Dans le cadre d’un processus judiciaire sans précédent impliquant l’État du Vatican et des personnalités de la Curie romaine, le Tribunal présidé par Giuseppe Pignatone a rendu sa sentence finale. Ce verdict, qui couronne une enquête exhaustive de plus de 80 audiences et un procès qui a duré près d’un an, ratifie les condamnations imposées en décembre 2023, renforçant l’engagement du Saint-Siège à lutter contre la corruption et à garantir la transparence de ses opérations financières.
Cette affaire nous rappelle brutalement que la justice ecclésiastique peut, et doit, être mise en conformité avec les normes internationales. Depuis 2010, le Vatican a mis en œuvre d’importants changements législatifs visant à garantir que l’impunité n’a pas sa place parmi ceux qui gèrent les biens de l’Église. Le jugement souligne que le Vatican reconnaît des principes fondamentaux, tels que le droit à un procès équitable, la présomption d’innocence et une défense juridique efficace. Ce processus a cherché, par le biais d’un contre-interrogatoire et d’un examen exhaustif des preuves, à parvenir à une vérité procédurale objective, en garantissant aux parties concernées un maximum d’espace pour se défendre.
Infractions et responsabilités
Parmi les personnes condamnées figurent des personnalités de premier plan : le cardinal Giovanni Angelo Becciu, Raffaele Mincione, Enrico Crasso, Gianluigi Torzi et Cecilia Marogna. Les chefs d’accusation comprennent le détournement de fonds, la fraude et l’extorsion. Dans le cas de Becciu et Mincione, ils ont été jugés responsables d’avoir utilisé les fonds du Saint-Siège d’une manière qui a profité de manière disproportionnée à des tiers. En particulier, Mincione a utilisé sa position pour accéder à une somme de 200 millions de dollars provenant de la Secrétairerie d’État, qu’il a investie dans des opérations à haut risque, causant ainsi un préjudice financier au Vatican. Bien qu’aucun avantage personnel direct n’ait été identifié, la Cour a jugé que cette gestion des ressources constituait un usage illicite des biens ecclésiastiques.
Gianluigi Torzi, lié à l’achat d’un immeuble de luxe à Londres, a été reconnu coupable de fraude aggravée et d’extorsion. Au cours de la transaction, Torzi a conservé des droits de vote essentiels, privant la Secrétairerie d’État du contrôle effectif de la propriété malgré le déboursement de millions. Grâce à la tromperie et à la manipulation, il a pu faire approuver la transaction par le Vatican sans qu’il en soit réellement propriétaire, ce que le tribunal a considéré comme un cas évident de fraude. M. Torzi a également bénéficié de paiements supplémentaires, que le tribunal a considérés comme injustifiés, sur la base d’une interprétation juridique qui assimile cette situation à un « cheval de retour », c’est-à-dire la demande d’une somme d’argent en échange de la restitution d’un bien qui appartenait déjà à son propriétaire légitime.
La figure du card. Becciu et sa relation avec Marogna
Le cardinal Becciu a été le protagoniste d’un autre chapitre controversé du procès. Son implication dans le détournement de fonds au profit de sa collaboratrice Cecilia Marogna a mis au jour l’utilisation irrégulière de fonds du Saint-Siège sous le prétexte d’une opération humanitaire visant à libérer une religieuse enlevée au Mali. Mme. Marogna a utilisé une partie de ces fonds pour des dépenses de luxe personnelles, ce qui a compromis l’objectif initial de la transaction. Le jugement révèle que Mgr. Becciu a non seulement avalisé les paiements, mais qu’il a également maintenu une relation étroite avec C. Marogna, même après avoir découvert le détournement de fonds, ce qui, selon la Cour, n’est pas digne d’un fonctionnaire de son niveau.
Décaissements en faveur de proches et questions éthiques
Un autre aspect abordé par le tribunal est la remise de fonds à une coopérative gérée par Antonino Becciu, le frère du cardinal. Bien que l’objectif de ces fonds soit censé être caritatif, le tribunal a trouvé que le lien familial et l’absence d’autorisation écrite constituaient une violation du code pénal du Vatican et du canon 1298, qui interdisent explicitement l’administration de biens ecclésiastiques au profit de parents jusqu’au quatrième degré, sans autorisation expresse.
Un jugement qui fait date
Ce verdict marque un tournant dans l’administration de la justice au Vatican, et une évolution vers une plus grande surveillance des finances ecclésiastiques. Il souligne que le Vatican, sur la voie d’une gestion éthique, ne tolérera pas un usage indu de ses ressources en soulignant la responsabilité de ses fonctionnaires vis-à-vis du bien-être de l’Eglise et de ses fidèles
Cette procédure judiciaire restera dans les mémoires non seulement en raison de l’ampleur des personnes impliquées et des crimes examinés, mais aussi comme un exemple de la détermination du Saint-Siège à éradiquer la corruption et à renforcer l’intégrité de ses opérations financières à l’échelle mondiale.