« Tous, nous avons des maladies spirituelles, nous ne pouvons pas les guérir tout seuls. Nous avons besoin de la guérison de Jésus, il nous faut mettre devant lui nos blessures : “Jésus, je suis devant toi, avec mon péché, mes misères. Tu peux me libérer. Guéris mon cœur”. #Carême », écrit le pape François dans un tweet de ce jeudi 11 mars 2021.
Le pape souligne ainsi un thème important de sa réforme: ses racines spirituelles.
Dès 2014, dans son discours sur les maladies spirituelles de la curie romaine, le pape s’était inspiré de « l’exemple des pères du désert », comme Evagre le Pontique (345-399) et Jean Cassius (360-435). Dans leurs œuvres, ils citent huit maux: la goinfrerie, la fornication, l’avarice, la colère, la tristesse, la paresse, la vanité, et l’arrogance.
Le 22 décembre 2016, lors du traditionnel échange de vœux de fin d’année, le pape François a remis à chaque membre de la Curie l’ouvrage du p. Claudio Acquaviva, (1543-1615), cinquième préposé général de la compagnie de Jésus: « Moyens pour soigner les maladies de l’âme » .
« Bien gouverner » chez le p. Acquaviva, a ensuite expliqué le cardinal Semeraro, signifie surtout comprendre les maladies de l’âme et pouvoir les soigner. « Les maladies de l’âme et celles du corps sont tout de suite mises en parallèle dans la manière de les traiter », note-t-il. Mais, comme l’écrit le p. Acquaviva, « l’âme, dont les soins sont beaucoup plus importants et plus difficiles que ceux du corps, exige … une sollicitude et une habilité bien plus grandes ».
« À la racine de tout, cause de tout mal, il y a l’amour de soi, notait l’actuel préfet pour les Causes des saints, que les pères appellent philautía, que nous pourrions traduire aussi par ‘narcissisme’ ». Il estime que le pape François faisait référence à la même idée quand il parlait « dans son homélie à Sainte-Marthe le 26 septembre 2016 … de la cupidité, de la vanité et de l’arrogance comme étant la racine de toutes les maladies spirituelles».
L’image de « l’Église – hôpital de campagne » du pape François s’insère parfaitement dans cette « solide tradition ascétique », ajoutait Mgr Semeraro. « Je vois très nettement, a dit le pape François dans un entretien au début de son pontificat, que ce dont l’Église aujourd’hui a le plus besoin est la capacité à panser les blessures et réchauffer le cœur des fidèles, à être proche des gens. Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. »
Saint Benoît comparait l’abbé à « un sage médecin» qui applique « tour à tour le cautère des cataplasmes, le baume des exhortations, les remèdes des divines Écritures ». Jean Symmaque, lui aussi, « compare l’higoumène (supérieur du monastère dans les Eglises orientales, ndlr) au médecin », rappelait Mgr Semeraro, et prescrit donc « des cataplasmes, des poudres, des gouttes pour les yeux, des potions, des éponges, des remèdes contre la nausée, des saignées, cautères, onguents, somnifères, bistouris, bandes ».
En terme de « réforme thérapeutique » de la curie romaine, il comparait l’oeuvre du pape François à celle de saint Jean Leonardi (1541-1609), fondateur des Clercs de la Mère de Dieu. Dans son « mémorial » sur « la réforme générale de l’Église », saint Jean Leonardi souligne que tous ceux qui veulent s’appliquer à la réforme des mœurs doivent eux-mêmes être « comme des miroirs de toutes les vertus et comme des lampes mises sur le lampadaire »: « Ceux qui veulent opérer une sérieuse réforme religieuse et morale devront veiller, comme de sages médecins, à connaître parfaitement toutes les maladies qui affligent l’Église et qui réclament un remède, afin de pouvoir apporter à chacune d’elles les remèdes appropriés ».
Cette métaphore « de médicaments et d’hôpital de campagne » peut être comprise « dans le charisme ignatien », expliquait encore Mgr Semeraro : « Selon le modèle ignatien, un vrai ministre de Dieu c’est …’celui qui s’occupe de son prochain pour le soigner’ ».
Ainsi, dans une méditation adressée aux jésuites (Meditaciones para religiosos, 1982), Jorge Mario Bergoglio méditait sur « la manière de gouverner de saint Ignace », expliquant « l’importance que ceux qui s’occupent du prochain s’en occupent à la manière d’un bon médecin, sans avoir peur de ses infirmités, ni éprouver de dégoût face à ses plaies, mais en souffrant avec patience et mansuétude de ses faiblesses et insuffisances, et qu’ils le regardent donc non pas comme un fils d’Adam ou comme un vase fragile, de verre ou d’argile, mais comme une image de Dieu, achetée avec le sang du Christ ».