Les ministres sont majoritairement sunnites, à l'image de la démographie du pays © Asia News

Les ministres sont majoritairement sunnites, à l'image de la démographie du pays © Asia News

Syrie : Une catholique sera ministre du travail

Dans le nouveau gouvernement à majorité musulmane 

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Par Elizabeth Owens

ZENIT News – Asia News / Damasco, 1er avril 2025

L’annonce faite ce week-end par le président al-Sharaa confirme son engagement à construire « un nouvel État ». Elle devrait rester en fonction pendant cinq ans et conduire le pays à la rédaction d’une nouvelle Constitution et aux premières élections générales de l’après-Assad. Le rejet des Kurdes, qui dénoncent le manque d’implication (réelle) des minorités.

Dans le nouveau gouvernement intérimaire syrien, présenté ce week-end par le président Ahmed al-Sharaa et composé de 23 ministres, il y a aussi une femme chrétienne, la seule de l’exécutif appelé à redonner vie à un pays marqué par près de 14 ans de guerre et de violence. Il s’agit de Hind Kabawat, ancienne membre du comité chargé des travaux sur la nouvelle constitution et partisane de longue date du dialogue interreligieux et de l’émancipation des femmes, qui s’est vu confier le ministère du Travail et des Affaires Sociales. Le nouveau pouvoir à Damas n’a pas de premier ministre, mais prévoit la présence de Druzes et d’Alaouites parmi les minorités ethno-religieuses et les vétérans des soulèvements contre l’ancien régime de Bashar al-Assad ; toutefois, le nouveau gouvernement se heurte à l’opposition des Kurdes, qui représentent la majorité dans le nord-est du pays.

Selon les intentions du président intérimaire al-Sharaa, l’exécutif devrait rester en place pendant cinq ans, le temps de rédiger la nouvelle constitution et d’organiser les premières élections générales. Dans son discours de présentation, il a parlé de la « naissance d’une nouvelle phase de notre processus national » dans la perspective « commune » de la construction d’un « nouvel État ». « Nous essaierons de réhabiliter l’industrie, de protéger les produits nationaux et de créer un environnement encourageant pour les investissements dans tous les secteurs. Nous nous efforcerons également », a-t-il ajouté, “de réformer la situation monétaire, de renforcer la monnaie syrienne et d’empêcher sa manipulation”.

Les ministres sont majoritairement des musulmans sunnites, ce qui reflète la démographie du pays, autrefois gouverné par le clan Assad, qui appartient à la minorité musulmane alaouite. Les analystes et les experts s’accordent à dire que les postes clés sont occupés par les « compagnons de guerre » du président, d’anciens membres du « gouvernement du salut à Idlib », une province du nord qui était un bastion rebelle pendant la guerre civile (2011-2024). Il s’agit d’Asaad al-Shaibani, qui conserve son poste de chef de la diplomatie, et de Mourhaf Abou Qasra, qui reste à la Défense après avoir commandé les opérations qui ont renversé l’ancien régime. Ce dernier a la lourde tâche de reconstruire l’armée syrienne. Anas Khattab, un ancien djihadiste qui a dirigé les Renseignements généraux, sera à la tête de l’Intérieur et Mouzhar al-Waiss, de la Justice. Ce dernier remplace Shadi Mohammad al-Waisi, dont le limogeage avait été réclamé par des groupes d’activistes suite à la diffusion d’anciennes vidéos le liant à l’exécution de deux femmes accusées de prostitution à Idlib.

 Yarub Badr, membre de la communauté religieuse alaouite à laquelle appartient Assad, a été nommé ministre des Transports, tandis que le druze Amgad Badr et la chrétienne Hind Kabawat dirigeront les ministères de l’Agriculture, du Travail et des Affaires Sociales. La seule femme de l’exécutif est depuis longtemps une voix critique de l’ancien régime d’Assad et œuvre depuis longtemps en faveur du dialogue et de l’harmonie confessionnelle. Dans une interview accordée à AsiaNews et publiée au début du mois, Mme Kabawat, déjà membre du Comité des Sept voulu par al-Sharaa, a déclaré qu’elle avait été inspirée par la figure du père Paul dall’Oglio et ses idéaux de « justice ». Catholique et mère de deux enfants, Mme Kabawat a insisté à plusieurs reprises sur l’objectif de garantir « l’inclusion et la diversité » dans la nouvelle Syrie, qui « n’est pas une chose unique : les chrétiens, les musulmans, tous les groupes ethniques doivent faire partie du processus ». Pour l’avenir, elle espère une « Syrie pour tous les Syriens », inspirée par le jésuite italien, capable de « construire des ponts et non des murs ».

En réalité, le chemin reste long et difficile, comme en témoignent les récentes violences sectaires contre les alaouites (identifiés à tort ou à raison à l’ancien régime) dans les bastions de Lattaquié et de Tartous, qui ont fait plus d’un millier de morts. M. Sharaa s’est efforcé de rassurer les Syriens et les observateurs étrangers en affirmant que son gouvernement ne persécuterait pas les minorités, mais son passé d’ancien dirigeant de la branche syrienne d’Al-Qaïda alimente un certain scepticisme. Le plan de privatisation massive des industries d’État et des agences publiques, ainsi que les licenciements promis par le gouvernement, suscitent également des inquiétudes. D’autre part, le bloc occidental a récemment souligné qu’il n’y aurait pas de « carte blanche » pour les actions des nouveaux dirigeants, et que l’allègement des sanctions – essentiel pour le redressement du pays – serait lié aux décisions prises. Dans un récent rapport, les Nations Unies ont confirmé que 90% des Syriens vivent dans la pauvreté et que la moitié des infrastructures du pays ont été détruites ou sont devenues dysfonctionnelles. De plus, 75 % de la population dépend d’une forme ou d’une autre d’aide humanitaire, contre seulement 5 % au cours de la première année du conflit.

Enfin, parmi les voix critiques à l’égard du futur gouvernement intérimaire, on trouve celle des Kurdes : hier, l’administration du nord-est a rejeté les noms et les choix, soulignant qu’elle n’avait pas impliqué les minorités du pays. Dans un communiqué, l’Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (Aanes) a déclaré qu’elle « ne se considère pas liée par la mise en œuvre ou l’application des décisions prises par ce gouvernement ». « Tout exécutif qui ne reflète pas la diversité et la pluralité du pays ne peut garantir une bonne gouvernance de la Syrie. Bien qu’il comprenne un Kurde – le ministre de l’éducation Mohammad Turko – il ne compte aucun représentant des Aan, qui contrôlent de grandes parties de la Syrie depuis plus d’une décennie.

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