Des millions de catholiques et de non-catholiques ont probablement commencé cette semaine précédant Noël avec l’idée qui a peut-être suscité perplexité et confusion mais qui n’est pas tout à fait exacte : le pape aurait approuvé la bénédiction des couples de même sexe ainsi que des personnes divorcées remariées.
Voici 15 réponses à des interrogations très concrètes et spécifiques. Ces réponses sont extraites du document original Fiducia supplicans afin de montrer clairement que de nombreux articles publiés aujourd’hui sont plutôt imprécis.
Vous pouvez lire ici l’intégralité du texte original.
1. Quel est le sujet principal de la Déclaration Fiducia supplicans, par qui et quand a-t-elle été publiée ?
La première chose à préciser est qu’il s’agit d’un document dont le thème principal est – « le sens pastoral des bénédictions ». Il s’agit d’un document du Dicastère pour la doctrine de la foi (autrefois présidé par l’un des plus grands théologiens de l’histoire, le cardinal Joseph Ratzinger) et il a été publié le lundi 18 décembre 2023.
2. Change-t-elle la doctrine de l’Église ?
« La présente déclaration reste ferme sur la doctrine traditionnelle de l’Église concernant le mariage, n’autorisant aucun type de rite liturgique ou de bénédiction similaire à un rite liturgique qui pourrait prêter à confusion. »
3. Quelle est l’originalité de cette Déclaration ?
« La valeur de ce document est d’offrir une contribution spécifique et innovante à la signification pastorale des bénédictions, qui permet d’en élargir et enrichir la compréhension classique, étroitement liée à une perspective liturgique. »
4. Pourquoi cette Déclaration est-elle publiée (Fiducia supplicans, 2) ?
Le Dicastère pour la doctrine de la foi « a considéré diverses questions, formelles et informelles, sur la possibilité de bénir les couples de même sexe et sur la possibilité d’offrir de nouvelles clarifications, à la lumière de l’attitude paternelle et pastorale du pape François, sur le Responsum ad dubium formulé par l’ancienne Congrégation pour la doctrine de la foi et publié le 22 février 2021 ».
5. Ces « bénédictions pastorales » sont-elles de nouveaux rites pour les couples de même sexe et les divorcés remariés (FS, 4 et 5) ?
Le Dicastère précise que « sont inadmissibles les rites et les prières qui pourraient créer une confusion entre ce qui est constitutif du mariage, à savoir une « union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la génération d’enfants », et ce qui le contredit. » Et il ajoute : « En ce qui concerne les bénédictions, l’Église a le droit et le devoir d’éviter tout type de rite qui pourrait contredire cette conviction ou prêter à confusion (…) Tel est également le sens du Responsum de l’ancienne Congrégation pour la doctrine de la foi, qui affirme que l’Église n’a pas le pouvoir de donner des bénédictions aux unions entre personnes de même sexe. »
6. À quoi nous invite la pensée du pape sur le sens pastoral, et non liturgique ou semi-liturgique, des bénédictions ? (FS, 7)
« Il nous invite à faire l’effort de développer et d’enrichir le sens des bénédictions », en distinguant les bénédictions liturgiques ou semi-liturgiques des bénédictions pastorales. Le présent document se concentre sur les bénédictions pastorales, comme nous l’avons déjà mentionné.
7. Quelle est la distinction entre les bénédictions liturgiques ou semi-liturgiques et les bénédictions pastorales (FS, 9, 11, 12, 18 et 19) ?
« D’un point de vue strictement liturgique, la bénédiction exige que ce qui est béni soit conforme à la volonté de Dieu telle qu’elle se manifeste dans les enseignements de l’Église. » Plus loin, il dira : « Lorsqu’une bénédiction est invoquée sur certaines relations humaines au moyen d’un rite liturgique approprié, il est nécessaire que ce qui est béni puisse correspondre aux desseins de Dieu inscrits dans la Création et pleinement révélés par le Christ Seigneur. C’est pourquoi, étant donné que l’Église a toujours considéré comme moralement licites uniquement les relations sexuelles vécues dans le cadre du mariage, elle n’a pas le pouvoir de conférer sa bénédiction liturgique lorsque celle-ci peut, d’une certaine manière, offrir une forme de légitimité morale à une union qui se présente comme un mariage ou à une pratique sexuelle extra maritale. La substance de cette prise de position a été réitérée par le Saint-Père dans ses Respuestas aux Dubia de deux Cardinaux. »
Il est également précisé que « Nous devons aussi éviter le risque de réduire le sens des bénédictions à ce seul point de vue, car cela nous conduirait à exiger, pour une simple bénédiction, les mêmes conditions morales que celles qui sont exigées pour la réception des sacrements. Ce risque exige que nous élargissions encore cette perspective. »
Sur les bénédictions pastorales, il est dit que « Dans la continuité de l’Ancien Testament, la bénédiction en Jésus n’est pas seulement ascendante, se référant au Père, mais aussi descendante, répandue sur les autres comme un geste de grâce, de protection et de bonté. » (…) « La bénédiction exprime l’étreinte miséricordieuse de Dieu et la maternité de l’Église qui invite les fidèles à avoir les mêmes sentiments de Dieu envers leurs propres frères et sœurs. »
8. Que signifie demander une bénédiction dans l’Église ? (FS, 20, 21)
« Celui qui demande une bénédiction montre qu’il a besoin de la présence salvifique de Dieu dans son histoire, et celui qui demande une bénédiction à l’Église reconnaît l’Église comme sacrement du salut que Dieu offre. Chercher une bénédiction dans l’Église, c’est admettre que la vie de l’Église jaillit du sein de la miséricorde de Dieu et nous aide à avancer, à mieux vivre, à répondre à la volonté du Seigneur. »
(…) « Lorsqu’on demande une bénédiction, il s’agit d’une demande d’aide adressée à Dieu, d’une prière pour pouvoir vivre mieux, d’une confiance en un Père qui peut nous aider à vivre mieux. Cette demande doit être valorisée, accompagnée et accueillie avec gratitude. Les personnes qui viennent spontanément demander une bénédiction manifestent par cette demande leur ouverture sincère à la transcendance, la confiance de leur cœur qui ne s’appuie pas uniquement sur leurs propres forces, leur besoin de Dieu et leur désir de sortir de l’étroitesse de ce monde refermé sur lui-même. »
9. Les bénédictions pastorales (en dehors de la sphère liturgique) : une ressource pastorale (FS, 23, 24)
Lorsque ces expressions de la foi sont considérées en dehors d’un cadre liturgique, on se trouve dans un domaine de plus grande spontanéité et liberté, mais « le caractère facultatif des pieux exercices ne peut en aucun cas signifier une quelconque méconnaissance, ni même le mépris à leur égard. L’attitude juste qu’il convient d’adopter est, au contraire, celle qui consiste à valoriser d’une manière adéquate et avec sagesse, les richesses non négligeables de la piété populaire, avec ses potentialités ». Les bénédictions deviennent ainsi une ressource pastorale à valoriser plutôt qu’un risque ou un problème.
(…) Les bénédictions doivent être évaluées comme des actes de dévotion qui « ont une place qui leur est propre, en dehors de la célébration de l’Eucharistie et des autres sacrements […]. Le langage, le rythme, la configuration, les accents théologiques de la piété populaire se différencient bien des éléments correspondants dans les actions liturgiques ». Pour la même raison, « il faut éviter de qualifier les pieux exercices de “célébrations liturgiques”, car ils doivent conserver leur propre style, leur simplicité et leur langage particulier.
10. Oui à la bénédiction des personnes, malgré leurs erreurs (FS, 27)
« Faire sentir à ces personnes qu’elles restent bénies malgré leurs graves erreurs, que le Père céleste continue à vouloir leur bien et à espérer qu’elles s’ouvrent finalement au bien. Même si leurs parents les plus proches les ont abandonnées, parce qu’ils les jugent désormais irrécupérables, pour Dieu ce sont toujours ses enfants. »
11. Ces bénédictions sont-elles comparables au mariage ? (FS, 30)
S’il n’est pas opportun qu’un diocèse, une Conférence des évêques ou toute autre structure ecclésiale mette en place constamment et officiellement des procédures ou des règles pour toutes sortes de questions , la prudence et la sagesse pastorales peuvent suggérer que, pour éviter de graves formes de scandale ou de confusion parmi les fidèles, le ministre ordonné s’associe aux prières des personnes qui, bien que vivant une union qui ne peut en aucun cas être comparée au mariage, désirent se confier au Seigneur et à sa miséricorde, invoquer son aide et être guidées vers une plus grande compréhension de son dessein d’amour et de vérité. »
12. Les unions homosexuelles ou les couples divorcés remariés sont-ils légitimes (FS, 31) ?
« Une bénédiction descendante de Dieu lui-même sur ceux qui, se reconnaissant indigents et ayant besoin de son aide, ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut, mais demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations soit investi, guéri et élevé par la présence de l’Esprit Saint. Ces formes de bénédiction expriment une supplication à Dieu pour qu’il accorde les aides qui proviennent des impulsions de son Esprit – que la théologie classique appelle « grâces actuelles » – afin que les relations humaines puissent mûrir et grandir dans la fidélité au message de l’Évangile, se libérer de leurs imperfections et de leurs fragilités et s’exprimer dans la dimension toujours plus grande de l’amour divin. »
13. Y aura-t-il de nouvelles formules de bénédiction pastorale dans le Rituel des bénédictions (FS, 35, 36) ?
« La sensibilité pastorale des ministres ordonnés doit aussi être éduquée à effectuer spontanément des bénédictions qui ne se trouvent pas dans le Rituel des bénédictions. En ce sens, il est essentiel d’accepter la préoccupation du pape pour que ces bénédictions non ritualisées ne cessent pas d’être un simple geste qui fournit un moyen efficace d’accroître la confiance en Dieu des personnes qui le demandent, en évitant qu’elles deviennent un acte liturgique ou semi-liturgique, semblable à un sacrement. »
14. Faut-il instituer des rites pour ce type de bénédiction (FS, 38) ?
Non, « Il ne faut ni promouvoir ni envisager un rituel de bénédiction des couples en situation irrégulière, mais il ne faut pas non plus empêcher ou interdire la proximité de l’Église avec toute situation où l’on recherche l’aide de Dieu au moyen d’une simple bénédiction. »
15. Ces bénédictions peuvent-elles être pratiquées au cours d’une messe ou après des unions civiles de personnes de même sexe ou divorcées et remariées (FS, 39, 40) ?
« (…) Pour éviter toute forme de confusion ou de scandale, lorsque la prière de bénédiction, bien qu’exprimée en dehors des rites prescrits par les livres liturgiques, est demandée par un couple en situation irrégulière, cette bénédiction ne sera jamais accomplie en même temps que les rites civils d’union, ni même en relation avec eux. Ni non plus avec des vêtements, des gestes ou des paroles propres au mariage. Il en va de même lorsque la bénédiction est demandée par un couple de même sexe. »
« (…) Une telle bénédiction peut en revanche trouver sa place dans d’autres contextes, comme la visite d’un sanctuaire, la rencontre avec un prêtre, une prière récitée en groupe ou lors d’un pèlerinage. En effet, par ces bénédictions, qui ne sont pas données selon les formes rituelles propres à la liturgie, mais plutôt comme une expression du cœur maternel de l’Église, semblables à celles qui jaillissent des profondeurs de la piété populaire, on n’entend pas légitimer quoi que ce soit, mais seulement ouvrir sa vie à Dieu, lui demander son aide pour mieux vivre, et invoquer aussi l’Esprit Saint pour que les valeurs de l’Évangile soient vécues avec une plus grande fidélité. »