Théologie et pastorale du pape François : Des fragments à construire et à structurer

Réflexions du P. Rodrigue Gbédjinou, directeur de l’École d’initiation théologique et pastorale à Cotonou (Bénin)

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Par P. Rodrigue Gbédjinou

P. Rodrigue Gbédjinou

P. Rodrigue Gbédjinou

François, pèlerin de l’espérance, est retourné à la Maison du Père. Face à la dense systématique théologique de son prédécesseur, il laisse en héritage des fragments ou pièces théologiques à construire et à structurer, tel un puzzle, sur des problématiques délicates et sensibles. Ces fragments ou pièces, élaborés à l’épreuve du contexte, du réel et du social, ont porté sa pastorale qui apparaissait novatrice. Toute pastorale sans profondeurs ou références théologiques est toujours risquée : la doctrine et la pastorale constituent un même acte théologique.

Une pro-vocation à la systématique

François, sans jamais nier l’importance de la doctrine, a constamment rappelé que celle-ci peut établir dans une zone de confort, par la répétition de principes et ainsi conduire même à un manque de compassion. Mais peut-on aussi accompagner la vie concrète, sans le recours au principe, au Logos ? Dans ce cas échéant, l’Evangile relèverait du social ou serait lu dans une approche idéologique. 

Quatre principes ont guidé son acte théologique et son agir pastoral. « Le temps est supérieur à l’espace ; l’unité prévaut sur le conflit ; la réalité est plus importante que l’idée ; le tout est supérieur à la partie » (Cf. Evangilii Gaudium, La Joie de l’Evangile, 222-237). Le troisième principe indique le primat de la réalité sur l’idée : « La réalité est, tout simplement ; l’idée s’élabore. » (n° 231). La parole doit donc s’incarner à travers les actes, des œuvres de justice et de charité. Le lien est ainsi bien établi entre orthodoxie et orthopraxie. Néanmoins, n’est-il pas hasardeux de ne pas affirmer la prééminence et la précédence de la Parole (Logos) sur l’idée qu’elle oriente ? Cette dynamique n’a peut-être pas toujours paru assez perceptible. 

Des chantiers sensibles à poursuivre 

La théologie de François est très pastorale, dans la ligne de Vatican II. Jean XXIII évoquait à l’ouverture du Concile la dimension pastorale du dogme. Et Benoît XVI rappelait la nécessité de « transformer la théologie […] en pastorale » (Africae munus, n° 10). 

La mission, essence et naissance de l’Eglise est fondée sur l’Evangile, une joie à annoncer au monde.  L’Eglise est alors appelée à « sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile » (Evangelii Gaudium, n° 20). Les périphéries sont surtout existentielles. De cette sortie missionnaire, l’arme est la miséricorde, thème auquel a été consacré un jubilé en 2015. Mais comment coordonner la miséricorde avec la tolérance zéro, indiquée pour combattre justement les abus dans l’Eglise ? 

Les pauvres, les marginalisés et les migrants, option préférentielle du Christ ont été une marque majeure de sa pastorale. Son sens de la compassion s’est nettement exprimée par sa présence à Lampedusa (8 juillet 2013), son premier voyage. Dans cette dynamique, ont émergé des thèmes comme l’écologie, en cohérence avec son nom. Canal pour parler à un monde devenu païen. Mais il est aussi nécessaire de savoir coordonner et hiérarchiser le discours sur notre mère, la terre avec l’axe fondamental de notre Père qui est aux Cieux. Comment rendre plus manifeste la centralité de Dieu dans l’action sociale ? Un curé posait au pape François le constat que les centres sociaux de l’Eglise étaient devenus pleins et les confessionnaux déserts. Et pourtant François a aussi institué 24 heures pour le Seigneur ! 

L’œuvre théologico-pastorale de François, sur des chantiers ardus, sensibles et délicats et très attendus de notre temps, requiert l’effort d’évaluation systématique. Depuis la fin du Concile Vatican II, se confrontent et s’affrontent deux herméneutiques, celle de la Lumen Gentium (divinisation et spiritualisation) contre celle de la Gaudium et spes (hominisation et sécularisation). 

P. Rodrigue Gbédjinou

Théologien – Directeur de l’Ecole d’Initiation Théologique et Pastorale (Cotonou -Bénin)

 

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