Fresque de la dernière cène, Église du Sacré-Cœur, Vienne (Autriche) © Renata Sedmakova / Shutterstock.com

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Le plus grand amour

Jésus parle à une communauté de personnes appelées à partager son Amour

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VI Dimanche de Pâques

Rite Romain – VI Dimanche de Pâques– Année B – 5 mai 2024
At 10,25-27.34-35.44-48 ; Sal 97 ; 1Jn 4,7-10 ; Gv 15,9-17

Rite Ambrosien
At 26, 1-23 ; Sal 21 ; 1Cor 15, 3-11 ; Jn 15, 26-16, 4

 

1) Le nom des disciples du Christ : « Amis »

En ce sixième dimanche de Pâques, Jésus, qui continue à nous inviter à « demeurer » en Lui, nous révèle qui Il est : le Bien-Aimé, et que sa vie est une relation d’Amour. C’est pourquoi Il nous appelle à être une communauté de personnes dont la vocation est celle de partager son Amour.

Après avoir exhorté les siens à demeurer en Lui comme les sarments dans la vigne (cf. évangile de dimanche dernier), aujourd’hui Jésus nous demande de demeurer dans son Amour, de ne pas nous éloigner de la source de vie, à nous ouvrir à Lui qui, dans le don total de soi, nous a inclus dans sa relation avec le Père.

L’amour du Christ est amour parce qu’Il donne sa vie pour nous, ses amis : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Et Vous êtes mes amis » (Jn 15,13).

N’oublions pas que parmi les amis auxquels Jésus s’adresse dans le cénacle il y a Judas (qui vient de sortir et qu’il a appelé « ami ») ; il y a Pierre (qui le reniera trois fois) et il y a les autres qui, durant la passion le laisseront seuls). Et lui, il les appelle « amis ». Aujourd’hui c’est nous qui sommes dans le cénacle de l’église et il nous appelle nous aussi ses « amis » même si nous sommes fragiles et pécheurs.

En effet, au dernier repas, mais pas seulement, Jésus appelle ses amis, ses pairs (l’amour de l’amitié est entre des personnes semblables et c’est réciproque), ceux qui le trahiront en le reniant et s’éloignant de lui. Pourquoi ? Parce qu’il les aime d’un amour gratuit et sait qu’ils répondront à son amour. Il sait même que s’ils ne l’aiment pas d’un amour total, ils désirent au moins l’aimer, par reconnaissance pour l’amour qu’il a pour eux. 

Quand ils le verront s’élever, quand ils découvriront son amour démesuré, ils croiront à cet amour « excessif ». 

Nous sommes appelés, nous aussi, à devenir ses amis en connaissant son amour pour nous. Et quelle belle affirmation : « Je ne vous appelle plus serviteur, je vous appelle mes amis » (Jn 15, 15), parce que « serviteurs » (dans le texte grec il est écrit « esclaves ») est en soi un titre honorifique qui désigne les ministres du roi.

Le mot « ministre » est un mot d’origine grecque qui veut dire serviteur. Donc les Ministres sont les personnes les plus importantes après le Roi. Après Dieu, viennent les serviteurs de Dieu, les prophètes, les saints. Mais aujourd’hui le Christ enseigne : « Vous n’êtes pas des « serviteurs », ni les plus grands.

Vous êtes quelque chose de plus. Vous êtes des amis parmi nous et avec Lui. Nous sommes appelés à devenir semblables à Dieu. Pourquoi ? Parce que l’amour que le Père a pour ses enfants, le Fils nous l’a donné et nous pouvons aimer du même amour que Dieu et devenons comme Dieu qui est amour.

Nous sommes donc amis, à égalité. Cet amour des frères dans le Frère Jésus nous rend égal à Dieu. Dans la partie finale du v. 15 au chap. 15, il poursuit : « le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » Jésus explique ce qu’il entend par « amis ».

Il reconnaît comme amis les disciples, parce qu’ils font ce qu’Il demande, c’est-à-dire s’ils croient et aiment. Devant le Roi des Rois, la condition du disciple est en soi celle d’un « serviteur », terme qui représente dans la Bible (mais pas seulement) un titre d’importance, parce qu’il caractérise la relation avec Dieu : ce terme désigne une personne fidèle et à la disposition du Seigneur.

Son sens n’est pas celui d’un esclave, si ce n’est pour indiquer un homme assujetti à un maitre de ce monde ou (cf. Jn 8,34) à la puissance du péché. Le titre de « serviteur » est déjà important, mais celui d’« ami » indique qu’au centre de la vie de Dieu et de l’homme, il y a l’amitié, la forme la plus parfaite de l’Amour, la relation gratuite et non possessive qui réalise la communion des personnes.

 

2) Amis du Christ

Aujourd’hui le Christ nous révèle que nous ne somme spas seulement des serviteurs et des disciples, mais des amis.

Si nous n’étions que des ministres (=serviteurs), nous serions en tous les cas soumis au Roi. Bien qu’heureux de servir une bonne cause, nous serions toujours des sujets obligés d’observer la loi. Si nous n’étions que des disciples, nous devrions aller à l’école du Maître, contents d’apprendre la vérité et de recevoir des paroles de vie éternelle. 

Mais nous sommes aussi des « amis », nous sommes « sujets » à la loi de la liberté engendrée par l’Amour auquel Il s’est confié et auquel il nous fait participer si nous demeurons dans sa parole : « Ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres ».

Plus qu’un commandement c’est une imploration que Jésus nous adresse, car Lui, en premier, nous a aimés et Il nous donne la force pour que nous le fassions aussi. C’est la nouveauté de la communauté ecclésiale : être une école d’amitié, où nous apprenons la logique du don et de la foi. 

Demeurer dans l’amitié du Christ signifie entrer dans une nouvelle relation avec Dieu. Avec le Dieu de la nouvelle alliance qui, plus qu’un législateur suprême qui nous demande d’observer la Loi, est un Père qui nous implore de croire en un Amour qui est allé jusqu’à donner son propre Fils. 

Dans cette amitié avec le Christ, Lui – qui est le pasteur, le chemin, la vérité et la vie – devient la porte à travers laquelle l’Amour du Père devient notre maison. Parce qu’aujourd’hui Jésus Christ nous répète que nous sommes chez nous dans l’amour que le Père a pour Lui, le Fils.  Et comment faire pour demeurer dans cette maison ? Nous sommes dans la maison de l’amour si à notre tour, nous aimons. Donc « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Nous sommes dans la Maison du Père en aimant nos frères. Cet amour fraternel fait de nous des amis du Christ. En aimant nos frères nous devenons comme Dieu, comme le Fils qui est tel parce qu’il aime ses frères avec l’amour du Père. 

Dans cette amitié
  • Le chemin n’est pas une voie à parcourir, c’est une personne à suivre : Jésus Christ ;
  • La vérité n’est pas un concept abstrait, c’est un homme à fréquenter : le Crist; 
  • Et la vie n’est pas un simple fait biologique, mais aimer comme on est aimé, celui qui nous aime, c’est aimer le Christ. 

Le nom « Amis » est le plus vrai des disciples de Jésus, Nous ne sommes plus des serviteurs, contraints à une loi, mais des amis libres, de cette liberté qu’engendre l’Amour, auquel Il s’est confié et auquel Il nous fait participé si nous demeurons dans sa parole : « Ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres ». 

 

3) Les vierges consacrées, témoins de l’amitié avec le Christ

Chez les vierges consacrées, la vocation à l’amitié avec Jésus Christ doit se comprendre à la lumière du Cantique des Cantiques où il est écrit : « Mon bien-aimé a pris la parole, il m’a dit : « Lève-toi, mon amie, ma belle, et viens ! Car voici que l’hiver est fini ; la pluie a cessé, elle a disparu. Les fleurs ont paru sur la terre, le temps des chants est arrivé ; la voix de la tourterelle s’est fait entendre dans nos campagnes ; le figuier pousse ses fruits naissants, la vigne en fleur donne son parfum. Lève-toi, mon amie, ma belle, et viens ! » (Ct 2, 10 – 13).

 Ces femmes consacrées, en se donnant au Christ, montrent qu’elles ont cru à l’amour de Dieu et s’offrent sans réserve à Jésus, Epoux et Ami. Elles témoignent qu’« à l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (Benoît XVI).

Ces épouses du Christ, les vierges consacrées, témoignent l’amour d’amitié, dont Dieu nous comble et que nous devons communiquer aux autres. 

Avec simplicité mais persévérance ces femmes montrent que l’amitié avec Jésus coïncide avec ce qu’exprime la troisième demande du notre Père : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». A l’heure de Gethsémani Jésus a transformé notre volonté humaine rebelle en volonté conforme et unie à la volonté de Dieu. Il a souffert tout le drame de notre autonomie – et c’est en portant notre volonté dans les mains de Dieu qu’il nous donne la vraie liberté : ‘Non pas comme je le veux moi, mais comme tu le veux toi’. 

Dans cette communion de volontés se réalise notre rédemption : être des amis de Jésus, devenir des amis de Dieu. Plus nous aimons Jésus, plus nous le connaissons, plus notre vraie liberté est grande, plus notre joie d’être sauvés est grande. Nous remercions Jésus de son amitié et nous sommes des amis de plus en plus fraternels entre nous. « Nous ne pourrons pas célébrer avec gratitude le don gratuit de l’amitié avec le Seigneur si nous ne reconnaissons pas que même notre existence terrestre et nos capacités naturelles sont un don.

Il nous faut accepter joyeusement que notre être soit un don, et accepter même notre liberté comme une grâce. C’est ce qui est difficile aujourd’hui dans un monde qui croit avoir quelque chose par lui-même, fruit de sa propre originalité ou de sa liberté » (Pape François, Ex. Ap. Gaudete et exultate, sur l’appel à la sainteté dans le monde contemporain, n. 55).

 

Lecture patristique

Saint Augustin d’Hippone (354 – 430)
Commentaire sur l’évangile de Jean, 82, 1-4

CCL 36, 532-534

Le Sauveur, en parlant à ses disciples, souligne de plus en plus la grâce par laquelle nous sommes sauvés. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous donniez beaucoup de fruit: ainsi vous serez pour moi des disciples (Jn 15,8). <>

Si Dieu le Père est glorifié de ce que nous produisons beaucoup de fruit et devenons les disciples du Christ, nous ne devons pas le mettre au crédit de notre gloire, comme si nous tenions tout cela de nous-mêmes. Car cette grâce vient de lui, et c’est pourquoi, dans ce sens, la gloire n’est pas à nous, mais à lui.

Il a dit ailleurs: Que votre lumière brille devant les hommes: alors, en voyant ce que vous faites de bien… – ici, il devance en eux la pensée que ces bonnes oeuvres viendraient d’eux-mêmes, en ajoutant aussitôt: ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux (Mt 5,16). En effet, ce qui glorifie le Père, c’est que nous donnions beaucoup de fruit et que nous devenions disciples du Christ. Et par qui le devenons-nous, sinon par lui, dont la miséricorde nous a devancés? Car nous sommes son ouvrage, créés en Jésus Christ pour que nos oeuvres soient vraiment bonnes (cf. Ep 2,10).

Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour (Jn 15,9). Voilà d’où viennent nos oeuvres bonnes. Car d’où pourraient-elles venir, sinon de la foi agissant par la charité (Ga 5,6)? Et d’où viendrait que nous aimons, sinon de ce que nous sommes aimés en premier? C’est ce que notre évangéliste nous dit de la façon la plus claire dans son épître: Aimons Dieu parce que lui-même nous a aimés le premier (cf. 1Jn 4,19). <>

Certes le Père, qui aime le Christ, nous aime, nous aussi, mais en lui, parce que la gloire du Père est que nous donnions du fruit en étant unis à la vigne qui est son Fils, et que nous devenions ses disciples.

Demeurez, dans mon amour, leur dit-il. Comment demeurer? Écoutez ce qui suit: Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour (Jn 15,10). Est-ce l’amour qui rend fidèle aux commandements, ou est-ce l’observance des commandements qui engendre l’amour ? Personne ne peut douter que l’amour vient en premier.

C’est pourquoi il n’a aucun motif d’observer les commandements, celui qui est sans amour. Donc, lorsque le Seigneur dit: Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, il ne nous montre pas ce qui engendre l’amour, mais ce qui le manifeste. Il semble dire: ne vous imaginez pas que vous demeurez dans mon amour, si vous n’êtes pas fidèles à mes commandements: vous y demeurerez si vous les observez.

C’est-à-dire : on verra que vous demeurez dans mon amour, si vous observez mes commandements. Ainsi, que personne ne se fasse d’illusion en se disant qu’il l’aime, alors qu’il n’observe pas ses commandements. Car nous l’aimons dans la mesure où nous observons ses commandements. Moins nous les observons, moins nous aimons.

Ce n’est donc pas afin d’obtenir son amour que nous observons d’abord ses commandements; mais, s’il ne nous aime pas, nous ne pouvons pas les observer. Telle est la grâce qui est lumineuse pour les humbles, mystérieuse pour les orgueilleux.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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