« Ce n’est pas en inondant la région avec de plus en plus d’armes destructives que l’on mettra fin à la violence et aux souffrances », déclare Mgr Gallagher : il faut des « solutions politiques négociées ».
Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire du Saint-Siège pour les Relations avec les États, est intervenu le 30 septembre à l’ONU à New York, lors du « Débat ouvert du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies sur le thème : ‘Le règlement des conflits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et la lutte contre la menace terroriste dans la région’. »
« Ce dont la région a besoin, a insisté Mgr Gallagher, ce sont des solutions politiques négociées pour les conflits qui continuent de l’engloutir. La région a besoin maintenant de ces solutions si elle veut gagner la guerre contre la terreur ; si ses populations ne veulent pas être contraintes de fuir ; si la liberté et une démocratie stable veulent avoir quelque chance de se développer dans la région ; si les responsables de la région sont prêts à résoudre pacifiquement les disputes ; et si, à l’extérieur, les forces et les puissances sont prêtes à s’abstenir d’imposer leurs volontés dans la région.
Voici notre traduction intégrale de l’allocution du « ministre des Affaires étrangères » du Saint-Siège.
A.B.
Allocution de Mgr Gallagher
Monsieur le Président,
Ma délégation désire remercier la présidence russe du Conseil de sécurité pour l’organisation opportune de ce débat ouvert sur « le règlement des conflits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et la lutte contre la menace terroriste dans la région ».
Dans son discours à l’Assemblée générale, vendredi dernier, le pape François a renouvelé ses « appels incessants concernant la douloureuse situation de tout le Moyen-Orient, du nord de l’Afrique et d’autres pays africains où les chrétiens, ainsi que d’autres groupes culturels ou ethniques, y compris les membres de la religion majoritaire qui ne veulent pas se laisser gagner par la haine et la folie, ont été forcés à être témoins de la destruction de leurs lieux de culte, de leur patrimoine culturel et religieux, de leurs maisons comme de leurs propriétés, et ont été mis devant l’alternative de fuir ou bien de payer de leur propre vie, ou encore par l’esclavage, leur adhésion au bien et à la paix ».
La crise migratoire en Méditerranée et dans de nombreuses parties de l’Europe a été provoquée de manière significative par la violence et la persécution perpétrées par des groupes terroristes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le corps du petit Aylan Kurdi, âgé de trois ans, échoué sur le rivage en Turquie, représente les milliers qui sont mort dans un voyage périlleux pour fuir les violences et la persécution. Le corps raide et sans vie d’Aylan est un cri lancé à la communauté internationale, en particulier à ce Conseil, afin qu’il fasse tout ce qu’il peut pour arrêter cette folie de sorte que d’autres vies innocentes comme la sienne puissent être épargnées du même tragique destin. Quoi que nous fassions à partir de maintenant sera trop peu et trop tard pour Aylan et pour les milliers dont les vies se sont arrêtées en raison de notre indifférence collective et de nos rivalités géopolitiques et nationales. Mais à partir de maintenant, toute action pour sauver ne serait-ce qu’un seul Aylan de la mort et de toutes les formes d’atrocités est non seulement opportune mais urgente. Le Saint-Siège demande à la communauté internationale de ne pas rester silencieuse et passive devant toutes les tragédies qui ont lieu, y compris en ce moment-même tandis que nous parlons et sous les yeux de ce Conseil.
Monsieur le Président,
Il n’est pas nécessaire d’énumérer encore une fois devant ce Conseil les urgences multiples et complexes auxquelles le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord continuent d’être confrontés à une échelle sans précédent. Mais le Saint-Siège se sent dans l’obligation de faire écho aux supplications des douze millions de Syriens qui ont besoin d’assistance humanitaire et parmi lesquels sept millions sont déplacés à l’intérieur du pays et cinq millions sont devenus réfugiés dans d’autres pays. Ma délégation considère aussi comme un devoir grave de dénoncer la destruction absolument insensée, en Syrie, d’une partie d’un patrimoine culturel mondial inestimable. La situation est extrêmement grave et se détériore de jour en jour. C’est pourquoi la résolution du conflit en Syrie doit être en tête des priorités de ce Conseil et de toutes les autorités en Syrie et au Moyen-Orient.
Ma délégation saisit cette occasion pour redire la profonde gratitude du Saint-Siège à l’égard des pays de la région qui, en dépit des difficultés de leur propre situation et de leurs ressources limitées, ont accueilli et pris en charge les millions de réfugiés. Pour sa part, l’Église catholique demeure active au premier plan en fournissant une aide humanitaire à tous ceux qui en ont besoin avec les moyens qui sont à sa disposition.
Monsieur le Président,
Ce n’est pas en inondant la région avec de plus en plus d’armes destructives que l’on mettra fin à la violence et aux souffrances. Ce dont la région a besoin, ce sont des solutions politiques négociées pour les conflits qui continuent de l’engloutir. La région a besoin maintenant de ces solutions si elle veut gagner la guerre contre la terreur ; si ses populations ne veulent pas être contraintes de fuir ; si la liberté et une démocratie stable veulent avoir quelque chance de se développer dans la région ; si les responsables de la région sont prêts à résoudre pacifiquement les disputes ; et si, à l’extérieur, les forces et les puissances sont prêtes à s’abstenir d’imposer leurs volontés dans la région.
Toute solution durable aux conflits au Moyen-Orient et, bien sûr, à tous les conflits dans le monde, doit considérer le caractère central de la dignité et des droits inviolables de la personne humaine, sans distinction de race, de religion, de croyance politique et de différences. Beaucoup de citoyens individuels et de groupes dans la région ont souffert et continuent de subir la mort et toutes les formes de violence à cause de leur religion, de leur appartenance ethnique ou de leurs opinions politiques. Jamais des terroristes ne peuvent être autorisés à détruire des siècles de coexistence pacifique entre musulmans et chrétiens dans la région. Le mensonge des groupes terroristes qui prétendent tuer et opprimer au nom de la religion doit être dénoncé dans les termes les plus forts possibles. Comment pouvons-nous attendre tandis que nos frères humains sont persécutés, exilés, tués, brûlés et décapités seulement parce qu’ils professent une foi différente ou parce qu’ils appartiennent à un groupe minoritaire ?
Je voudrais pour conclure revenir au discours adressé par le pape François à l’Assemblée générale vendredi dernier, lorsqu’il disait : « La guerre est la négation de tous les droits et une agression dramatique contre l’environnement. Si nous voulons un véritable développement humain intégral pour tous, nous devons poursuivre inlassablement notre effort pour éviter la guerre entre les nations et entre les peuples ». Le temps est venu d’agir pour sauver des vies.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
© Traduction de Zenit, Constance Roques