Discours du pape aux représentants des dirigeants et employés des banques italiennes, 16 novembre 2024 © Vatican Media

Discours du pape aux représentants des dirigeants et employés des banques italiennes, 16 novembre 2024 © Vatican Media

« Lorsque la finance piétine les hommes (…) elle trahit sa raison d’être »

Discours du pape aux représentants des dirigeants et employés des banques italiennes (texte intégral)

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Le lundi 16 décembre, le Saint-Père a rencontré les représentants des dirigeants et employés des banques italiennes : Banca Etica; Banca di Credito Cooperativo Abruzzi e Molise; Banca di Credito Cooperativo Campania Centro. Nous publions ci-dessous le texte du discours qu’il a prononcé dans son intégralité.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Je vous salue tous, présidents, conseils d’administration et représentants de vos institutions bancaires. Cette rencontre nous donne l’occasion de réfléchir sur les potentialités et les contradictions de l’économie et de la finance d’aujourd’hui. L’Église a accordé une attention particulière aux expériences bancaires de base et, dans de nombreux cas, des hommes et des femmes engagés dans la communauté ecclésiale ont promu et créé des « montes de piedad », des banques, des instituts de crédit coopératif et des banques rurales. L’intention a toujours été de donner des opportunités à ceux qui, autrement, n’en auraient pas.  Ceci est très beau : ouvrir la porte de l’opportunité, c’est très beau !

 Discours du pape aux représentants des dirigeants et employés des banques italiennes, 16 novembre 2024 © Vatican MediaDans la première moitié du XVe siècle, avec la naissance des «monti di pietà» (monts-de-piété), le franciscanisme a concrétisé une idée importante : la présence de pauvres dans la ville est le signe d’une maladie sociale. Et c’est encore vrai aujourd’hui. Les banques, les « monti di pietà » et les « monti frumenti » offraient des crédits à ceux qui n’en avaient pas les moyens et ont permis à de nombreuses familles de se remettre sur pied et de s’intégrer dans les activités économiques et sociales de la ville.

Entre le XIXe et le XXe siècle, après la publication de l’encyclique Rerum novarum de Léon XIII, un phénomène similaire s’est produit dans les campagnes italiennes. Une économie liée à la terre s’est développée grâce à l’initiative de prêtres et de laïcs éclairés. Le crédit bancaire a permis de soutenir de nombreuses activités économiques, tant dans l’agriculture que dans l’industrie et le commerce.

 Discours du pape aux représentants des dirigeants et employés des banques italiennes, 16 novembre 2024 © Vatican MediaLe souvenir de ces événements permet de lire les contradictions d’une certaine façon de faire de la banque et de la finance à notre époque. Malheureusement, dans le monde globalisé, la finance n’a plus de visage et s’est éloignée de la vie des gens. Quand le seul critère est le profit, on a des conséquences négatives sur l’économie réelle. Il y a des multinationales qui délocalisent leurs activités dans des endroits où il est plus facile d’exploiter la main-d’œuvre, par exemple, ce qui désavantage les familles et les communautés et annule les compétences professionnelles acquises au fil des décennies. Il y a aussi les financements qui risquent d’utiliser des critères usuraires, lorsqu’ils favorisent ceux qui sont déjà assurés et excluent ceux qui sont en difficulté et auraient besoin d’être soutenus par un crédit. Enfin, le risque que nous voyons est l’éloignement des territoires. Il y a une finance qui lève des fonds à un endroit et qui déplace ces ressources vers d’autres territoires dans le seul but d’accroître ses propres intérêts. Les gens se sentent donc abandonnés et instrumentalisés.

Lorsque la finance piétine les hommes, favorise les inégalités et s’éloigne de la vie des territoires, elle trahit sa raison d’être. Elle devient, je dirais, une économie incivile : elle manque de civilisation.

 Discours du pape aux représentants des dirigeants et employés des banques italiennes, 16 novembre 2024 © Vatican MediaVotre présence ici aujourd’hui témoigne de la diversité du monde économique et bancaire. Vous avez des histoires et des structures différentes pour répondre aux différents besoins des gens. En effet, sans systèmes financiers adéquats, capables d’inclusion et de durabilité, il n’y aurait pas de développement humain global. L’investissement et le soutien au travail ne seraient pas possibles sans le rôle d’intermédiaire typique des banques et du crédit, avec la transparence nécessaire. Lorsque l’économie et la finance ont un impact concret sur les territoires, les communautés civiles et religieuses et les familles, c’est une bénédiction pour tous. La finance est un peu comme le « système circulatoire » de l’économie : si elle reste bloquée en certains points et ne circule pas dans tout le corps social, elle provoque des infarctus et des ischémies dévastatrices pour l’économie elle-même. Des finances saines ne dégénèrent pas en attitudes usuraires, en pure spéculation et en investissements qui nuisent à l’environnement et fomentent des guerres.

 Discours du pape aux représentants des dirigeants et employés des banques italiennes, 16 novembre 2024 © Vatican MediaChers amies, chers amis, les institutions bancaires ont de grandes responsabilités dans la promotion d’un état d’esprit inclusif et le soutien d’une économie de paix. Le Jubilé qui approche nous rappelle la nécessité de remettre les dettes. C’est la condition pour générer de l’espoir et de l’avenir dans la vie de nombreuses personnes, en particulier les pauvres. Je vous encourage à semer la confiance. Ne vous lassez pas d’accompagner et de maintenir élevé le niveau de justice sociale. Don Primo Mazzolari a écrit : « Le fardeau de la journée doit être partagé équitablement sur toutes les épaules qui peuvent le supporter ». Cette équité initiale s’obtient en éduquant la conscience – en éduquant la conscience ! – à un sens profond et délicat de la responsabilité sociale, de sorte que se soustraire à la contribution due aux œuvres et aux travaux pour le bien commun soit perçu comme une honte et jugé par l’opinion publique comme une malhonnêteté » [1].

Je vous souhaite d’être des porteurs d’espoir pour beaucoup de ceux qui viennent à vous pour sortir d’une période difficile ou pour relancer leur entreprise. Je vous bénis tous. Je bénis aussi vos familles, vos proches. Et je vous demande de bien vouloir prier pour moi. Je vous remercie.

[1] Révolution chrétienne, éd. par F. De Giorgi, Bologne 2011, 210.

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Pape François

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