« Avoir du talent est un privilège mais c’est aussi et surtout une responsabilité, risquée, à protéger », affirme le pape François dans un entretien à La Gazzetta dello Sport paru ce 2 janvier, le premier entretien publié cette année 2021.
« Demandons au Seigneur, souhaite-t-il, la grâce de pouvoir commencer une année de nouveau départ » dans tous les domaines. En temps de pandémie, il s’inquiète particulièrement du « drame du manque de travail et de la disparité toujours plus grande entre celui qui a et celui qui a perdu même le peu qu’il avait ».
Dans cette longue interview, le pape confie qu’étant enfant, il aimait le football mais n’était pas très bon : « On me faisait toujours jouer dans les buts. Mais faire le gardien a été pour moi une grande école de vie. Le gardien doit être prêt à répondre aux dangers qui peuvent arriver de tous côtés. »
La clef du succès
« Dans le sport, souligne le pape, il ne suffit pas d’avoir du talent pour gagner : il faut protéger (ce talent), le former, l’entraîner, le vivre comme l’occasion de rechercher et de manifester le meilleur de nous. La parabole de Matthieu nous enseigne que Jésus est un entraîneur exigeant : si tu enterres ton talent, tu ne fais plus partie de l’équipe. Donc avoir du talent est un privilège mais c’est aussi et surtout une responsabilité, risquée, à protéger. »
« La foi n’est pas un monologue, mais un dialogue, une conversation », explique-t-il par ailleurs : « Cela revient à dire, en usant une métaphore du sport, que nous ne pourrons nous sauver qu’en équipe. »
Pour le pape en effet, « le sport d’équipe ressemble à un orchestre : chacun donne le meilleur de soi dans la part qui lui revient, sous la sage direction du chef d’orchestre. Soit l’on joue ensemble, soit l’on risque de s’écraser ».
Mais « il ne suffit pas de rêver au succès, il faut se réveiller et travailler dur », il faut de la « discipline », ajoute le pape : « Le sport est plein de gens qui, sueur au front, ont battu ceux qui étaient nés avec du talent en poche. »
Cependant, outre le succès, la défaite « contient aussi quelque chose de merveilleux », estime-t-il : elle favorise « la méditation », « l’examen de conscience ». Et des défaites, « naissent de belles victoires, parce que, une fois son erreur comprise, la soif de rachat s’enflamme ».
La tentation des raccourcis
Le pape François s’arrête également sur la « fatigue » du sport : « Si tu parviens à trouver un sens dans la fatigue, alors ton joug devient plus léger. L’athlète est un peu comme le saint : il connaît la fatigue mais elle ne lui pèse pas car, dans la fatigue, il est capable de voir au-delà, quelque chose d’autre. Il trouve une motivation, qui lui permet non seulement d’affronter la fatigue mais presque de s’en réjouir : sans motivation, en effet, on ne peut pas affronter le sacrifice. »
En revanche, le doping est « un raccourci qui supprime la dignité, mais c’est aussi vouloir voler à Dieu cette étincelle que, de par ses desseins mystérieux, il a donnée spécialement à certains ». Et le pape de mettre en garde : « Dans la vie, nous avons souvent la tentation de prendre des raccourcis : nous pensons que c’est la solution immédiate et plus commode, mais elle conduit presque toujours à des issues négatives. Le raccourci, en effet, c’est l’art d’embrouiller les cartes. »
Le sport, c’est aussi accepter de respecter les règles : « Sans règles en effet, il y aurait de l’anarchie, une confusion totale. Respecter les règles c’est accepter le défi de se battre loyalement avec son adversaire. »
L’esprit des Jeux olympiques
Evoquant les Jeux olympiques de Tokyo reportés de 2020 à 2021, le pape salue l’esprit de l’événement, rappelant qu’au début des JO, « on prévoyait même la trêve des guerres pendant le temps de compétitions ».
« Tous les quatre ans, note-t-il, le monde a la possibilité de s’arrêter pour se demander comment il va… quel est le thermomètre de tout. Ce n’est pas pour rien que certains gestes olympiques sont devenus symboles d’une lutte : pensons au racisme, à l’exclusion, à la diversité. »
« Célébrer les Jeux olympiques est l’une des plus hautes formes de l’oecuménisme humain, de partage de la fatigue pour un monde meilleur », conclut-il.