Fresque de la dernière cène, Église du Sacré-Cœur, Vienne (Autriche) © Renata Sedmakova / Shutterstock.com

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Jésus est la « manifestation de la tendresse de Dieu »

Méditation des lectures du XXVe dimanche du TO

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Rite Romain : Sg 2,12.17-20; Ps 53; Jc 3,16-4,3; Mc 9,30-37

Rite Ambrosien : 1Roi 19,4-8; Ps 33; 1Cor 11,23-26; Jn 6,41-51

V dimanche après le martyre de saint Jean le Précurseur.

1) La tendresse de Dieu 

A mon avis, l’Evangile d’aujourd’hui n’a pas pour but principal de nous apprendre à être modestes et prêts à servir Dieu avec humilité, en secourant les petits dont les enfants sont l’exemple le plus évident. 

Aujourd’hui Jésus nous apprend la tendresse de Dieu qui naît d’un amour total, et qui arrive jusqu’à la mort sur la Croix. Cet amour divin ne se laisse pas étouffer par la mort mais il renouvelle la vie et fait ressusciter. C’est un amour modeste car il s’adresse à nous qui sommes faits de terre qui s’appelle « humus » en latin.

Évidemment le Rédempteur n’est pas modeste au sens étymologique de « peu élevé de la terre », mais il est modeste parce qu’il n’hésite pas à descendre sur terre et à prendre un corps qui vient de la terre. Il est modeste parce qu’il n’est pas orgueilleux : il est la plénitude et il est tendu pour aimer et donner la vie. 

Le Christ est modeste parce qu’il est miséricordieux et nous manifeste le tendre amour divin. 

La tendresse de Dieu n’est pas sentimentale. En revanche, elle est l’étreinte paternelle que nous recevons à travers son Fils qui est grand parce qu’il a su se faire petit. Lui, il n’impose pas l’amour par la force des armes, mais avec la douceur de ses bras ouverts vers nous, dans le berceau à Bethléem ainsi que sur la Croix à Jérusalem. 

Si nous voulons être les premiers parmi ses disciples, il faut être les premiers dans l’amour, semblable à celui quand nous nous donnons à Dieu sans réserve et servons nos frères et nos sœurs généreusement, dans l’humanité de notre cœur.

Les disciples ne comprennent pas les paroles du messie, tant il est vrai qu’à leur arrivée à Capharnaüm ils avouent à leur maître que, sur le chemin, ils ont discuté de savoir qui était le plus grand d’entre eux. La réponse donnée par le Rédempteur nous étonne encore aujourd’hui. Il dit que le plus grand est celui qui sert et que le Royaume de Dieu se mesure à l’accueil fait aux petits: « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé » (Mc 9,37 – L’Evangile de saint Marc poursuit avec d’autres enseignements que nous verrons dimanche prochain). La prière (la collecte) de la messe d’aujourd’hui résume très bien cet enseignement : « O Dieu, Père de tous les hommes, tu veux que les derniers soient les premiers et que l’enfant soit la mesure de ton royaume ; donne-nous la sagesse qui vient d’en haut, afin que nous recevions la parole de ton Fils et comprenions que devant toi le plus grand est celui qui sert ».

L’extrait de l’évangile d’aujourd’hui ne sont donc pas deux parties qui se juxtaposent: une sur l’annonce de la passion du Christ et l’autre sur la formation des disciples. Il s’agit d’un seul et même discours que nous pourrions intituler: «  La croix de Jésus et ses conséquences pour le disciple ». Devenir serviteur et accueillir les petits en son nom sont deux comportements que Jésus, avec douceur et fermeté, enseigne aux siens et qui doivent être « pratiqués » conjointement. Mettre en pratique ces deux comportements consiste à imiter le Christ, en le suivant jusque sur la croix, et comme Lui, à être un serviteur pour tous: « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous” (Mc 9, 35). 

Depuis le jour où le Fils de Dieu s’est incarné  et qu’il est entré dans notre histoire, après un long chemin – du berceau de Bethléem jusqu’au « berceau » de la croix sur le Mont calvaire, à Jérusalem,  point culminant après un long parcours d’offrande (= un chemin de croix – les critères de jugement sur la valeur de la personne humaine et de celle de la dignité sont complètement renversés: la dignité d’une personne ne dépend en rien de la place qu’elle occupe, du travail qu’elle fait, des choses qu’elle possède, de la réputation qu’elle s’est faite. La grandeur de l’homme ne dépend pas de ce qu’il fait d’important, mais du service qu’il rend à Dieu et à l’homme pour montrer la gloire, la bonté et l’amour du Seigneur. 

L’accueil est un moyen privilégié pour rendre ce service. Saint Marc utilise le verbe «  accueillir » à différentes occasions et sous différentes formes, mais toutes convergentes entre elles. L’évangéliste nous parle de l’accueil fait au missionnaire (6,11), à la Parole (4,20), au Royaume de Dieu (10,15), aux derniers. Accueillir signifie écouter, se rendre disponible, recevoir l’Infini fait Enfant, et recevoir les enfants qui, lorsqu’ils sont dans leur berceau, sont un reflet du ciel. Donc, accueillir signifie surtout se laisser «  étonner » par la Parole, ou par le missionnaire, ou par le plus petit, et être capable de se mettre à se mettre à son niveau. 

2) Charité de la Passion

Aujourd’hui, Jésus enseigne en plaçant un enfant au milieu des disciples et en l’embrassant. Il accomplit un signe. L’enfant qu’il embrasse c’est Lui,  et Lui il est le signe du Père qui l’a envoyé. L’enfant est signe de la tendresse de Dieu et de l’obéissance filiale de son Fils unique qui s’est fait enfant par amour et s’est crucifié par obéissance parmi les malfaiteurs. C’est un petit enfant, mais c’est un signe de Lui qui vient de Dieu ; et les paroles qu’il prononce (« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé » Mc 9, 37) sont très révélatrices : l’enfant placé au milieu d’eux et que Jésus embrasse est à la fois l’image du Christ, l’image du chrétien et l’image de Dieu. Accueillir l’enfant au nom du Christ c’est recevoir le mystère de Dieu.

L’Evangile d’aujourd’hui est un enseignement fort sur l’humanité du Fils de Dieu: Jésus dit être le Fils de l’homme.  C’est pourquoi sa mort et sa résurrection sont des choses concrètes, vraies. Et puis il y a cette conversation à la maison quand le Seigneur se retrouve avec ses disciples, sa « nouvelle » sainte famille, ou disons en train de marcher vers la sainteté. Il ne leur fait pas de reproche mais leur explique la nouvelle manière d’être les premiers : accueillir un petit c’est accueillir Lui et le Père. 

Les disciples ont du mal à comprendre que suivre Jésus signifie renoncer à soi et prendre sa propre croix, ils ont peur. Nous aussi nous avons peur de comprendre. Ce n’est pas que nous ne comprenons pas, mais nous ne voulons pas comprendre. Cet enfant embrassé et mis au milieu des disciples est le signe du mystère de Dieu se livrant aux hommes. L’accueil des « petits » montre l’authenticité de notre service et de notre hospitalité envers l’Infini qui s’est fait Petit pour nous.

Dans la Passion nous trouvons la charité. Il n’y a pas plus grand amour que celui de se faire tout petit et de donner sa vie pour ses amis,  de monter sur la croix et en être fiers, comme aspire l’apôtre Paul : que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. (Gal  6,14). Mais quand on parle de croix il n’est pas seulement question de deux morceaux de bois, mais de tout l’l’homme aussi, comme écrit saint Bernard de Clairvaux « Peut-être bien est-ce nous qui sommes nous-mêmes la croix de Jésus, à laquelle on rapporte qu’il a été attaché, car l’homme représente en lui la forme de la croix, comme on peut le voir lorsqu’il étend les bras ». 

C’est sur la croix que Jésus nait au ciel, et la Vierge Marie qui l’avait mis au monde sans douleur, elle la Mère de Dieu, l’a «  rendu au ciel » en acceptant de souffrir bien plus que lors de son accouchement et en nous acceptant comme ses enfants en son Fils. Cette « Mater dolorosa », si solide sous la croix, est la Vierge des vierges. Celles-ci la suivent en l’imitant aussi dans sa maternité. Ces femmes en imitant Marie sont des mères en esprit car elles se donnent entièrement au Christ. 

Marie a donné son corps et son sang – autrement dit toute sa vie – de façon unique et exceptionnelle, pour en faire le corps et le sang du Fils de Dieu. Elle fut mère dans le sens le plus profond du mot: elle donna sa vie à l’Autre, et ‘façonna’ sa vie en lui. Elle accepta la seule chose vraiment essentielle pour chaque créature et toute la création : mettre le sens, et donc toute sa vie en Dieu. La virginité de Marie fut un don total d’amour, et non une ‘négation’ de l’amour. 

C’est la totalité du don de Marie à Dieu qui est donc, la vraie expression, la vraie manifestation de son amour. La Mère de Dieu et notre mère à tous montra et montre toujours que la maternité est l’accomplissement de la féminité parce qu’elle est l’accomplissement de l’amour comme obéissance et réponse. C’est en faisant don de soi que l’amour donne vie, devient source de vie. 

Le joyeux mystère de la maternité de Marie ne s’oppose donc pas au mystère de sa virginité. C’est le même mystère.  Celle-ci n’est pas « mère » indépendamment de sa virginité; au contraire sa virginité révèle toute la plénitude de la maternité car ‘pleine en amour’. Les vierges consacrées témoignent qu’aujourd’hui encore cette maternité est possible, avec simplicité, foi et donation.

En effet, c’est cet amour plein qui nous fait accepter que Dieu vienne à nous, qu’on lui donne vie, Lui la vie du monde. Nous estimons et nous nous en réjouissons, reconnaissons, que les vierges consacrées témoignent le but et la plénitude de toute vie, de tout amour. C’est « accepter le Christ », lui donner vie en nous. 

En conclusion, il me fait plaisir d’évoquer la vocation d’humilité telle qu’elle est vécue par l’ordo Virginum, pour lequel l’humilité virginale devient une mission dans la vie de tous les jours, au travail et à la maison. La maternité spirituelle à laquelle ces femmes sont appelées se traduit dans l’assomption modeste et obéissante de la maternité de l’Eglise.

Le rite de l’ordo Virginum montre bien que la femme qui se consacre sur ce chemin, est invitée à une obéissance qui naît par la foi, à une espérance qui nait de la vie vécue pauvrement, à une permanence dans l’humilité. 

A travers cette permanence, les consacrées sont appelées à témoigner sur la manière dont l’humilité virginale devient une mission dans la vie de tous les jours, au travail ainsi que dans la prière cachée à la maison où elles vivent en toute simplicité. 

Cet idéal doit être prié, demandé, requis tous les jours, pas seulement par ceux qui ont fait leurs vœux religieux, mais par tous les fidèles laïcs.

En effet, même celui qui vit une vie « séculaire » en famille peut et doit respecter la règle de la familiarité avec la présence du Christ. Cette présence constitua la règle de vie de la sainte famille et elle peut et doit donc être la règle de chaque famille chrétienne. Il ne faut pas oublier que la famille de Nazareth était composée par un charpentier, une femme au foyer et un enfant. Cela montre que depuis le début le christianisme est humilité et douceur.

Lecture Patristique

Théophylacte (+ 1109)

Commentaire sur l’évangile de Marc,

PG 123, 588-589.

Jésus instruisait ses disciples en disant: « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera » (Mc 9,30-31). <> Généralement Jésus fait alterner les miracles avec les discours qui concernent sa passion, pour ne pas laisser croire que celle-ci serait due à sa faiblesse. Il annonce donc la triste nouvelle de son exécution et la fait suivre de la joyeuse annonce de sa résurrection le troisième jour. Il veut nous apprendre que la joie succède toujours à la tristesse, afin que nous ne laissions pas inutilement les chagrins nous submerger, mais que nous espérions des réalités meilleures.

Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda: De quoi discutiez-vous en chemin (Mc 9,33)? <> Les disciples, qui entretenaient encore en eux-mêmes des pensées très humaines, avaient discuté ensemble pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand et était tenu en plus haute estime par le Christ.

Le Seigneur ne contrarie pas leur désir de jouir de sa plus haute estime. Il veut, en effet, que nous désirions parvenir au rang le plus élevé. Il n’entend pourtant pas que nous nous emparions de la première place, mais plutôt que nous atteignions les hauteurs par l’humilité. De fait, il a placé un petit enfant au milieu d’eux, et il veut que nous lui devenions semblables, nous aussi. Car le petit enfant ne recherche pas la gloire, il n’est ni envieux ni rancunier.

« Non seulement, dit-il, vous obtiendrez une grande récompense en lui ressemblant, mais si, à cause de moi, vous honorez également ceux qui lui ressemblent, vous recevrez en échange le Royaume des cieux. Aussi bien est-ce moi que vous accueillez et, en m’accueillant, vous accueillez Celui qui m’a envoyé. »

Tu vois donc quel immense pouvoir a l’humilité, jointe à la simplicité de vie et à la sincérité: elle a le pouvoir de faire habiter en nous le Fils et le Père, et aussi, de toute évidence, le Saint-Esprit.

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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