"Jésus miséricordieux" par Frédéric Khan et Elisa © Elisa

"Jésus miséricordieux" par Frédéric Khan et Elisa © Elisa

Témoins d’une expression dont on fait mémoire, par Mgr Follo

Être témoins de son amour miséricordieux qui libère et guérit notre amour

Share this Entry
Avec l’invitation à faire mémoire du Christ en nous faisant témoins de son amour miséricordieux qui libère et guérit notre amour

Rite romain – IIIème dimanche de Pâques – Année B – 14 avril 2024

Ac 3, 13-15. 17-19; Ps 4, 1 Jn 3, 1-2; Jn 10, 11-18

Rite ambrosien –  IIIème dimanche de Pâques

Ac 16, 22; Ps 97; Col 1, 24-29; Lc 24, 35-48

 

  1. Dans le grand fleuve de la vie ordinaire, il y a une perpétuelle nouveauté.

  Pâques est passé depuis quinze jours, le travail et l’école ont repris à temps plein et la vie quotidienne s’écoule à nouveau comme d’habitude. La routine de la vie de tous les jours nous pousse à réduire à un vague souvenir la nouvelle que le Seigneur est ressuscité. L’annonce inouïe que le Christ ressuscité a définitivement vaincu la mort risque d’être réduite à une information importante mais lointaine dans le temps. Tout cela parce que nous oublions qu’il s’agit d’une nouvelle qui non seulement « nous informe » que notre vie ne finit pas ici-bas, mais aussi « nous forme » comme personnes qui participent déjà sur cette terre à la résurrection du Christ.

Comment pouvons-nous faire pleinement mémoire du Ressuscité sans nous laisser ballotter par les vagues de la vie ?

Comment pouvons-nous nous souvenir du Ressuscité dans la vie quotidienne?

En faisant mémoire du Seigneur au travail, et non malgré le travail, en famille et non malgré la famille, dans l’Église, et non malgré l’Église, qui, avec ses rites, établit ce qui est vrai.

C’est vraiment l’Église qui nous aide à faire mémoire du Christ par sa liturgie. Reprenons par exemple la Semaine Sainte. Pendant cette grande et sainte semaine, l’Église a réveillé en nous le souvenir vif des souffrances que le Seigneur a souffertes pour nous et nous prépare à célébrer avec joie « la vraie Pâque que le sang du Christ a couverte de gloire, la Pâque où l’Église célèbre la fête qui est à l’origine de toutes les fêtes » (Préface ambrosienne de Pâque).

Le Jeudi Saint, l’Église a fait mémoire du Dernier Repas pendant lequel le Seigneur, la veille de sa passion et de sa mort, a institué le sacrement de l’Eucharistie, où le Christ se donne à nous tous comme nourriture du salut et remède d’immortalité.

Le Vendredi Saint est la journée où l’Église fait mémoire de la passion, de la crucifixion et de la mort de Jésus. En ce jour la liturgie nous réunit pour nous faire méditer sur le grand mystère du mal et du péché qui oppriment l’humanité et pour nous faire parcourir les souffrances du Seigneur qui expient ce mal.

La mémoire a besoin de silence, c’est pour cela que le Samedi Saint est marqué par un profond silence. Un jour de silence est nécessaire pour méditer sur la réalité de la vie humaine, sur les forces du mal et sur les grandes forces du bien qui jaillissent de la passion et de la résurrection du Seigneur.

Ce samedi de silence et de douloureuse mémoire aboutit à la veillée pascale qui introduit le dimanche le plus important de l’histoire du monde: le dimanche de la Pâque du Christ.

Faire mémoire des mystères du Christ, mort et ressuscité, signifie vivre en profonde et solidaire adhésion à l’aujourd’hui de l’histoire, convaincus que ce que nous célébrons est une réalité vivante.

Faire mémoire du Christ ne veut pas dire le rappeler simplement comme une personne du passé qui nous a laissé un enseignement profond, mais signifie le rendre présent en se laissant attirer par sa présence amoureuse, Lui qui est vivant pour toujours.

  Faire mémoire signifie être en communion avec le Christ. La communion avec Jésus n’est pas un mystère qui se célèbre simplement dans la liturgie avec des gestes et des paroles. Le commandement: « faites ceci en mémoire de moi » a une double épaisseur: faire mémoire dans le sacrement et faire mémoire dans la vie, rendre présent Jésus dans le sacrement et le rendre présent dans la charité.

 

  1. Mémoire et présence

En ce troisième dimanche de Pâques, la liturgie nous aide à faire mémoire en dressant, devant les yeux du cœur, la présence du Christ. Elle le fait en nous proposant comme lecture de l’Évangile, le récit que Saint Luc fait de la troisième rencontre du Ressuscité avec ses Apôtres dans le Cénacle.

En ce dimanche, l’Église veut nous faire comprendre comment, depuis sa résurrection, le Christ est vraiment vivant au milieu de nous et de nos journées, dans notre vie quotidienne. La foi dans le Christ, c’est vraiment cela: croire que le Christ est vraiment ressuscité et qu’il vit chaque jour avec nous, en ami fidèle, pour toujours.

Alors, se souvenir ou faire mémoire ne veut pas dire faire revenir à l’esprit le souvenir d’une personne aimée, mais rendre aux yeux du cœur la présence vraie de l’Aimé.

L’évangéliste Luc nous propose presque un itinéraire des apparitions du Christ pour mieux nous faire comprendre que le Christ crucifié est vraiment le Ressuscité.

Après nous avoir offert les dimanches précédents, comme preuves de la résurrection de Jésus, le sépulcre vide, le témoignage des anges, l’apparition aux disciples sur la route d’Emmaüs, aujourd’hui, Luc nous raconte comment Jésus offre des preuves encore plus tangibles: il apparaît aux apôtres réunis, montre ses blessures, se met à table avec eux. Jésus a un vrai corps. Le Ressuscité n’est pas un fantôme mais un être réel qui se fait présence au milieu des siens auxquels il demande de faire mémoire de lui et de lui rendre témoignage.

Cette présence reste à notre disposition, de façon sublime, dans le pain eucharistique, qui est gardé dans toutes les églises du monde.

Allons nous mettre devant le tabernacle pour adorer et visiter le Ressuscité. L’adoration eucharistique et la visite au très saint Sacrement sont nécessaires parce qu’il y a justement en elles une orientation inhérente au Christ présent sous les espèces du pain.

En grec « adoration » se dit proskynesis. Ce qui signifie le geste de soumission, la reconnaissance de Dieu comme notre vraie mesure, dont nous acceptons de suivre les normes. Cela signifie que la liberté ne veut pas dire jouir de la vie, se considérer absolument autonome, mais s’orienter selon la mesure de la vérité et du bien pour devenir ainsi nous mêmes, vrais et bons.

En latin « adoration » est ad-oratio, contact bouche à bouche, baiser, embrassade et donc amour. La soumission devient union parce que celui auquel nous nous soumettons est Amour. Ainsi la soumission prend sens parce qu’elle ne nous impose pas des choses étrangères à nous-mêmes, mais elle nous libère en fonction de la vérité intime  de notre être, elle nous convertit de façon stable au Christ et nous amène à avoir avec Lui et avec nos frères et sœurs, un rapport d’amitié, de partage, d’amour, de confiance, c’est à dire de communion.

L’union au Christ à travers l’Eucharistie, consommée et adorée, nous permet de donner comme chrétiens, un vrai témoignage de vie vécue avec Lui.

Les vierges consacrées nous montrent comment faire vivre cette mémoire et cette présence du Christ dans nos vies.  Leur vocation ne s’identifie pas à une charge spécifique ou à une fonction particulière, mais dans le « faire mémoire », dans le témoignage qu’elles donnent sur ce qui est essentiel dans l’Église c’est à dire l’amour du Christ pour chacun de nous et pour tous, un amour fidèle et personnel, que l’Écriture et la tradition de l’Église ont traduit avec l’image de « l’Époux ».

En outre il est utile de rappeler que « le Mystère eucharistique a aussi un rapport intrinsèque avec la virginité consacrée, en tant qu’elle est expression du don exclusif de l’Église au Christ, qu’elle accueille comme son Époux avec une fidélité radicale et féconde. Dans l’Eucharistie, la virginité consacrée trouve inspiration et nourriture pour sa donation totale au Christ » (Benoît XVI,  Sacramentum caritatis, n.81). « Dans l’Eucharistie, le Christ accomplit toujours à nouveau le don de soi qu’il a fait sur la Croix. Toute sa vie est un acte de partage total de soi par amour » (Pape François).

La vierge consacrée est passionnée d’amour pour l’Eucharistie et reçoit Jésus comme son inspiration et sa nourriture. Elle donne, toujours prête à recevoir l’amour intime du Seigneur et à 

le rendre en prière et en service. Renforcée par cette nourriture, elle ose se présenter publiquement comme vierge au milieu d’une société hostile, en reconnaissant humblement qu’elle n’est pas seulement une femme consacrée mais aussi une vierge consacrée.

 

Lecture Patristique

Saint Justin (100 – 163/167),
Première Apologie

La célébration de l’Eucharistie.

Le philosophe, Justin, membre de la communauté de Rome — où il fut martyrisé en 165 — est pour nous le premier témoin de l’Eucharistie de cette communauté.

Personne ne doit prendre part à l’Eucharistie, sinon celui qui croit à la vérité de notre doctrine, qui a été baptisé pour obtenir le pardon des péchés et la nouvelle naissance, et qui vit selon l’enseignement que le Christ nous a transmis.

Car nous ne prenons pas l’Eucharistie comme un pain ordinaire ou une boisson ordinaire. De même que Jésus Christ notre Sauveur, en s’incarnant par la Parole de Dieu, a pris chair et sang pour notre salut : ainsi l’aliment devenu eucharistie par la prière contenant sa parole, et qui nourrit notre sang et notre chair en les transformant, cet aliment est la chair et le sang de ce Jésus qui s’est incarné. Voilà ce qui nous est enseigné.

En effet, les Apôtres, dans leurs mémoires qu’on appelle Évangiles, nous ont ainsi transmis l’ordre de Jésus : Il prit du pain, il rendit grâce et il dit : Faites cela en mémoire de moi. Ceci est mon corps. Il prit la coupe de la même façon, il rendit grâce et il dit : Ceci est mon sang. Et c’est à eux seuls qu’il le distribua. Depuis ce temps, nous n’avons jamais cessé d’en renouveler la mémoire entre nous.

Parmi nous, ceux qui ont de quoi vivre viennent en aide à tous ceux qui sont dans le besoin, et nous sommes toujours unis entre nous. Dans toutes nos offrandes, nous bénissons le créateur de l’univers par son Fils Jésus Christ et par l’Esprit Saint.

Le jour appelé jour du soleil, tous, qu’ils habitent la ville ou la campagne, ont leur réunion dans un même lieu et on lit les mémoires des Apôtres et les écrits des prophètes aussi longtemps qu’il est possible.

Quand le lecteur a fini, celui qui préside fait un discours pour nous avertir et pour nous exhorter à mettre en pratique ces beaux enseignements.

Ensuite nous nous levons tous et nous faisons ensemble des prières. Puis, lorsque nous avons fini de prier, ainsi que je l’ai déjà dit, on apporte le pain avec le vin et l’eau. Celui qui préside fait monter au ciel des prières et des actions de grâce, autant qu’il en est capable, et le peuple acclame en disant : Amen. Puis on distribue et on partage à chacun les dons sur lesquels a été prononcée l’action de grâce ; ces dons sont envoyés aux absents par le ministère des diacres.

Les fidèles, qui sont dans l’aisance et qui veulent donner, donnent librement, chacun ce qu’il veut ; ce qu’on recueille est remis à celui qui préside et c’est lui qui vient en aide aux orphelins et aux veuves, à ceux qui sont dans le besoin par suite de maladie ou pour toute autre cause, aux prisonniers, aux voyageurs, aux étrangers ; bref, il vient en aide à tous les malheureux.

C’est le jour du soleil que nous faisons tous notre réunion, d’abord parce que c’est le premier jour, celui où Dieu, à partir des ténèbres et de la matière, créa le monde ; et c’est parce que ce jour-là est encore celui où Jésus Christ, notre Sauveur, ressuscita d’entre les morts. La veille du jour de Saturne (du samedi), on l’avait crucifié, et le surlendemain, c’est-à-dire le jour du soleil, s’étant montré à ses Apôtres et à ses disciples, il leur enseigna ce que nous avons exposé.

Share this Entry

Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel