Exposition : Au plus près des plus loin

Jacques Dournes (1922-1993), de l’évangélisation à l’anthropologie culturelle

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Les raisons d’une exposition

« Je pus constater que les Jörai avaient donné naissance à l’un des plus grands ethnographes contemporains » : tel est le témoignage rendu par Georges Condominas sur son confrère Jacques Dournes, ethnologue toutcomme lui sur les plateaux du Centre-Vietnam.

Encouragées par les hommages rendus à Dournes par les plus grands théologiens et anthropologues de son époque, d’Henri de Lubac à Claude Lévi-Strauss, fortes de la richesse des archives de Jacques Dournes qu’elles conservent toujours, les Missions Étrangères de Paris (MEP) sont heureuses de dédier aujourd’huià cet« ethnologue évangélique » sa toute première exposition monographique. Elles voient aussi dans cette exposition un moyen de « faire connaître » les populations non-vietnamiennes du Centre-Vientam, « une façon de plaider la cause des minorités originales et mésestimées », selon les propres mots de Jacques Dournes.

Jacques Dournes (1922-1993), de l’évangélisation à l’anthropologie culturelle

 « Jesuis néà Saïgon en 1946, j’avais 24 ans» : la viede Jacques Dournes(1922-1993), touteentière tournée vers les populations dites « montagnardes» du Vietnam, peut se diviser en deux grands moments. De 1946 à 1970, presque un quart de siècle passé au sein de l’ethnie des Sré puis de celle des Jörai, voitce jeune prêtre français devenir un observateur actif de ces deux populations. Petit à petit, il cherche moins à les convertir qu’à les comprendre de

l’intérieur. Rentré en France par nécessité personnelle en 1970, Jacques Dournes quitte alors la voie sacerdotale pour poursuivre ses recherches au CNRS et publier les matériaux ethnographiques qu’il a amassés.

Durant sa période de vie missionnaire active, Jacques Dournes se qualifie volontiers « d’ethnologue évangélique ». Parce que missionnaire, il a cherché à toucher les âmes en leur parlant les langages qu’elles comprenaient : « S’il n’y a pas de place pour l’ étranger, il faut que je cesse d’être un étranger. La première chose à faire est de prendre les hommes au sérieux ». C’est ainsi qu’il est devenu ethnologue, par respect des peuples qui l’avaient accueilli et par un travail amoureux dont les fruits sont montrés ici.

Parcours de visite

Téléchargez le dossier de presse en cliquant sur l’image

La présente exposition est biographique en ce qu’elle montre comme un jeune prêtre, sans formation scientifique préalable, parvient à effectuer un travail de collecte et d’analyse aussi rigoureux qu’étendu. Jacques Dournes a en effet recouvert avec la plus grande précision les domaines de la botanique, de la technique, de la linguistique, des structures sociales ; l’ensemble de ces savoirs a été analysé au prisme de ce qu’il a appelé une « anthropologie culturelle de fond ». Doté des clés nécessaires pour décoder symboles et correspondances, il a pu décrire le cadre de pensées, l’imaginaire avec lesquels « l’homme, pieds nus dans la rizière, réfléchit et réagit ».

Cette exposition est surtout thématique puisque, à travers les yeux et la pensée de Dournes, elle amène le visiteur à la rencontre des Sré et des Jörai: d’abord au village, espace des femmes, de l’agriculture et de l’artisanat ; ensuite en forêt,au gré des pistes parcourues par les chasseurs et les guerriers, vers le monde des défunts ; enfin, dans l’intime d’un peuple, par ce qu’en révèlent ses rites, ses mythes, l’expression de ses rêves et sa musique.

Pièces à découvrir

Une scénographie alliant verdure et bambous plonge le visiteur dans les « civilisations du végétal » que sontces minorités ethniques : totalementdépendantes de la forêtpour se nourrir et pour agir, elles ont développé avec le végétal une interdépendance pratique, religieuse et symbolique, une harmonie profondément écologique. Donnant une large part aux dessins et photographies effectués par Jacques Dournes sur le terrain, la mise en scène s’efface derrière les motifs esthétiques des Sré et des Jörai.

Au long de ce parcours immersif se dévoilent une centaines d’items pour la plupart jamais exposés, documents pour moitié, objets d’art et du quotidien pour le reste. Tous conservés en mains privées, ils font écho aux collections indochinoises du Musée du Quai-Branly, auxquelles Dournes a d’ailleurs largement contribué.

 Les nombreuses photographies et notes ethnographiques présentées ont été prises par Jacques Dournes au fil des années vécues en « Montagnard parmi les Montagnards ». Presque toutes inédites, elles sont tirées des 10 mètres linéaires d’archives qu’il a légués aux Missions Étrangères de Paris. Les objets exposés – chefs-d’œuvre de vannerie, de tissage, objets rituels, maquettes de maisons, etc. – sont eux aussi issus des collections des MEP, rapportés du Centre-Vietnam par plusieurs générations de missionnaires. Quelques pièces maîtresses, en particulier trois statues funéraires jörai d’une exceptionnelle sensibilité, ontété prêtées par descollectionneurs etgaleristes parisiens. Deuxfilmsd’archives permettent pour terminerune rencontre plus incarnée avec Jacques Dournes et l’univers visueletsonore des Hauts-Plateaux.

Commissariat

Marie-Alpais Dumoulin, commissaire scientifique de l’exposition, dirige l’Institut de recherche France-Asie (IRFA). En charge de la conservation etde la valorisation du patrimoine historique des Missions Étrangères de Paris (MEP), l’IRFA a pour mission de faire connaître et de mettre à la disposition de tous les passionnés de l’Asie les objets et documents légués par plus de 4 000 prêtres membres des MEP depuis le XVIIe siècle. Avec les archivistes et inconographes de l’IRFA, Marie-Alpais Dumoulin s’est attelée depuis 5 ans au classement et à l’inventaire du gigantesque fonds d’archives légué par Jacques Dournes aux MEP.

 

 

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Rédaction

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