34e dimanche du Temps ordinaire, Christ Roi – Année C – 20 novembre 2022
Rite romain
2e Sam 5,1-3; Ps 121; Col 1,12-20; Lc 23,35-
1) Royauté de la vérité.
L’année liturgique se conclut avec la célébration du Christ, Roi de l’univers. En cette année 2016, la solennité de Christ Roi tombe le dimanche 20 novembre, jour conclusif de l’année du jubilé de la miséricorde amoureuse qui nous donne la lumière, maintenant et pour l’éternité.
Grâce à la liturgie, nous avons commencé notre chemin de cœur à Nazareth avec la Vierge Marie qui attendait le Messie annoncé par l’Ange ; ensuite, spirituellement, nous avons parcouru avec le sauveur les chemins de la Terre Sainte. A la fin du chemin liturgique annuel, nous arrivons aujourd’hui à Jérusalem et nous sommes mis devant la croix sur laquelle Jésus meurt.
Pour fêter le Christ, roi de l’univers, certains peuvent s’étonner qu’aujourd’hui, l’Eglise ne nous propose pas l’histoire d’une théophanie (manifestation de Dieu) resplendissante : celle de la Transfiguration, par exemple. La liturgie nous invite à contempler Jésus sur la croix. Sur ce « trône » paradoxal, le Roi des rois exerce son pouvoir en sauvant un larron repenti.
Nous sommes invités à comprendre que la royauté de Jésus Christ a pour centre le mystère de sa mort et résurrection. Lorsque Jésus est mis sur la Croix, les chefs des juifs se moquent de lui : « Si tu es le Roi des Juifs, sauve toi-même » (Lc 23,37). En réalité, Jésus, le Fils de Dieu, s’est offert librement à sa passion et la Croix est le signe paradoxal de sa royauté qui consiste en la Victoire de la volonté d’amour de Dieu Père sur la désobéissance du péché. De ce trône de bois simple et sec, le Christ règne en exerçant son pouvoir d’amour miséricordieux. De La Croix qui soutient le monde, Il règne et gouverne avec l’amour miséricordieux.
C’est en s’offrant lui-même dans le sacrifice d’expiation que Jésus devient le Roi universel, lorsqu’ Il déclarera, en apparaissant aux Apôtres après la Résurrection : « tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » (Mt 28,18).
Mais en quoi consiste la royauté de Jésus ? Son règne est un « règne éternel et universel, règne de vérité et de vie, de sainteté et de grâce, d’amour et de paix » (Préface de la Messe du Christ Roi).
Nous aurons accès à ce règne en regardant Jésus sur La Croix comme le larron repenti. Cet homme a su reconnaître la vérité de Dieu dans un homme crucifié et fut sauvé pour toujours : Le Christ est Dieu, Il est grâce, Il est miséricorde et Il est mort pour que chacun de nous puisse vivre.
S’il est important de comprendre que la royauté du Christ resplendit dans son « obstination » à nous aimer, dans son refus d’utiliser sa puissance pour se sauver Lui-même, en donnant Sa vie et en nous donnant la vraie vie, il est encore plus important de comprendre que Jésus est le Roi de la vérité. Il est le roi de l’univers parce qu’il est la vérité, qu’Il fait entrer dans la vérité qui lui rend témoignage.
Pour Jésus qui se définit: Vérité, Vie et Chemin (Jn 14,16), la vérité est la seule chose qui compte, comme il répondit à Pilate : « C’est toi qui le dis, moi je suis le roi. C’est pour çela que je suis né et pour cela que je suis venu dans le monde : pour témoigner de la vérité. Celui qui est dans la vérité, écoute ma voix » (Jn18,37). Et cette affirmation ne contredit pas l’importance de l’amour. Vérité et amour ne sont pas en contradiction ; plutôt : elles s’alimentent réciproquement. La vérité sans l’amour peut devenir brutale et l’amour sans la vérité peut devenir banal. « Dans le dialogue de Jésus avec Pilate, il est évident qu’il n’existe aucune fracture entre l’annonce de Jésus en Galilée – le règne de Dieu – et ses discours à Jérusalem. Le centre du message jusqu’à la croix, jusqu’ à l’inscription sur la croix – est le règne de Dieu, la royauté nouvelle que Jésus représente. Le centre de tout est la vérité. La royauté annoncée par Jésus dans les paraboles est, en fait, la royauté de la vérité. L’érection de cette royauté, en tant que vraie libération de l’homme est ce qui intéresse » (Joseph Ratzinger – Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Paris 2011, p. 218).
2) Vrai Roi d’un monde nouveau.
Le pouvoir royal du Christ n’est pas comme celui des rois et des puissants de ce monde. C’est le pouvoir divin de donner la vie éternelle, de libérer du mal, de battre la domination de la mort. C’est le pouvoir de l’Amour qui pour s’imposer n’a pas besoin de la force brutale mais de celle de la tendresse, qui sait reconnaître le bien du mal, attendrir un cœur dur, apporter la paix dans le conflit le plus âpre, allumer l’espérance dans le noir le plus total. Ce Règne de la Grâce ne s’impose jamais, il se propose et respecte toujours notre liberté. Le Christ est venu « rendre le témoignage à la vérité » (Jn 18,37).
Vraiment, la royauté de Jésus n’a rien à partager avec le concept de royauté que nous, les hommes, nous avons. Nous sommes habitués à appeler « grands » ceux qui savent s’imposer avec « visibilité » dans la politique, dans l’économie, dans la vie sociale, et ceux qui souvent veulent s’imposer, étonner et dominer.
Le Règne de Jésus n’est pas de ce monde. Pourquoi ? Parce que la vérité est celle-ci : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle» (Jn 3,16).
Donc, l’important est d’accepter la Croix et de la reconnaître comme trône de vérité et de compassion. Le Christ compatît « avec » nous (au sens littéral du terme latin com-patire, c’est à dire souffrir avec) et sa compassion ne fut pas une émotion exprimée seulement avec les larmes. Jésus ne pleura pas seulement sur notre douleur et sur notre péché ; mais il l’éloigna de manière définitive sur la Croix lorsqu’ il prît sur lui, comme un agneau, comme un bouc émissaire, la faute du monde : il fit de notre passion la sienne. Jésus est « Roi mais sa puissance est la puissance de Dieu qui fait face au mal du monde, le péché qui défigure le visage de l’homme. Jésus prend sur lui le mal, la saleté, le péché du monde, notre péché et le lave avec son sang, avec la miséricorde, avec l’amour de Dieu » (Pape François, Angelus du 14 novembre 2015).
L’Agneau de Dieu Immaculé qui enlève le péché du monde donne un témoignage constant à la vérité : à la vérité de l’Amour divin.
Le monde qui se moque du Christ : « Si tu es Roi, descends de la Croix, sauve-toi toi-même » est vaincu avec la Croix. « Ayez confiance, moi, j’ai vaincu le monde » et donc « Je suis roi. Mais le monde n’a pas été vaincu à partir de l’intérieur du monde mais bien du haut du trône qui a été élevé au-dessus du monde. Jésus introduit la « Seigneurie » de Dieu dans le monde, en son intérieur : dans le cœur des hommes : en particulier des pauvres, des enfants, des miséricordieux, des doux, des persécutés : dans les cœurs purs. Par Lui, l’amour de Dieu a pris demeure sur la terre.
3) Un message trop haut et trop loin ?
Ce message du Christ Roi qui sert la vérité et l’amour à travers le don total de soi, peut être perçu comme quelque chose de lointain et de très haut que nous, pauvres êtres humains, ne pouvons pas saisir. Le Christianisme semble être une doctrine non réaliste, non adaptée à ce monde. Mais le Rédempteur a dit : « Je suis venu dans le monde pour témoigner de la vérité et chacun qui croit en la vérité écoute ma voix ». Chacun et pas seulement ceux qui ont étudié la théologie ou le catéchisme. Le Christ Roi a une façon de se rendre compréhensible à chacun : en se faisant rencontre avec chaque être humain à condition que son cœur – même de façon inconsciente – s’unisse à Lui. Chaque être humain peut rencontrer le Christ et écouter sa voix. Les chrétiens n’en ont pas le monopole, ils ont le devoir de continuer à témoigner de la vérité et de l’amour qu’ils ont expérimentés en eux de façon explicite et consciente, devant le monde
Un exemple particulier de rendre ce témoignage est celui des vierges consacrées dans le monde. Avec leur don total d’elles-mêmes, ces femmes témoignent que le Règne du Christ commence au plus profond de la conscience des chrétiens, mais pour être authentique, ce règne doit investir la vie quotidienne dans toutes les petites et grandes activités, en un mouvement vers l’extérieur. La dimension spirituelle intérieure ne s’oppose pas au faire. La première appelle nécessairement le second.
Ces vierges consacrées, aimantes de la vie spirituelle, témoignent de l’efficacité matérielle de l’union avec Dieu, c’est à dire du règne du Christ auquel on adhère intérieurement, mais auquel on doit travailler dans le monde, extérieurement. La prière n’est pas du temps perdu et les problèmes de la vie quotidienne ne se résolvent pas en épargnant du temps et l’effort consacré à la prière. La grâce nécessaire à la réalisation de ces objectifs sociaux qui demandent beaucoup d’efforts et de sacrifices, ne peut pas être complètement indépendante de la foi en Jésus Christ, Roi de l’univers.
En se consacrant, elles ont choisi définitivement et exclusivement le Christ, Epoux et vérité de leur vie. Ce choix ne garantit pas le succès selon les critères du monde mais assure cette paix et cette joie que seul Lui peut donner. L’expérience de ces femmes le démontre que – au nom du Christ, au nom de la vérité et de la justice – elles ont su s’opposer aux flatteries des pouvoirs terrestres avec leurs masques différents, jusqu’à sceller, avec le don total d’elles-mêmes, leur fidélité, pour collaborer à la construction du Royaume d’amour et de vérité de leur Epoux.(cf n° 17 du rituel de consécration des vierges : « Voulez-vous suivre le Christ selon l’Evangile de telle sorte que votre vie apparaisse comme un témoignage d’amour et le signe du Royaume à venir ? »)
Lecture Patristique
Saint Augustin d’Hippone
Traité 115
« C’est pourquoi Pilate lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le dis, oui, je suis roi ». Il ne craignit pas d’avouer qu’il était roi. Mais par ces mots: « Tu le dis », il conserve toute sa liberté. Il ne nie pas qu’il soit roi (car il est roi d’un royaume qui n’est pas de ce monde) et il n’avoue pas qu’il soit roi d’un royaume qui passe pour être de ce monde. C’est ce que pensait celui qui disait: « Donc tu es roi », et à qui il fut répondu: « Tu le dis, oui, je suis roi ». Notre-Seigneur emploie ces mots. « Tu le dis », comme pour dire: Tu es un homme charnel et tu parles d’après les sentiments de la chair.
Notre-Seigneur ajoute ensuite: « Je suis né et je suis venu au monde pour rendre témoignage à la vérité ». Le pronom dont se sert le texte latin: in hoc natus sum, ne doit pas s’entendre en ce sens: Je suis né dans -cette chose; mais bien: Je suis né pour cela, tout comme il est dit: « C’est pour cela que je suis venu dans le monde ». Dans le texte grec il n’y a aucune ambiguïté. Par là il a manifestement voulu, en cet endroit, rappeler cette naissance temporelle par laquelle, après s’être incarné, il est venu dans le monde, et non pas cette naissance sans commencement par laquelle il était le Dieu par qui le
Père a créé le monde. Il dit donc qu’il est né et qu’il est venu en ce monde, qu’il est né d’une Vierge pour cela, c’est-à-dire pour cette fin, pour rendre témoignage à la vérité. Mais comme la foi n’appartient pas à tous (1), il ajoute: « Quiconque est de la vérité, entend ma voix », c’est-à-dire l’entend intérieurement; c’est-à-dire encore, obéit à ma voix; c’est la même chose que s’il disait: Croit en moi. Quand Jésus-Christ rend témoignage à la vérité, il se rend évidemment témoignage à lui-même; c’est lui, en effet, qui a dit: « Je suis la vérité (2) », et en un autre endroit il dit: « Moi, je rends témoignage de moi-même (3) ». Par ces autres paroles: « Quiconque est de la vérité, entend ma voix », il nous fait souvenir de la grâce par laquelle il nous appelle selon son bon plaisir. C’est de ce bon plaisir que l’Apôtre nous dit: « Nous savons qu’à ceux qui aiment Dieu, toutes choses tournent à bien, à ceux qui ont été appelés selon la volonté de Dieu (4) », selon la volonté de Celui qui appelle, et non pas de ceux qui sont appelés. Ceci est plus clairement exprimé en un autre endroit: « Collaborez à l’Evangile selon la puissance de Dieu qui nous sauve et noua appelle par sa sainte vocation, non d’après nos oeuvres, mais d’après sa volonté et sa grâce (5) ». Si nous supposons qu’il s’agisse de la nature dans laquelle nous avons été créés, comme la vérité nous a tous créés, qui est-ce qui ne serait pas de la vérité? Mais ce n’est pas à tous que la vérité a donné d’entendre la vérité, c’est-à-dire d’obéir à la vérité et de croire à la vérité; et cela sans aucun mérite antécédent, de peur que la grâce ne soit plus une grâce. Si Notre-Seigneur avait dit: Quiconque entend ma voix est de la vérité; alors celui-là serait regardé comme étant de la vérité, qui obtempérerait à la vérité. Mais il n’a pas parlé ainsi; il a dit: « Quiconque est de la vérité, entend ma voix ». Par conséquent, il n’est pas de la vérité, parce qu’il entend sa voix.; mais il entend sa voix, parce qu’il est de la vérité, c’est-à-dire parce que ce don lui a été accordé par la vérité. Qu’est-ce que cela veut dire? Rien que ceci: Il croit en Jésus-Christ par un don de Jésus-Christ.