Jorge Mario Bergoglio jeune jésuite © Compañía De Jesús

Jorge Mario Bergoglio jeune jésuite © Compañía De Jesús

Dans le confessionnal du p. Duarte, l’appel de Jorge Mario Bergoglio

« Est-ce que Dieu s’offense quand tu vas lui demander pardon? »

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Mais que s’est-il passé le 21 septembre 1953, dans le confessionnal du p. Duarte, à Buenos Aires, dans la basilique Saint-Joseph? Le pape François lui-même dit qu’il ne le sait pas.

Ce 21 septembre 2021, c’est en effet l’anniversaire de l’expérience de la miséricorde divine faite par le jeune Jorge Mario Bergoglio, à l’âge de 16 ans.

Dans son homélie du 21 septembre 2018, en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe du Vatican, le pape François éclairait cet anniversaire en disant: « Si tu veux arriver au cœur de Dieu, prends le chemin de la miséricorde, et laisse-toi traiter avec miséricorde. »

En effet, pour le pape François, le 21 septembre, la fête de l’apôtre saint Matthieu, rappelle chaque année son expérience personnelle de la miséricorde: il n’avait pas 17 ans, mais il n’a jamais oublié la confession qui a changé sa vie, le 21 septembre 1953, à Buenos Aires. Né en 1936, il allait avoir 17 ans le 17 décembre suivant.

Il a parlé à de nombreuses reprises de cet événement fondateur: il a dit avoir fait « l’expérience de la miséricorde divine », et s’être senti « appelé », à l’instar de saint Matthieu et d’Ignace de Loyola.

« Je ne sais pas ce qui s’est passé »: en 2017, le pape François a confié aux jeunes le récit de l’expérience de sa jeunesse, avec discrétion et pudeur. Le p. Carlos B. Duarte Ibarra était là, ce jour-là, dans l’église du quartier de Flores.

Austen Ivereigh le raconte dans sa biographie du Pape François – « François, le réformateur, de Buenos Aires à Rome » (éd. Emmanuel, 2017) – : « Dieu lui « passe devant » le 21 septembre 1953 (…). Descendant à pied l’Avenida Rivadavia, il passe devant la basilique Saint-Joseph qu’il connaît si bien. Il sent alors un étrange besoin d’y entrer. « Je suis entré, je sentais qu’il fallait que j’entre – ces choses que tu sens en toi sans savoir ce que c’est », expliquera-t-il. »

« J’ai su que je devenais prêtre »

Et l’auteur cite tout ce passage (p.54) : « J’ai regardé, il faisait noir, c’était un matin de septembre, peut-être 9 heures, et j’ai vu un prêtre qui marchait, je ne le connaissais pas, il ne faisait pas partie des prêtres de la paroisse. Et il s’assoit dans l’un des confessionnaux, le dernier sur la gauche quand on regarde l’autel. Je ne sais même pas ce qui s’est passé ensuite. J’avais l’impression que quelqu’un m’avait poussé à entrer dans le confessionnal. Evidemment, je lui ai raconté des choses, je me suis confessé… mais je ne sais pas ce qui s’est passé.
Quand j’ai eu fini de me confesser, j’ai demandé au prêtre d’où il venait, parce que je ne le connaissais pas, et il m’a dit : « Je viens de Corrientes et je vis ici tout près, au foyer. Je viens célébrer la messe ici de temps en temps ». Il avait un cancer – la leucémie – et il est mort l’année suivante.
Là, j’ai su que je devenais prêtre. J’en étais sûr et certain. Au lieu de sortir avec les autres, je suis revenu à la maison parce que j’étais submergé. Après, j’ai poursuivi mes études et tout le reste, mais je savais maintenant où j’allais. »

« Dans une lettre de 1990, pour décrire cette expérience, il explique que c’est comme s’il avait été désarçonné de son cheval », continue Ivereigh (p. 55).

Mais chez lui, Jorge Mario n’en dit mot à personne pendant plus d’un an. Il a les idées claires. Il confiera à Oscar Crespo, du laboratoire de chimie où il travaille : « Je vais finir le lycée professionnel avec vous, les gars. Mais je ne serai pas chimiste. Je serai prêtre. Mais pas prêtre dans une basilique. Je serai Jésuite parce que je veux sortir dans les quartiers, dans les villas, pour être avec les gens. »

Les mots fondamentaux de la mission de Bergoglio y sont déjà: « sortir », « avec les gens ».

 La Vocation de saint Matthieu et la devise du pape

Sa devise épiscopale et papale s’explique ainsi: « Eligendo atque miserando », l’élection, l’appel du Christ qui fait miséricorde, pour que son disciple fasse de même.
Et lorsqu’il venait à Rome et logeait dans la Maison du clergé de la Via della Scrofa, près de Saint-Louis-des-Français, il aimait à venir contempler la toile du Caravage (1571-1610), « La Vocation de saint Matthieu », réalisée entre 1599 et 1600 pour la chapelle Contarelli de l’église Saint-Louis-des-Français où elle est conservée jusqu’à aujourd’hui.

L’Evangile de la fête de saint Matthieu évoque l’appel de Jésus et son regard: « Jésus sortit de Capharnaüm et vit, en passant, un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de collecteur d’impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit. »
Le pape est fasciné par le regard du Christ qui se pose sur Lévi, sur lui-même, sur chacun. Il invite souvent à se laisser regarder par le Christ, à agir sous le regard du Christ.

Mais plu récemment, en Slovaquie, le pape a parlé aux jeunes de la confession, en soulignant que ce qui est au centre de la confession, ce n’est pas le péché, mais Jésus-Christ et son amour.

Il a aussi recommandé aux prêtres de ne jamais être curieux ni « inquisiteurs » dans la confession.

La fête au paradis et sur la terre

Si bien que le directeur éditorial du Dicastère pour la communication, Andrea Tornielli a centré son éditorial justement sur la confession: « Ce que François a proposé est une vision complètement différente de la confession par rapport à ce que vivent de nombreux chrétiens et à un certain héritage historique. Tout d’abord, le Pape a indiqué dans le sacrement «le remède» pour les moments de la vie où «nous sommes abattus». »

Il citait le pape: «Ne vous confessez pas comme des personnes punies qui doivent s’humilier, mais comme des enfants qui courent pour recevoir l’étreinte du Père, a demandé le Pape aux jeunes. Et le Père nous relève dans toutes les situations, il pardonne tous les péchés. Écoutez bien ceci : Dieu pardonne toujours ! Vous comprenez ? Dieu pardonne toujours! On ne s’adresse pas à un juge pour régler ses comptes, mais à Jésus qui m’aime et me guérit».

« Le nouveau regard sur le sacrement de pénitence proposé par le Pape, a expliqué Tornielli, nous demande donc de ne pas rester prisonniers de la honte de nos péchés – honte qui «est une bonne chose» – mais de la surmonter car «Dieu n’a jamais honte de vousIl vous aime là, là où vous avez honte de vous. Et il vous aime toujours.» »

Enfin, il cite cet autre passage:  «Est-ce que Dieu s’offense quand tu vas lui demander pardon? Non, jamais. Dieu souffre quand nous pensons qu’il ne peut pas nous pardonner, car c’est comme si nous lui disions: « Tu es faible en amour »… Mais Dieu se réjouit de nous pardonner, à chaque fois. Lorsqu’il nous relève, il croit en nous comme il l’a fait la première fois, il ne se décourage pas. C’est nous qui sommes découragés, pas Lui. Il ne voit pas de pécheurs à étiqueter, mais des enfants à aimer. Il ne voit pas de mauvaises personnes, mais des enfants bien-aimés ; peut-être blessés, et alors il a encore plus de compassion et de tendresse. Et chaque fois que nous nous confessons – ne l’oubliez jamais – c’est la fête au Paradis. Qu’il en soit de même sur terre.»

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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