Messe présidée par S.Exc. Mgr Rino Fisichella, Pro-préfet du Dicastère pour l’évangélisation, section pour les questions fondamentales de l’évangélisation dans le monde
10h30, place Saint-Pierre
Jubilé des Malades et du Monde de la Santé
« Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? » (Is 43,19). Ce sont les paroles que Dieu, par l’intermédiaire du prophète Isaïe, adresse au peuple d’Israël en exil à Babylone. Pour les Israélites, c’est un moment difficile, tout semble perdu. Jérusalem a été conquise et dévastée par les soldats du roi Nabuchodonosor II et le peuple déporté n’a plus rien. L’horizon semble bouché, l’avenir sombre, tout espoir anéanti. Tout pourrait pousser les exilés à se laisser aller, à se résigner amèrement, à ne plus se sentir bénis par Dieu.
Pourtant, c’est justement dans ce contexte que le Seigneur invite son peuple à saisir quelque chose de nouveau qui est en train de naître. Non pas quelque chose qui se produira dans le futur, mais qui se produit déjà, qui est en train de germer comme une pousse. De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce qui peut naître, ou plutôt qu’est-ce qui a déjà pu germer dans un contexte aussi désolé et désespéré que celui-ci ?
Ce qui est en train de naître, c’est un peuple nouveau. Un peuple qui, une fois tombées les fausses sécurités du passé, a découvert ce qui est essentiel : rester uni et marcher ensemble dans la lumière du Seigneur (cf. Is 2,5). Un peuple qui pourra reconstruire Jérusalem car, loin de la Ville sainte, avec le temple désormais détruit, ne pouvant plus célébrer de liturgies solennelles, il a appris à rencontrer le Seigneur d’une autre manière : dans la conversion du cœur (cf. Jr 4,4), dans la pratique du droit et de la justice, dans la sollicitude envers les pauvres et les nécessiteux (cf. Jr 22,3), dans les œuvres de miséricorde.
C’est le même message que nous pouvons également saisir, d’une manière différente, dans le passage de l’Évangile (cf. Jn 8, 1-11). Ici aussi, il y a une personne, une femme, dont la vie est détruite : non pas par un exil géographique, mais par une condamnation morale. Elle est une pécheresse, et donc loin de la loi et condamnée à l’ostracisme et à la mort. Pour elle aussi, il semble qu’il n’y ait plus d’espoir. Mais Dieu ne l’abandonne pas. Au contraire, juste au moment où ses bourreaux serrent déjà les pierres dans leurs mains, c’est là que Jésus entre dans sa vie, la défend et la soustrait à leur violence, lui donnant la possibilité de commencer une nouvelle existence : « Va », lui dit-il, « tu es libre », « tu es sauvée » (cf. v. 11).
Avec ces récits dramatiques et émouvants, la liturgie nous invite aujourd’hui à renouveler, sur le chemin du Carême, la confiance en Dieu, qui est toujours présent à nos côtés pour nous sauver. Il n’y a ni exil, ni violence, ni péché, ni aucune autre réalité de la vie qui puisse l’empêcher de se tenir à notre porte et de frapper, prêt à entrer dès que nous le lui permettons (cf. Ap 3, 20). Plus encore, c’est surtout lorsque les épreuves deviennent plus dures que sa grâce et son amour nous serrent encore plus fort pour nous relever.
Chers frères et sœurs, nous lisons ces textes au moment où nous célébrons le Jubilé des malades et du monde de la santé, et la maladie est certainement l’une des épreuves les plus difficiles et les plus dures de la vie, au cours de laquelle nous touchons du doigt à quel point nous sommes fragiles. Elle peut nous faire nous sentir comme le peuple en exil, ou comme la femme de l’Évangile : sans espérance pour l’avenir. Mais il n’en n’est pas ainsi. Même dans ces moments-là, Dieu ne nous laisse pas seuls et, si nous nous abandonnons à Lui, c’est justement lorsque nos forces nous font défaut que nous pouvons expérimenter la consolation de sa présence. Lui-même, fait homme, a voulu partager en tout notre faiblesse (cf. Ph 2, 6-8) et il sait bien ce qu’est souffrir (cf. Is 53, 3). C’est pourquoi nous pouvons lui confier notre douleur, sûrs de trouver compassion, proximité et tendresse.
Mais pas seulement. Dans son amour confiant, en effet, Il nous implique afin que nous puissions devenir à notre tour, les uns pour les autres, des “anges”, des messagers de sa présence, au point que souvent, tant pour celui qui souffre que pour celui qui l’assiste, le lit d’un malade peut se transformer en un “lieu saint” de salut et de rédemption.
Chers médecins, infirmiers et membres du personnel de santé, alors que vous prenez soin de vos patients, en particulier des plus fragiles, le Seigneur vous offre l’opportunité de renouveler continuellement votre vie, en la nourrissant de gratitude, de miséricorde et d’espérance (cf. Bulle Spes non confundit, n. 11). Il vous appelle à l’éclairer avec la conscience humble que rien n’est acquis et que tout est don de Dieu ; à l’alimenter avec cette humanité qui se fait sentir lorsque, laissant tomber les apparences, reste ce qui compte: les petits et grands gestes d’amour. Permettez à la présence des malades d’entrer comme un don dans votre existence, pour guérir votre cœur, en le purifiant de tout ce qui n’est pas charité et en le réchauffant avec le feu ardent et doux de la compassion.
Avec vous, chers frères et sœurs malades, je partage beaucoup en ce moment de ma vie : l’expérience de la maladie, de se sentir faible, de dépendre des autres en bien des choses, d’avoir besoin de soutien. Ce n’est pas facile, mais c’est une école où nous apprenons chaque jour à aimer et à nous laisser aimer, sans exiger et sans rejeter, sans regretter et sans désespérer, reconnaissants envers Dieu et envers nos frères pour le bien que nous recevons, abandonnés et confiants pour ce qui doit encore venir. La chambre d’hôpital et le lit de l’infirmité peuvent être des lieux où l’on peut entendre la voix du Seigneur qui nous dit aussi : « Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? » (Is 43,19). Et ainsi renouveler et renforcer la foi.
Benoît XVI – qui nous a donné un très beau témoignage de sérénité pendant sa maladie – a écrit que « la mesure de l’humanité se détermine essentiellement dans la relation avec la souffrance » et qu’« une société qui n’arrive pas à accepter les souffrants […] est une société cruelle et inhumaine » (Lett. enc. Spe salvi, 38). Il est vrai que faire face ensemble à la souffrance nous rend plus humains et que partager la douleur est une étape importante de tout cheminement vers la sainteté.
Chers amis, ne reléguons pas ceux qui sont fragiles à l’écart de notre vie, comme le fait malheureusement parfois aujourd’hui un certain type de mentalité, n’excluons pas la douleur de notre environnement. Faisons-en plutôt une occasion de grandir ensemble, de cultiver l’espérance grâce à l’amour que Dieu a d’abord répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5,5) et qui, au-delà de tout, est ce qui demeure pour toujours (cf. 1Cor 13,8-10.13).
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