La transformation des relations entre juifs et catholiques, 50 ans après Nostra aetate, constitue une source « d’espérance » pour toute relation difficile, explique le rabbin Rosen.
Huit représentants de différentes religions ont tenu un point presse en la salle de presse du Saint-Siège à l’issue de l’audience générale « interreligieuse » de ce mercredi 28 octobre, place Saint-Pierre.
Une transformation qui nourrit l’espérance
A cette occasion, le rabbin David Rosen, président du département de l’American Jewish Committee pour les affaires interreligieuses, a souligné la grande espérance qu’ouvre la « transformation » des relations entre l’Église catholique et les juifs.
Il venait de participer, ainsi que les autres représentants de différentes religions au congrès organisé à la Grégorienne à l’occasion des 50 ans de Nostra aetate, un congrès qu’il a jugé « très impressionnant ».
Il a rappelé – comme le cardinal Jean-Louis Tauran hier et, ce matin, le cardinal Kurt Koch – qu’à l’origine, le saint pape Jean XXIII voulait une déclaration sur les relations avec le judaïsme : « Le document est né de la préoccupation de Jean XXIII de changer les relations avec le peuple juif, après la Shoah. »
Il a également cité le saint pape Jean-Paul II qui ne parlait pas seulement de « conversion » mais de « transformation » de ces relations, soulignant combien les relations avec le judaïsme touchent l’Église de « l’intérieur ».
Un des mots qui est revenu le plus souvent dans cette rencontre avec la presse a été aussi employé par le rabbin : « bénédiction », une « bénédiction étonnante ». Il explique que les « mauvaises relations » du judaïsme et du christianisme se sont transformées en 50 ans en « merveilleuse relation ». Et il en tire cette leçon pour l’avenir et les relations entre les autres religions : « Il n’y a pas de relation si mauvaise qui ne puisse être transformée. »
Le langage du pape, ce sont ses gestes
Pour un autre représentant du judaïsme, Claudio Epelman, d’Argentine, bien connu du cardinal Jorge Mario Bergoglio, la rencontre de ce 28 octobre n’est rien moins qu’« historique » quant aux relations entre les religions. Mais surtout il salue « le langage du pape que sont ses gestes » par lesquels il manifeste sa relation aux autres religions. Il offre cette « possibilité de permettre le dialogue » entre les différentes religions et leur « coexistence ».
Engagé dans le dialogue au Sri Lanka
Le représentant du bouddhisme, le Prof. Bellanwila Wimalaratna, du Sri Lanka, dit l’importance de son engagement dans le dialogue dans différentes structures de son pays offrant aux religions la possibilité de discuter des méthodes interreligieuses et des questions nationales : le cardinal archevêque de Colombo, Malcolm Ranjith Patabendige Don, en fait partie, souligne-t-il. Lui-même est vice-président de l’association des Religions pour la paix au Sri Lanka.
Il a lu et relu « Nostra aetate »
Pour le représentant de l’hindouisme, y compris de la diaspora, Swami Chidananda Saraswati, cela a été une « bénédiction » que de « voir le Saint-Père », sa « chaleur », son « amitié », son « humilité ». Il a dit pour cela sa « gratitude » aux organisateurs. Il avoue que le congrès lui a « beaucoup appris » grâce à la rencontre avec les responsables d’autres religions. C’était pour lui important de les « entendre directement ».
Il se dit aussi « très touché par l’esprit de Nostra aetate » : un document qui représente une « grande initiative », « sans équivalent », qu’il a « lu et relu » et qu’il trouve « très inspirant ». Il y retrouve des « valeurs nobles » de l’hindouisme, comme le « respect » et la « dignité ».
Il se dit « très heureux d’avoir participé » à ces rencontres : il en ressent une « grande joie ». Il se dit être venu pour « partager et apprendre », lui qui enseigne depuis 30 ans.
Il confirme l’importance « d’être humain ! », d’être « un bon être humain ». Il dit encore son « bonheur » d’avoir eu le « privilège » de participer à ces événements « significatifs » et remercie encore « du fond du cœur ».
Unanimité parmi les musulmans présents
Le Secrétaire général du centre culturel musulman italien, Abdellah Redouane, souligne que Nostra aetate a signifié « l’ouverture au dialogue et à la coopération ». Il salué dans les propos du pape François son insistance sur « l’unicité de Dieu » et les valeurs que l’islam accorde à la prière, à l’aumône et au jeûne : « Le pape a ainsi été proche des musulmans, ce n’est pas la première fois : il a toujours témoigné son ouverture et nous soutenons sa sagesse, le monde a besoin d’une voix autorisée comme celle de Sa Sainteté. » Il ajoute que « plus de 50 musulmans d’Italie » sont venus « pour la première fois à cette audience », et que « tous ont apprécié les paroles de Sa Sainteté ».
Un musulman à l’écoute de saint François
Le Dr Rasoul Rasoulipour, directeur du Centre pour le dialogue interreligieux de Téhéran, en Iran) et professeur aussi dans différentes facultés chrétiennes des États-Unis, et membre du Fetzer Advisory Council on World Religions and Spiritualities (Michigan), représentant de l’islam chiite, a confié avoir médité saint François lors d’un séjour d’un mois dans un prieuré franciscain des États-Unis. Il fait le lien entre le message de saint François et Nostra aetate qui a marqué un « changement d’approche » : il s’agit « d’accepter de regarder les autres qui ne sont plus des étrangers ou des ennemis mais (mon ami David Rosen l’a expliqué à propos de la tente d’Abraham : à la fin, les trois visiteurs deviennent divins, ils sont des anges) : Nostra aetate a permis le passage des concepts aux personnes, des croyances aux croyants ».
Lui aussi souligne que le document qui visait « à l’origine une nouvelle approche du judaïsme et des juifs » s’est « ouvert aux relations avec les musulmans et les autres religions orientales » : les musulmans sont reconnus comme étant « croyants en Dieu », ils sont « acceptés comme des frères et sœurs ».
Il souligne, en tant qu’« engagé dans le dialogue interreligieux et beaucoup d’instituts chrétiens », que l’Église catholique invite à changer notre regard » et à passer de « la discussion philosophique à la personne humaine elle-même ».
« L’appel des religions est paix, cela signifie, explique le Dr Rasoulipour, amour, ce qui implique pardon, humilité : c’est la leçon que j’apprends de saint François. »
Il ajoute qu’il a « eu le privilège de rencontrer le pape François 3 fois » : il voit en lui un « leader pour tous les croyants » et son « leadership » est une « révolution ». Et ce que les croyants peuvent apprendre de lui c’est à être un leader humble », il y voit un « point clef » de l’attitude du pape. Il conclut être « très heureux d’avoir ét
é invité » au congrès sur Nostra aetate à la « prestigieuse université Grégorienne ».
Ce qui rend l’humanité plus belle
La seule femme sur les huit intervenants était la représentante du jaïnisme, Mme Samani Pratibha Pragya, professeur d’université. Elle a confié que c’était pour elle une « occasion très spéciale » que de pouvoir « participer à un si grand événement » : « Je voudrais remercier le monde chrétien, le Saint-Père François. » Elle avoue avoir été frappée par la demande du pape : « Ma sœur, priez pour moi ! » Elle confie que c’est « l’humilité » du pape qui l’a « émue » et elle dit sa « gratitude » et son « respect ». Elle félicite les chrétiens de la part de quelque 6 millions de jaïnistes du monde. Et elle souligne la « beauté de l’humanité quand les religions sont ensemble », c’est un « parfum » qui rend l’humanité encore plus belle », c’est « la beauté de la planète ».
A propos de Nostra aetate, elle y voit un document « spécial » et dont l’influence va se « développer ». Elle conclut par des remerciements pour ce « grand moment », pour « l’amour » et « l’hospitalité ».
La fin de la pluie
Le représentant du sikhisme (quelque 25 millions de personnes dans le monde), le Dr Brinder Singh Mahon, a été frappé parce que la pluie s’est arrêtée quand le pape François est arrivé : « C’est un grand signe. »
Il a ajouté que « la prière est entendue quand elle vient du cœur » et que « les prières du pape viennent du cœur ».
Pour lui, le pape a su « créer une plate-forme pour nous rassembler », c’était une « grande et humble expérience » et il en conclut : « On doit faire plus pour faire se rencontrer les religions. »