Dans un geste historique qui pourrait créer un précédent pour l’Église catholique mondiale, l’évêque Felix Genn de Münster a annoncé l’introduction d’un code disciplinaire formel pour le clergé, une mesure sans précédent visant à traiter les fautes professionnelles et à renforcer la responsabilité au sein du diocèse.
Le nouveau règlement, qui entrera en vigueur le 1er mars, prévoit également la création d’un conseil d’arbitrage chargé d’examiner les décisions administratives, ce qui constitue un niveau de contrôle sans précédent dans la gouvernance de l’Église.
Cette initiative fait suite à la publication d’un rapport de 2022 sur les abus sexuels commis par des clercs dans le diocèse, à la suite duquel Mgr Genn s’est engagé à se soumettre au jugement d’un organe de contrôle indépendant et à renoncer à son pouvoir de décision absolu dans certains domaines.
Avec près de deux millions de catholiques, Münster est le deuxième plus grand diocèse d’Allemagne, et sa décision de mettre en place des mécanismes disciplinaires et d’arbitrage structurés pourrait inspirer des réformes similaires ailleurs.
Un nouveau cadre de responsabilité
Le code disciplinaire prévoit des sanctions pour les fautes commises par le clergé, notamment les transgressions sexuelles, les violations de la confidentialité pastorale et les abus de pouvoir dans les relations pastorales. Selon la gravité de l’infraction, les sanctions peuvent aller de l’avertissement et de l’amende à la révocation. Jusqu’à présent, certaines formes d’inconduite sexuelle du clergé, bien que contraires à l’éthique, ne relevaient pas des cadres juridiques séculiers et ecclésiastiques, ce qui les privait de moyens de sanction clairs.
Le conseil d’arbitrage offrira au clergé et aux laïcs un mécanisme permettant de contester les décisions administratives relatives aux nominations de clercs, à la restructuration des paroisses et à la gestion des biens ecclésiastiques.
Contrairement aux questions doctrinales ou aux décisions judiciaires, qui ne relèvent pas de son champ d’action, ce conseil servira d’organe de médiation volontaire composé de sept membres, dont des juges formés au droit ecclésiastique ou civil.
Les experts en droit canonique Thomas Schüller et Thomas Neumann, qui ont joué un rôle clé dans la rédaction des règles, ont salué l’initiative comme étant courageuse et essentielle. Ils ont fait remarquer que depuis des décennies, les juristes canonistes et même les fonctionnaires du Vatican préconisent des procédures disciplinaires plus claires au sein des diocèses, mais que jusqu’à présent aucun système formel n’avait été mis en œuvre.
Un pas vers une réforme plus large de l’Église ?
La décision de Münster pourrait relancer les discussions sur la gouvernance de l’Église au-delà de l’Allemagne. La conférence épiscopale allemande milite depuis longtemps en faveur de la création de tribunaux administratifs ecclésiastiques, une proposition qui n’a toujours pas été approuvée par le Vatican.
En revanche, le conseil d’arbitrage de Münster fonctionne sur une base volontaire, offrant un processus de résolution interne sans nécessiter l’intervention de Rome. Pour de nombreux catholiques, les décisions administratives prises par les autorités ecclésiastiques peuvent être une source de frustration, en particulier lorsqu’elles affectent les structures paroissiales ou les affectations des prêtres.
En proposant une procédure d’appel structurée, Münster comble une lacune de longue date dans l’administration de l’Église, ce qui pourrait apaiser les tensions et favoriser une plus grande transparence. L’importance de Münster dans l’Église allemande ne se limite pas à sa taille. Son histoire remonte à plus de 1 200 ans. Elle a été fondée en tant que territoire de mission sous l’égide de l’empereur Charlemagne, qui a nommé le missionnaire frison Liudger comme premier évêque en 805.
Aujourd’hui, le diocèse s’étend sur une vaste zone bordant les Pays-Bas et allant jusqu’à la mer du Nord, englobant à la fois la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la Basse-Saxe. L’évêque Genn, qui dirige le diocèse depuis 2009, positionne désormais Münster comme un chef de file de la réforme de l’Église.
Bien qu’il reste à voir si d’autres diocèses suivront son exemple, l’introduction d’un code disciplinaire formel et d’un conseil d’arbitrage représente une avancée significative.