu’Eugène IV en 1439. 

Cela dit, nous devons constater aujourd’hui que beaucoup de catholiques, même pratiquants, ne sont pas confirmés. Il me semble bien insuffisant de n’invoquer que la place de ce rite parmi les trois sacrements de l’initiation chrétienne, pour inciter à la recevoir. C’est pourquoi je crois, et je n’ouvre là encore qu’une parenthèse, que la confirmation devrait être mise en parallèle avec le pouvoir d’ordre donné à l’épiscopat. Ainsi demander la confirmation pourrait correspondre à un désir d’engagement plus intense dans l’Église.

 

Le sacrement de l’ordre

Aussi, le Décret que nous étudions évoque-t-il au paragraphe 17, pour le sacrement de l’ordre, « l’ancienne discipline », dans la suite de Pie XII. Je crois intéressant de se reporter à sa Lettre apostolique motu proprio, Cleri sanctitati (1957), à propos de la question du célibat des clercs. Ce sujet est en effet de nouveau débattu dans une confusion regrettable. Mais les problèmes sont anciens. Comme inspecteur ecclésiastique luthérien jusqu’en 2001 (équivalant au rang d’évêque), j’ai plus d’une fois entendu des évêques catholiques orientaux me dire que l’état de mariage chez certains de leurs prêtres posait question. 

Dans son motu proprio, Pie XII traite de cette affaire à partir du canon 68 et commence par affirmer : « Le célibat des clercs, correspondant au même état et à l’exercice des ministères divins, est plus digne et plus approprié, selon le consensus de l’Église avec la tradition orientale et latine, et doit être honoré par tous. » Le canon 71 ne change rien aux rites qui admettent des hommes mariés, compte tenu de leur ancienneté. 

Mais le canon 72 précise :

« Dans les rites dans lesquels les clercs mariés ne sont pas admis : 1 Les clercs inférieurs au sous diacre peuvent certes contracter mariage, mais lorsqu’ils contractent mariage, ils tombent automatiquement de l’état clérical, à moins que le mariage n’ait été contracté par la force ou la peur. 2 Il est interdit à l’époux qui, sans dispense apostolique, a accepté le sous-diaconat ou les ordres supérieurs, bien que de bonne foi, d’exercer ces ordres. »

Enfin, le canon 73 montre que le clergé marié est accepté dans certains rites orientaux, mais de manière strictement « encadrée » : « Le clergé, même marié, doit briller avec la dignité de la chasteté. Ceux qui ont péché contre la chasteté doivent être punis selon la loi. » Le rétablissement du diaconat permanent souhaité dans ce paragraphe ne doit pas faire oublier les réserves de Pie XII. Si elles n’apparaissent pas chez les pères du concile Vatican II, ce qui n’est pas grave, car on sait qu’un concile n’a pas le pouvoir d’abolir des canons d’un motu proprio du Pontife romain.

 

Le régime oriental du mariage

Le paragraphe 18 est aussi révélateur d’un manque d’ordre dans les Églises d’Orient. Le Concile se voit obligé d’interdire le mariage des laïcs avec dispense de forme canonique, c’est-à-dire célébré en-dehors d’un sanctuaire ou en l’absence de prêtre catholique. Cela néanmoins se pratique en France couramment depuis un motu proprio de Paul VI en 1969 quand il s’agit de chrétiens non catholiques. Certes, ce ne serait que la licéité qui pourrait être contestée, la validité ne requiert que la présence d’un ministre sacré.

Cela dit, la Sacrée congrégation pour les rites orientaux avait concédé en 1957 aux patriarches « la capacité de guérir à la racine », la « sanatio in radice ». Ainsi, ils avaient le pouvoir de dispenser de la forme et d’opérer la sanatio pour défaut de forme. Ce fut concédé pour 5 ans, pour des mariages célébrés « en dehors du patriarcat, aux Métropolites et autres ordinaires des lieux … qui n’ont pas de supérieur en dessous du Saint-Siège » (voir la note 23, p. 645, concernant ce passage de Vatican II, édition bilingue, Le Centurion).

 

Le culte divin (nos 19-23)

Le souci est de se mettre d’accord sur un dimanche pour célébrer Pâques. Mais, conscient de la difficulté, le Concile fait preuve d’une certaine souplesse. Effectivement, la question n’est pas facile et le Vatican vient de le rappeler à propos du Jubilé de 2025. Cette année célébrera le 1700e anniversaire du concile de Nicée qui avait décidé de la fête de Pâques : elle serait célébrée par tous les chrétiens le dimanche après la première pleine lune advenant pendant ou après l’équinoxe de printemps. En 1582, le pape Grégoire XIII introduisit le calendrier grégorien en Occident, les orientaux conservant le calendrier julien qui est plus long. 

Mais le problème de la date de Pâques est bien antérieur à cette question de calendrier. Selon Eusèbe de Césarée (260-339), l’affaire remonte au pape Victor (189-199), premier Pontife de langue latine, s’opposant aux évêques orientaux. Ceux-ci célébraient Pâques comme les juifs le 14 du mois de nisan. Cela avait été approuvé par Polycarpe, disciple de l’apôtre Jean. Irénée de Lyon allait dans le même sens, mais ne voulait pas rompre l’unité avec Rome, tout comme Polycarpe qui à 85 ans avait entrepris le voyage à Rome pour rencontrer le pape Anicet (150-168, approx.). Ils ne s’étaient pas entendus sur la date de Pâques, mais s’étaient quittés bons amis, car Polycarpe n’invoquait que la Tradition. 

 

Unité ébranlée dès le deuxième siècle 

Si par la suite le pape Victor (189-199) dut en arriver à menacer d’excommunication tout l’Orient, c’est que cette question de date de Pâques se mêla au problème des judaïsants. Le pontificat de Victor voit en effet commencer la prédication des montanistes et du prêtre romain Blastus, qui voulaient maintenir les lois juives dans la pratique chrétienne. Avant eux, il ne s’agissait que du respect de traditions remontant, selon ses partisans, à l’apôtre Jean lui-même. D’où la tolérance des pontifes romains. 

Mais Polycrate, évêque d’Ephèse, jouissant d’un grand prestige car né d’une famille d’évêques, en faisait une question de foi : la conservation de la date de Pâques le 14 nisan était « selon l’Évangile », pour suivre « la règle de foi », et il ajoutait qu’on ne peut changer cette date car « Il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes 5, 29). Cette argumentation se trouve dans la lettre qu’il adressa à Victor et elle est rapportée par Eusèbe de Césarée.

L’épreuve de force était alors inévitable. Irénée sut calmer le pape Victor qui semble ne pas avoir mis ses menaces à exécution. À la fin de son règne, les « quartodécimans » avaient conservé leur tradition. Cet épisode montre clairement une tentative d’affirmation de la primauté de Rome. On ne saurait la qualifier d’échec, compte tenu du temps qu’on a pris pour dialoguer avec le pape. Un jalon était posé : on ne pouvait plus « judaïser ». Et la préférence d’une célébration de Pâques le dimanche, était affirmée, et demeure toujours d’actualité. 

 

Les rapports avec les frères des Églises séparées de nous (nos 24-29)

Le Concile précise d’abord : « Aux Églises d’Orient en communion avec le Siège apostolique romain appartient à titre particulier la charge de promouvoir l’unité de tous les chrétiens, notamment des chrétiens orientaux… » (§24). Il s’agit, on l’aura compris, des Églises demeurées dans la position de rupture de 1054, qui sont qualifiées cependant d’Églises (« Ecclesiarum » dans le texte) parce qu’elles ont conservé en Orient la structure épiscopale et la succession apostolique. Le §25 précise en effet « …chez eux le sacerdoce est conservé de manière valide, les clercs orientaux qui viennent à l’unité catholique ont la facilité d’exercer l’Ordre qui leur est propre selon les règles établies par l’autorité compétente. » 

Le §26 aborde la difficile question de la « communicatio in sacris », la communion dans le sacré, autrement appelée couramment « partage eucharistique ». Il commence par donner les raisons qui la font interdire par la loi divine (indifférentisme, scandale etc…). Ensuite, il prend en compte certaines situations, « où la nécessité du salut et le bien spirituel des âmes constituent un besoin sérieux. »

Ainsi l’affirme le §27 :

« on peut conférer aux Orientaux qui en toute bonne foi sont séparés de l’Église catholique, les sacrements de pénitence, de l’Eucharistie et de l’onction des malades, s’ils les demandent d’eux-mêmes et sont bien disposés ; de plus, il est permis également aux catholiques de demander ces mêmes sacrements aux ministres non catholiques dans l’Église desquels les sacrements sont valides, chaque fois que la nécessité ou une véritable utilité spirituelle le demandent et qu’il est physiquement et moralement impossible de s’adresser au prêtre catholique. » 

 

Les hiérarchies en concert 

Le Concile recommande à ce sujet la concertation entre les différents hiérarques des Églises concernées. Mais cela ne doit pas faire oublier la référence au droit canonique de 1983, Livre IV, La fonction de sanctification de l’Église (canons 834-1253). Le canon 842 rappelle que la confirmation, avec le baptême et l’eucharistie, sont requis pour « l’initiation chrétienne complète », et le canon 844 pose la condition « d’éviter tout danger d’erreur ou d’indifférentisme », ce qui montre bien que cette « communicatio » doit demeurer exceptionnelle.

Je relève aussi dans un excellent compte rendu de l’assemblée œcuménique du Lodévois-Clermontois de janvier 2013 quelques considérations intéressantes d’un théologien orthodoxe pour notre sujet : « Intercommunion ne veut rien dire, c’est pour cela que je préfère utiliser « hospitalité eucharistique » pour formuler la demande de partage eucharistique de la part des fidèles d’Églises qui ne sont justement pas en communion. » Et plus loin : « Par conséquent, cette unité ecclésiale doit précéder l’Eucharistie. Donc pas d’intercommunion ! Sauf que, le principe étant posé, il peut être dérogé à la règle par « Économie pour le Bien et le Salut de l’âme » ». 

Et notre auteur de citer un moine du désert, le Père Matta :

« Si les fidèles dans l’Église ne parviennent pas à l’unité du cœur et d’esprit par la communion au Corps unique, s’ils ne parviennent pas à l’amour unifiant que dispense la personne du Christ qui règne sur tout, les sacrements ne représentent plus que des rites formels et c’est cela qui prépare la discorde intellectuelle et dogmatique. Le formalisme sacramentel ou dogmatique est incompatible avec la réalité du Corps unique et qui contient tout, qui donne la vie à tous ceux qui s’en nourrissent et les fait devenir « un » en lui. » (Extrait d’un article publié en arabe dans la revue Al-Nour en 1972 au Liban du Père Matta El Maskine, higoumène du Monastère de Saint-Macaire, « Un seul Christ et une seule Église catholique ».)

 

Paul VI et Athenagoras : le pape et le patriarche

Rappelons enfin que quelques mois après la rédaction de ce texte de Vatican II, le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras donnaient le 7 décembre 1965, connaissance de leur déclaration commune levant les excommunications réciproques de 1054. Cela avait fait suite à une rencontre du pape et du patriarche les 5 et 6 janvier 1964 au Mont des Oliviers, à Jérusalem). Les problèmes doctrinaux ne sont pas tous réglés pour autant, ce pourquoi il ne faudrait pas comprendre le texte qui précède comme une incitation à progresser dans l’unité par le partage eucharistique, qui doit être strictement encadré, je le répète. C’est dans ces conditions mêmes qu’il peut être signe, comme l’accolade entre Paul VI et Athénagoras de 1964. 

Que l’on se reporte pour cela aux réflexions du cardinal Kurt Koch, président du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens (19 janvier 2024). Je ne citerai que deux phrases qui me paraissent capitales : « Si la rencontre de Jérusalem a marqué l’histoire, c’est surtout parce que ce baiser fraternel a scellé la volonté des deux Églises de rétablir la charité entre elles. » Et : « Ce geste reste sous nos yeux comme une icône durable du désir de réconciliation. »

Le chemin commencé à Jérusalem doit être le rétablissement de la communion eucharistique.

C’est pourquoi le pape François a souligné, dans son message adressé au patriarche œcuménique Bartholomée Ier, à l’occasion de la fête patronale de saint André en 2023, que le chemin vers la réconciliation a commencé « par une accolade », « un geste qui exprime avec éloquence la reconnaissance mutuelle de la fraternité ecclésiale. Ce baiser fraternel contient une profonde signification spirituelle. Étant donné que l’agapè et le baiser fraternel représentent le terme et le rite de l’unité eucharistique, la finalité du chemin commencé à Jérusalem doit être le rétablissement de la communion eucharistique. En effet, là où l’agapè est sérieusement vécue comme une réalité ecclésiale, elle doit aussi devenir agapè eucharistique pour être crédible. »

 

Conclusion (nº 30)

Le dernier paragraphe confirme bien la nécessité d’approfondir le travail œcuménique : « toutes ces dispositions juridiques sont prises en raison des circonstances présentes, jusqu’à ce que l’Église catholique et les Églises orientales séparées s’unissent dans la plénitude de la communion. » (§30)

Je crois utile d’ajouter une précision dans cette conclusion qui concerne les Églises orientales. Le patriarche orthodoxe de Constantinople, après l’accord d’union signé en 1439, avait demandé au pape Eugène IV un concile pour le ratifier. Le pape s’y était opposé parce qu’il le considérait non nécessaire. L’Église catholique sortait à peine du Grand schisme et avait dû subir à Constance et à Bâle les assauts de la doctrine conciliariste qui tentait de placer un concile œcuménique au-dessus du pape. Eugène IV n’avait pas hésité à excommunier les pères du concile de Bâle qui voulaient persévérer dans cette erreur. 

Le Ve concile de Latran, dans sa 11e session du 19 décembre 1516, condamna le conciliarisme au travers de la Pragmatique Sanction de Bourges (1438). Celle-ci avait combiné le conciliarisme et le gallicanisme. François Ier ayant été informé de la volonté du Saint-Siège s’était incliné et avait ainsi pu signer le Concordat de Bologne le 18 août précédent. Le pape l’annonça au Concile, non pour recueillir son avis, mais donner plus d’éclat à la totale réconciliation avec la France qui avait tout de même pris un certain temps. Son élimination définitive signifiait une deuxième condamnation du conciliarisme. 

 

La fin du gallicanisme 

Cependant il faut noter, que le gallicanisme subsista grâce au chancelier Duprat, mais au travers du roi seul et non des parlements. Et l’Église ne reviendra jamais là-dessus. Cela sera rappelé à Louis XIV lors de la rédaction des quatre articles de l’assemblée du clergé de France de 1682, quand à l’occasion d’un désaccord avec le pape il voulut rétablir le conciliarisme. Le roi céda. 

Avec la définition de l’infaillibilité pontificale en 1870 et le texte de Pastor aeternus, le débat fut définitivement clos. Ceux qui tentèrent de le rallumer en 1964 lors de Vatican II ne purent que constater leur échec. Paul VI signa le premier tous les documents du Concile avec comme seul titre « Évêque de l’Église catholique », manifestant ainsi son pouvoir de juridiction immédiat sur toute l’Église.

Le Concile ne pouvait avoir d’autorité apostolique qu’avec l’approbation du Pontife romain. Et ce principe s’applique à toute forme d’assemblée, synode, conseil, dicastère, congrégation. L’approbation du pape est toujours requise. Quand cela concerne un diocèse, cela regarde l’évêque diocésain. Autrement dit, la loi d’un vote majoritaire ne convient pas dans l’Église catholique et se voit opposer des siècles de Tradition. Une assemblée au sein de l’Église, quelle que soit sa forme, ne pourra toujours être que consultative.

 

Nota bene :

Je rappelle que tous les textes du Concile Vatican II, les notes et beaucoup de renvois à d’anciens textes du Magistère, sont toujours cités, pour cette étude, à partir de l’édition bilingue du Centurion, dépôt légal juillet 1989. 

Share this Entry

P. Michel Viot

Père Michel Viot. Maîtrise en Théologie. Ancien élève de l’Ecole Pratique dès Hautes Études. Sciences religieuses.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel