Card. Michael Czeny SJ @ Dicastère pour le développement durable

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Théologie : «Partir d’un contact réel avec les drames réels de l’humanité», par le card. Czerny SJ (1)

Intervention à la conférence à Toronto

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« Aborder les problèmes de manière abstraite peut entraîner une ‘dépersonnalisation’ du contexte, alors que nous devrions toujours partir d’un contact réel avec les drames réels de l’humanité », affirme le cardinal Michael Czerny s.j., responsable de la section Migrants et Réfugiés du Dicastère pour le service du développement humain intégral.

Il interviendra ce vendredi 19 novembre 2021 à la conférence du chancelier au Regis College à Toronto (Canada). Le thème de la conférence est : « Le renouveau de la théologie comme dialogue de l’intérieur ».

Le samedi 20 novembre, au Regis College, il y aura la Convocation au cours de laquelle le cardinal Czerny recevra un docteur honoris causa en théologie. Le dimanche 21 novembre, fête du Christ-Roi, le cardinal présidera l’eucharistie à l’Oratoire Saint-Joseph de Montréal, célébrant également l’Année de saint Joseph qui se termine le 8 décembre prochain.

Le cardinal Czerny prononcera son discours en l’honneur du P. Peter Larisey, s.j., (1929-2020), jésuite canadien, membre de la Compagnie de Jésus pendant 68 ans, qui a fortement marqué le début de la vie du cardinal : « Les premiers souvenirs que je garde de Regis à Willowdale sont les expositions d’art révolutionnaires intitulées Canadian Religious Art Today, organisées par Peter Larisey en 1963 et 1966, se souvient le cardinal. Il voulait montrer aux artistes, pour le dire avec les mots de Gaudium et spes, ‘que l’Église reconnaît leur activité’ tout en accueillant aussi ‘les nouvelles formes d’art qui conviennent à nos contemporains, selon le génie des diverses nations et régions’ ».

Les deux expositions du P. Larisey à Regis, explique le cardinal, « sont une parabole du ‘dialogue de l’intérieur’ que le titre de cette conférence propose pour ‘le renouveau de la théologie’ qui se produit lorsque les personnes concernées sont ‘dociles aux signes et à l’action du Seigneur ressuscité et à son Esprit de paix’ ».

  1. Vatican II : «le changement de paradigme »

La réflexion de l’Église sur le dialogue et le renouveau « commence par le changement de paradigme qui s’est opéré dans l’Église avec le Concile Vatican II », écrit le cardinal. Il énumère les « tournants significatifs » de ce cheminement : avec la Constitution dogmatique Dei Verbum (le 18 novembre 1965), « l’Église a mis un terme définitif » à une « attitude défensive qui, depuis l’avènement de la modernité, avait conduit l’Église à se concevoir comme une forteresse assiégée par des ennemis de la foi internes et externes ». Vatican II, explique le cardinal, a choisi « un ton plus dialogique et constructif, ce fut le premier concile à ne pas prononcer d’anathèmes ». « La Révélation de Dieu est comprise comme son autocommunication à l’humanité et comme un appel à la communion avec Lui. »

La Constitution pastorale Gaudium et spes (le 8 décembre 1965), poursuit le cardinal, « a appelé l’Église à entrer en dialogue avec le monde, avec le présent, avec l’humanité entière ».

Ce dialogue « vise certainement à rendre plus efficace l’annonce de l’Évangile, mais il est encore plus nécessaire pour saisir les signes de la présence du Christ qui émergent de l’histoire ».

Le « grand changement » que Gaudium et spes a introduit « dans la manière dont l’Église se présente au monde ne pouvait manquer d’avoir d’énormes répercussions sur la manière de comprendre la théologie en tant que formation au ministère, ordonné, religieux et laïque », souligne le cardinal Czerny.

  1. Le dialogue au sein de l’Église enseignante

Le cardinal rappelle que le pape Paul VI a « préparé la constitution apostolique destinée à orienter et à diriger les études ecclésiastiques à la lumière du Concile », mais il « n’a pas vécu assez longtemps pour promulguer » Sapientia christiana. C’est ce qu’a fait le pape Jean-Paul II dès la première année de son pontificat, le 15 avril 1979.

L’encyclique Sapientia christiana « s’appuie notamment sur les documents du Concile » et démontre que « l’Église du Christ cherche à porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux de l’humanité, de manière à pouvoir convertir la conscience personnelle et la conscience collective des hommes ».

Cependant, note le cardinal, « près de 40 ans plus tard, un renouveau est nécessaire de toute urgence, et le pape François le propose ‘avec une détermination réfléchie et prophétique’ dans une nouvelle constitution apostolique ‘sur les universités et les facultés ecclésiastiques’ intitulée Veritatis gaudium (le 8 décembre 2017).

Quatre ans plutôt, dans l’encyclique Evangelii gaudium (le 24 novembre 2013), le pape François « déclare la nécessité de repenser chaque domaine de l’activité ecclésiale dans une clé missionnaire ». « Cela signifie, explique le card. Czerny, que les études de théologie aussi doivent embrasser cette priorité et relever le défi d’affronter la nouvelle configuration du monde issue de la mondialisation. »

Le cardinal s’interroge si on peut « servir la foi en tant que charité intellectuelle », « si l’on reste à l’écart de la charité historique en tant que défense de la dignité humaine ».  « La foi sans la lutte pour la justice risque de s’abstraire de la réalité, d’être insignifiante, de se limiter à un simple culte et à un rituel, répond-il. Mais, en même temps, l’engagement pour la justice doit être nourri par une foi vivante, réfléchie et éduquée, sinon elle tombe dans l’idéologie. »

  1. La base pastorale pour le dialogue

L’encyclique Veritatis gaudium, explique le cardinal, pose « les bases des facultés ecclésiastiques ainsi : le Peuple de Dieu est en pèlerinage le long des chemins de l’histoire, en sincère et solidaire compagnie des hommes et des femmes de tous les peuples et de toutes les cultures, pour éclairer de la lumière de l’Évangile la marche de l’humanité vers la nouvelle civilisation de l’amour ».

En citant l’encyclique du pape François, le card. Czerny affirme que les études ecclésiastiques offrent « une sorte de laboratoire culturel providentiel où l’Église fait un exercice d’interprétation performative de la réalité ».

Ce que Veritatis gaudium « offre à nouveau » « c’est un encouragement à persister dans la direction indiquée par la Constitution apostolique de Paul VI et de Jean-Paul II, en la précisant davantage à la lumière de la réalité sociale et religieuse d’aujourd’hui, qui est toujours plus pluraliste et pourtant poussée vers l’uniformité par la mondialisation ».

  1. L’attention au kérygme et aux pauvres

« Une attention priante (contemplative, mystique) au kérygme » devrait être mise « au centre de la théologie », rappelle le cardinal. « Contempler ‘la Bonne Nouvelle toujours fraîche et attirante de l’Évangile de Jésus-Christ, qui continue à prendre chair dans la vie de l’Église et de l’humanité’ … nous introduit spirituellement, intellectuellement et existentiellement au cœur du kérygme », affirme-t-il.

« L’attention » signifie donc « être plus attentif aux contextes, aux réalités et à la diversité lors de l’élaboration de la théologie ». « Cela exige que le théologien et l’étudiant soient attentifs aux situations et aux défis concrets qui les entourent (sociaux, politiques, culturels, ecclésiaux, pastoraux, économiques, etc.), afin que la formation théologique puisse s’engager et répondre plus efficacement. »

« Une vraie attention prend inévitablement la forme de la compassion », déclare le cardinal.

« Sans la compassion, puisée au Cœur du Christ, cite-t-il le pape François, les théologiens risquent d’être engloutis dans la condition de privilège de celui qui se place prudemment en dehors du monde et ne partage rien de risqué avec la majorité de l’humanité. »

L’axiome selon lequel « la réalité est supérieure à l’idée », explique le cardinal, « nous avertit qu’aborder les problèmes de manière abstraite peut entraîner une « dépersonnalisation » du contexte, alors que nous devrions toujours partir d’un contact réel avec les drames réels de l’humanité ». C’est ce qui rend « l’attention théologique authentique », car, comme le souligne le pape dans Evangelii gaudium, « le kérygme possède un contenu inévitablement social : au cœur même de l’Évangile, il y a la vie communautaire et l’engagement avec les autres. »

(à suivre…)

 

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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