« Face au martyre, nous sommes tous appelés à faire un examen de conscience », fait observer Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, au micro de Radio Vatican en italien, ce 26 juillet 2021.
Le père Jacques Hamel, assassiné dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, dans le diocèse de Rouen, à l’âge de 85 ans, il y a aujourd’hui 5 ans, le 26 juillet 2016, à la fin de la messe par deux jeunes islamistes Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean, tous deux âgés de 19 ans et ayant juré allégeance à Daesh.
« Il y a de nombreux martyrs dans le monde, constate l’évêque. Ce qui me vient à l’esprit, c’est la nécessité d’un examen de conscience. Pendant des années peut-être, nous avons ignoré cela, parce que nous vivions en paix et que les problèmes étaient loin. Je pense aux continents asiatique et africain. Comment pouvons-nous être proches de nos frères lointains qui souffrent pour le Christ ? Nous devons également réfléchir au fait que le témoignage n’est pas seulement dans la violence barbare que nous connaissons, mais aussi dans la manière de vivre l’Evangile. Dans ce que cela implique. Ici, en France, beaucoup de confirmands me disent qu’ils ne parlent pas de leur foi, parce que s’ils le font, leurs professeurs ou leurs camarades se moquent d’eux. Beaucoup d’adultes aussi ont du mal aujourd’hui à vivre selon leur foi et cela me frappe. Accueillir l’Evangile veut dire suivre Jésus sur le chemin de croix, sans oublier que c’est une voie d’amour, mais l’amour sur la terre passe également par la croix. »
Procès en béatification
Il évoque la phase actuelle du procès de béatification: « En ce qui concerne le procès de béatification en cours, nous avons été dispensés des cinq années nécessaires pour l’ouvrir et le pape a bien fait parce qu’aujourd’hui, l’un des témoins n’est plus là, comme je l’ai dit. Ainsi, il a pu donner son témoignage à temps. La phase diocésaine est terminée ; maintenant c’est à Rome de nous dire ce qui se passera, mais je crois que nous avons du temps. Le peuple de Dieu devra porter la mémoire du père Hamel ; nous avons du temps devant nous. C’est important. »
Rappelons que le pape François avait voulu ouvrir le procès de béatification rapidement parce que, avait-il dit dans l’homélie de la messe, à la Maison Sainte-Marthe, le 14 septembre 2016, c’est un « martyr, et tous les martyrs sont bienheureux ». En présence des membres de la famille du père Hamel et des pèlerins de Normandie, venus avec leur évêque, Mgr Dominique Lebrun, le pape François avait évoqué le père Jacques comme « un homme bon, doux, de fraternité, qui cherchait toujours à bâtir la paix », mais qui « a été tué comme un criminel ».
Il voyait en lui un exemple de courage : « Il a donné sa vie pour nous, il a donné sa vie pour ne pas renier Jésus. Il a donné sa vie dans le sacrifice même de Jésus sur l’autel et de là, il a accusé l’auteur de la persécution : “Va-t’en, Satan !“. Que cet exemple de courage, mais également le martyr de sa vie, de se vider soi-même pour aider les autres, de faire fraternité entre les hommes, nous aide tous à avancer sans peur ».
Pour un monde plus fraternel
Dans son dernier écrit, publié dans le bulletin paroissial au début de l’été 2016, et qui est désormais devenu son testament spirituel, il écrivait : « Nous pouvons écouter en cette période l’invitation de Dieu à prendre soin de ce monde, pour le rendre, là où nous vivons, plus chaleureux, plus humain, plus fraternel. »
Mgr Lebrun évoque la souffrance de la famille et des proches du p. Hamel: « La souffrance est encore présente, y compris dans la famille que je vois parfois plus en paix, parfois plus en difficulté devant la question que tout le monde se pose, à savoir si ce deuil pouvait être évité. Ce qui me revient à l’esprit, c’est le moment où je suis arrivé dans l’église le soir du meurtre : le corps était encore là. Le commissaire m’a donné la permission de prier, je me suis mis au fond pendant un moment pour me recueillir. A genoux. Je voulais être là, dans cette église, sachant que j’allais devoir la fermer, avant de la rouvrir. A ce moment-là, le Seigneur nous a beaucoup aidés à avoir pour horizon celui de Jésus, celui du pardon et de l’amour pour tous. »
« Deux éléments me viennent à l’esprit lorsque je pense à cette journée, à ce cinquième anniversaire du meurtre du père Hamel. Tout d’abord, c’est la première fois sans un des premiers témoins de cette tragédie, qui a récemment quitté cette terre. La valeur du témoin n’est pas seulement dans le procès, mais pour la vie. Ce qui s’est passé engage toute la communauté chrétienne, le fait d’être les témoins du martyre devant la communauté. Le second élément est que le procès est encore en cours pour l’Etat français. Quatre personnes sont interrogées pour complicité d’homicide ; l’audience se tiendra en février prochain. Nous sommes encore dans l’événement, dans la douleur, dans l’incompréhension, à nous demander si cette tragédie aurait pu, en un certain sens, être évitée, parce que l’un des assassins était connu de la police. Ces questions alimentent encore la souffrance. »
Universalité et unité
A propos de l’évolution des relations avec la communauté musulmane, présente lors des cérémonies en souvenir du père Hamel, Mgr Lebrun répond : « Ces relations sont publiques et aussi intimes, plus privées. Mais ce qui me frappe, à travers cet événement, c’est le sentiment d’être liés. Cela nous touche et cela les touche, en un certain sens nous sommes dans le même bateau et nous ne pouvons pas ignorer l’autre, nous ne pouvons pas dire que nous ne sommes pas voisins. Je suis frappé par cela, notre histoire est unique et elle concerne aussi ma foi. Jésus est l’unique sauveur de l’humanité qui est une, elle aussi. Cette universalité, cette unité, comment la servons-nous, nous, chrétiens ? Nous ne pouvons pas nous dire étrangers les uns par rapport aux autres, mais nous devons vivre en ayant conscience que Jésus a sauvé tous les hommes. »
Et pour ce qui est du Prix Jacques Hamel, attribué cette année à Antoine-Marie Izoard (Famille chrétienne), pour son reportage sur les réfugiés fuyant le terrorisme au Burkina Faso, l’évêque ajoute: « L’héritage du père Hamel est pour tous ceux qui veulent accueillir son message. La Fédération des médias catholiques a voulu instituer un Prix que je considère très important, parce que c’est vraiment un beau signe de la capacité des médias à jouer un rôle face à la violence. Sais les signes d’espérance qui sont présents dans tous les cœurs humains. »