« Une véritable apostasie ! » : C’est ainsi que le pape François a désigné la révolte du peuple hébreu se fabriquant et adorant le veau d’or. « Du Dieu vivant à l’idolâtrie. Il n’a pas eu la patience d’attendre le retour de Moïse : ils voulaient des nouveautés, ils voulaient quelque chose, du spectacle liturgique ». Le pape a souligné que cette « nostalgie idolâtre » qui consiste à « retourner aux idoles » sans « savoir attendre le Dieu vivant » est « une maladie, chez nous aussi » : après « l’enthousiasme » viennent « les lamentations », a-t-il déploré.
Dans son homélie de ce jeudi matin 26 mars 2020, dans la chapelle Sainte-Marthe, le pape François a commenté la première lecture, tirée du livre de l’Exode (32,7-14), lorsque Moïse apaise la colère du Seigneur contre le peuple qui s’est fabriqué un veau d’or. La messe, célébrée à 7h dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe, a été retransmise en direct par les médias du Vatican, comme depuis le début du confinement contre la pandémie du Coronavirus Covid-19.
« L’idolâtrie te fait tout perdre », a mis en garde le pape : « ce mécanisme nous arrive à nous aussi », a-t-il dit, lorsque « nous sommes attachés à des choses qui nous éloignent de Dieu, parce que nous faisons un autre dieu et nous le faisons avec les cadeaux que le Seigneur nous a donnés. Avec l’intelligence, avec la volonté, avec l’amour, avec le coeur… ». Et le pape d’inviter à se poser aujourd’hui cette question : « Quelles sont mes idoles ? Où est-ce que je les cache ? »
Voici notre traduction de l’homélie du pape François, prononcée en italien et transcrite par Vatican News.
HG
Homélie du pape François
Dans la première lecture, il y a la scène de la révolte du peuple. Moïse est parti sur le Mont pour recevoir la Loi : C’est à lui que Dieu l’a donnée, en pierre, écrite de son doigt. Mais le peuple s’ennuyait et le peuple s’est rué autour d’Aaron en disant : « Mais ce Moïse, cela fait longtemps que nous ne savons pas où il est, où il est allé et nous, nous sommes sans guide. Fais-nous un dieu qui nous aide à avancer». Et Aaron, qui sera ensuite un prêtre de Dieu, mais là, il a été le prêtre de la stupidité, des idoles, et il dit : « Mais oui, donnez-moi tout l’or et l’argent que vous avez » et ils donnèrent tout et firent ce veau d’or.
Dans le psaume, nous avons entendu la plainte de Dieu : « À l’Horeb ils fabriquent un veau, ils adorent un objet en métal : ils échangeaient ce qui était leur gloire pour l’image d’un taureau, d’un ruminant ».
». Et c’est ici, à ce moment-ci, que la lecture commence : « Le Seigneur dit à Moïse : « Va, descends, car ton peuple s’est corrompu, lui que tu as fait monter du pays d’Égypte. Ils n’auront pas mis longtemps à s’écarter du chemin que je leur avais ordonné de suivre ! Ils se sont fait un veau en métal fondu et se sont prosternés devant lui. Ils lui ont offert des sacrifices en proclamant : “Israël, voici tes dieux, qui t’ont fait monter du pays d’Égypte.” » Une véritable apostasie ! Du Dieu vivant à l’idolâtrie. Il n’a pas eu la patience d’attendre le retour de Moïse : ils voulaient des nouveautés, ils voulaient quelque chose, du spectacle liturgique, quelque chose…
Sur ce point, je voudrais indiquer quelque chose. Avant tout, cette nostalgie idolâtre parmi le peuple : dans ce cas précis, il pensait aux idoles de l’Égypte mais la nostalgie de retourner aux idoles, de retourner au pire, ne pas savoir attendre le Dieu vivant. Cette nostalgie est une maladie, chez nous aussi. On commence à marcher avec l’enthousiasme d’être libres, mais ensuite commencent les lamentations : « Mais oui, c’est un moment dur, le désert, j’ai soif, je veux de l’eau, je veux de la viande… mais en Égypte, ils mangeaient des oignons, de bonnes choses et ici il n’y en a pas… ». L’idolâtrie est toujours sélective : elle te fait penser aux bonnes choses qu’elle te donne, mais elle ne te montre pas les mauvaises. Dans ce cas-ci, ils se souvenaient de quand ils étaient à table, avec ces plats si bons qu’ils aimaient tant, mais ils oubliaient que c’était la table de l’esclavage. L’idolâtrie est sélective.
Et puis une autre chose : l’idolâtrie te fait tout perdre. Pour faire le veau, Aaron leur a demandé : « Donnez-moi l’or et l’argent » : mais c’était l’or et l’argent que le Seigneur leur avait donnés, quand il leur avait dit : « Demandez aux Égyptiens de vous prêter de l’or » et ensuite ils sont partis avec. C’est un cadeau du Seigneur et ils font l’idole avec le cadeau du Seigneur. C’est terrible. Mais ce mécanisme nous arrive à nous aussi : quand nous avons des comportements qui nous conduisent à l’idolâtrie, que nous sommes attachés à des choses qui nous éloignent de Dieu, parce que nous faisons un autre dieu et nous le faisons avec les cadeaux que le Seigneur nous a donnés. Avec l’intelligence, avec la volonté, avec l’amour, avec le cœur… ce sont les dons du Seigneur que nous utilisons pour faire de l’idolâtrie.
Si l’un d’entre vous peut me dire : « – Mais moi, chez moi, je n’ai pas d’idole. J’ai un crucifix, une statue de la Vierge, qui ne sont pas des idoles… – Non, non : dans ton coeur ». Et la question que nous devrions poser aujourd’hui est la suivante : quelle est l’idole que tu as dans ton coeur, dans mon coeur ? Cette sortie en cachette où je me sens bien, qui m’éloigne du Dieu vivant. Et nous avons aussi un comportement, avec l’idolatrie, très malin : nous savons cacher les idoles, comme le fit Rachel lorsqu’elle s’enfuit de chez son père et qu’elle les cacha dans la selle du chameau parmi les vêtements. Nous aussi, parmi les vêtements de notre coeur, nous avons caché beaucoup d’idoles.
La question que je voudrais poser aujourd’hui est celle-ci : quelle est mon idole ? Mon idole de la mondanité… et l’idolâtrie touche même la piété, parce que les autres voulaient le veau d’or non pas pour faire un cirque, non. Pour faire l’adoration : « Ils se prosternèrent devant lui ». L’idolâtrie te porte à une religiosité erronée ou plutôt : bien souvent la mondanité, qui est une idolâtrie, te pousse à faire de la célébration d’un sacrement une fête mondaine. Un exemple : je ne sais pas, je pense, nous pensons, je ne sais pas, imaginons la célébration d’un mariage. Tu ne sais pas si c’est un sacrement où les nouveaux époux donnent vraiment tout et s’aiment devant Dieu et promettent d’être fidèles devant Dieu et reçoivent la grâce de Dieu, ou si c’est un défilé de mode, comment les uns et les autres sont habillés, et cet autre… la mondanité. C’est une idolâtrie. C’est un exemple. Parce que l’idolâtrie ne s’arrête pas : elle ne cesse jamais.
Aujourd’hui, la question que je voudrais poser à nous tous, à tous : quelles sont mes idoles ? Chacun a les siennes. Quelles sont mes idoles ? Où est-ce que je les cache ? Et que le Seigneur ne nous trouve pas, à la fin de notre vie, et ne dise pas à chacun de nous : « Tu t’es perverti. Tu t’es éloigné du chemin que j’avais indiqué. Tu t’es prosterné devant une idole ».
Demandons au Seigneur la grâce de connaître nos idoles. Et si nous ne pouvons pas les chasser, au moins les laisser dans un coin…
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat