« La Folie du Totus tuus » : c’est le titre du nouveau livre de la journaliste et écrivaine française Elisabeth de Baudoüin, qui a bien voulu confier aux lecteurs de Zenit la genèse et le sens de cette enquête dans le sillage du p. Olivier Maire (1960-2021), du saint pape Jean-Paul II (1920-2005) et de saint Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716). Le livre est publié aux éditions Téqui (172 pp., 14,90€). Il repropose ce « moyen « aisé, court, parfait et assuré » pour acquérir la sainteté ». Une lecture qui tombe à point en ce mois du rosaire et en cette veille de la fête de Notre Dame du Rosaire, qui coïncide, cette année, avec le premier samedi du mois d’octobre.
Élisabeth de Baudoüin est spécialiste du Vatican. Elle a notamment publié Vera Grita, une vie eucharistique (Salvator 2021), Thérèse et François (Salvator, 2019) et, avec le père François-Marie Léthel, Les saints nous conduisent à Jésus (Salvator, 2017). Elle est convaincue que la grande radicalité du Totus tuus s’adresse à tous et pourrait aider l’Église à répondre aux nombreux défis actuels.
Pourquoi, Elisabeth de Baudoüin, un livre sur le « Totus tuus» (“Tout à toi ”) ? Quelle actualité ?
L’idée d’écrire ce livre m’est venue au moment de la mort du Père Olivier Maire, ce religieux, provincial des Montfortains de France, assassiné par un réfugié rwandais le 9 août 2021 à Saint Laurent-sur-Sèvre, en Vendée. J’avais été en contact avec le Père Maire et en apprenant ce drame, j’ai pensé : On ne va pas faire le lien entre son amour des périphéries et le Totus tuus, c’est-à-dire le don total de soi à Jésus par les mains de Marie promu par la spiritualité montfortaine, qui sous-tendait toute sa vie de chrétien et de prêtre. Son témoignage prouve, si besoin est, que cette spiritualité n’appartient pas au passé mais qu’elle continue d’être vécue aujourd’hui. Elle n’induit pas forcément (évidemment) le genre de mort qui a été la sienne, mais elle débouche toujours sur la charité en faveur du prochain, quel qu’il soit.
A quel public vous adressez-vous en faisant cette « petite pédagogie » de spiritualité mariale montfortaine ?
La « voie mariale » du Père de Montfort, véhiculée par son best-seller, le « Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge », n’est pas réservée à une élite. Le missionnaire breton la proposait à tous, comme un moyen « aisé, court, parfait et assuré » pour acquérir la sainteté, qui, a-t-il insisté en avance sur son temps, est la vocation assurée de tout homme. C’est le sens – et le contenu – des quelques 400 missions paroissiales qu’il a prêchées dans tout l’ouest de la France au début du XVIIIème siècle et qui s’adressaient aussi bien aux gens simples et sans instruction qu’à l’élite locale. Grâce à cette voie, de nombreux chrétiens se sont sanctifiés : d’illustres personnages comme Saint Jean-Paul II mais aussi une foule d’anonymes. Dans la fidélité à l’auteur du Traité et sur ses pas, j’ai écrit ce livre pour un public large, tout en essayant de montrer comment on peut vivre le Totus tuus concrètement aujourd’hui, à tout âge et dans tous les états de vie.
Vu son importance spirituelle et apostolique, saint Louis-Marie ne pourrait-il pas être reconnu comme docteur de l’Église, en cette époque de la nouvelle évangélisation ?
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort est à la fois un maître spirituel avéré et un géant de la mission. Il l’a prouvé, de façon efficace et durable. Il a en effet si bien ré-évangélisé l’ouest de la France, que trois générations plus tard, les régions où il était passé se sont soulevées pour la défense de la foi catholique, jusqu’au martyre. Au-delà, son charisme lui a survécu grâce à son fameux « Traité », découvert providentiellement en 1842 et qui a eu un impact considérable sur la vie de l’Église et la sanctification des âmes. Pour ces raisons, oui, il mérite de compter parmi les docteurs de l’Église ! Au côté notamment de Thérèse de Lisieux, dont la « Petite voie de confiance et d’amour » a été répandue dans le monde entier grâce à son « Histoire d’une âme », avec des retombées incalculables. A l’heure où, en France notamment, l’urgence est à la ré-évangélisation, la doctrine et la méthode éprouvées du Père de Montfort pourraient, avec les adaptations nécessaires, opérer des merveilles ! Et – pourquoi pas ? – faire de ce grand missionnaire, qui a exercé son zèle apostolique dans son propre pays, à la demande du pape lui-même (Clément XI), un patron pour la nouvelle évangélisation !
Saint Jean-Paul II a redonné à l’Église la spiritualité mariale de saint Louis-Marie Grignion de Montfort – tombée un temps en désuétude – comme en témoigne sa devise : Totus tuus. Karol Wojtila avait découvert le « Traité » alors qu’il travaillait comme ouvrier à l’usine Solvay de Cracovie, à l’époque tragique de l’occupation nazie. En même temps, séminariste clandestin, il se posait des questions sur la place de Marie dans la vie chrétienne…
Oui, il fait alors partie, peut-on dire, de ceux que le Père de Montfort appelle les « dévots scrupuleux » : ces chrétiens qui ont peur que la Mère, si on l’aime trop, si on lui donne trop de place, ne fasse de l’ombre à son Fils. C’est une crainte qui habite, dans sa jeunesse, le futur pape : que la dévotion mariale ne masque le Christ, au lieu de lui céder le pas. En lisant le Traité, il comprend qu’il en va tout autrement et que Marie ne fait pas concurrence à son Fils, bien au contraire. Saint Louis Marie insiste en effet tout au long de son Traité : le propre de Marie, qui est parfaitement unie au Christ, est de conduire à Lui et uniquement à Lui. Plus on se donne à elle, plus elle nous donne à son Fils, plus elle nous donne son Fils. La Vraie dévotion à Marie est christocentrique. C’est ce qui en fait un chemin sûr pour marcher vers la sainteté.