Le mardi 9 juillet au matin, la Conférence épiscopale espagnole (CEE) a tenu une Assemblée plénière extraordinaire, convoquée la semaine précédente par sa Commission permanente.
Trois documents ont été approuvés lors de cette assemblée plénière : 1) les lignes de travail des institutions de l’Église catholique en Espagne ; 2) le plan de réparation intégrale pour les mineurs et les personnes ayant les mêmes droits, victimes d’abus sexuels et 3) les critères directeurs pour la réparation intégrale.
Avec les évêques de la Conférence épiscopale et, en raison du thème abordé, Jesús Díaz Sariego, OP, président de la Conférence espagnole des religieux (CONFER) et Jesús Miguel Zamora, secrétaire général, ont participé à l’Assemblée plénière extraordinaire.
Assemblée plénière extraordinaire
La session a débuté à 10h, sous la présidence de Mgr Luis Argüello, président de la CEE, avec la participation de 67 évêques. Trois autres évêques ont participé par voie télématique, avec droit de parole mais sans droit de vote. Une fois les trois documents présentés aux évêques de l’Assemblée plénière, un dialogue s’est instauré entre les participants, avec diverses contributions et propositions. À la fin du dialogue, les trois documents, les lignes de travail, le plan pour la réparation intégrale des victimes (PRIVA) et les critères directeurs ont été soumis au vote. Les trois documents ont été approuvés.
- Lignes directrices de travail des institutions de l’Église catholique en Espagne
Les cinq lignes directrices de travail expriment ce que les institutions ecclésiales font déjà et indiquent les principes qui guident le travail de l’Église à l’avenir. Elles sont les suivantes :
Reconnaître et réparer. Cette ligne directrice de travail comprend la reconnaissance symbolique et la réparation par l’adhésion à l’acte public de reconnaissance des victimes, la reconnaissance et la réparation pour les victimes d’abus sexuels prescrits ou lorsque l’auteur est décédé et la reconnaissance et la réparation pour les cas où la prescription n’a pas expiré. Cet axe de travail comprend l’élaboration du plan de réparation intégrale pour les mineurs et les personnes ayant les mêmes droits que les autres, victimes d’abus sexuels.
Prise en charge des victimes et/ou des survivants. La proposition vise à garantir une prise en charge globale des victimes et/ou des survivants, notamment par l’intermédiaire des bureaux d’aide aux victimes.
Prévention. Poursuivre la diffusion dans les centres éducatifs de l’Église du « Guide pour la prévention et la réparation des abus sexuels sur mineurs dans les centres éducatifs » publié par les écoles catholiques et travailler à la mise en œuvre dans les centres, de la figure du coordinateur du bien-être et de la protection.
Formation et sensibilisation. Dans ce domaine, l’objectif est de former les professionnels, en contact avec des mineurs, en matière de violence sexuelle et de sensibiliser le public, en diffusant les mesures de prévention et les protocoles des institutions éducatives de l’Église.
Information et recherche. Par la promotion d’études sur la prévalence de la violence sexuelle dans l’enfance et l’adolescence.
- Programme de réparation intégrale pour les mineurs et les personnes à égalité de droits, victimes d’abus sexuels (PRIVA)
La création d’un Plan de réparation pour les victimes d’abus sexuels dans l’Église catholique a été approuvée par l’Assemblée plénière en novembre dernier. Lors de cette Assemblée, la structure de travail a également été approuvée. Le Plan a été élaboré par le Service consultatif des Bureaux. La CEE et la CONFER y ont travaillé ensemble, avec diverses contributions du Secrétariat pour les affaires juridiques de la CEE et de l’organe de conformité de la CEE.
Le Plan a finalement été approuvé ce matin, ainsi que les lignes directrices de travail des institutions de l’Église catholique en Espagne et les critères d’orientation pour la réparation intégrale des mineurs ou des personnes assimilées, victimes d’abus sexuels au sein de l’Église catholique.
L’Église catholique d’Espagne encourage le signalement des abus aux autorités compétentes, confiant au système judiciaire ordinaire la mise en place du cadre approprié pour la réparation. Mais lorsque la voie judiciaire n’est pas possible, en raison de la prescription du délit ou du décès de l’auteur, l’Église maintient que toutes les victimes, même dans ces cas, doivent être accueillies, soignées et indemnisées de manière intégrale. C’est ce que prévoit le Programme de réparation intégrale pour les victimes d’abus sexuels dans l’Église.
Pour sa mise en œuvre, le plan prévoit la création d’un organisme qui coordonnera la réponse globale aux victimes au moyen d’une procédure non judiciaire. Cet organisme s’efforcera de vérifier chaque cas individuellement afin d’examiner l’état des faits et d’établir le cadre approprié pour la réparation. La réparation part de ce que la victime demande pour guérir, implique l’auteur de l’infraction et l’institution à laquelle il appartenait et cherche une réparation intégrale pour la victime dans tous ses aspects.
La CEE et la CONFER soutiendront subsidiairement la réparation établie afin qu’aucune victime ne soit laissée sans la réparation correspondante établie par l’organisme de coordination.
- Principes qui guident les axes de PRIVA
Le Programme de prise en charge et de réparation des victimes s’articule autour de cinq axes dont découlent les actions suivantes, relatives à la reconnaissance de la victime, à la réparation et à la prévention.
La victime au centre de la réflexion et de l’action de l’Église. La recherche de la vérité et la réalisation de la justice exigent que l’on s’intéresse à ceux qui ont été les victimes directes ou indirectes d’abus. Il faut créer les conditions d’un accueil, d’une écoute et d’une prise en charge. Il faut leur offrir la tutelle et la protection de l’Église, ainsi qu’une assistance adéquate pour tout ce dont elles peuvent avoir besoin.
La recherche de la vérité et de la justice, qui s’exprime explicitement dans l’enquête et la clarification des faits, ainsi que dans les poursuites et la détermination des responsabilités juridiques.
Une action coordonnée en ce qui concerne le traitement des abus sexuels au sein de l’Église, afin que les mesures adoptées soient similaires et que la diversité institutionnelle ne se fasse pas au détriment des victimes.
Assumer les voies de la réparation, afin que, tout en essayant de donner une réponse intégrale au phénomène des abus, ne soient pas oubliée la réparation économique, spirituelle ou psychologique lorsqu’elle est nécessaire.
Éviter toute « re victimisation » de sorte que le travail sera basé sur les informations que la victime a déjà fournies, dans les bureaux diocésains, les congrégations ou le bureau de l’ombudsman.
En ce qui concerne le traitement juridique des cas d’abus, les dispositions de l’instruction de la CEE sur les abus sexuels d’avril 2023 seront suivies.
Proposition d’action pour la mise en œuvre de PRIVA
Le plan prévoit trois domaines d’action : la victime, la réparation et la prévention.
En ce qui concerne la victime, tous les diocèses, instituts de vie consacrée et autres institutions ecclésiales ont créé des bureaux pour l’accueil, la prise en charge et l’accompagnement des victimes d’abus dans l’Église. Ces bureaux doivent s’efforcer :
– D’accueillir les victimes et offrir des services spécifiques dans le cadre d’une assistance globale.
– De fournir des conseils et une assistance juridique et améliorer l’information offerte dans les tribunaux ecclésiastiques.
– De fournir aux victimes des ressources ou des personnes qui peuvent accompagner et suivre les différents processus qu’elles souhaitent entamer pour guérir leur situation.
– De contribuer à la création d’environnements sûrs en encourageant la création d’environnements sûrs dans tous les domaines de l’Église.
– De promouvoir une culture de rejet total des abus sexuels et créer des cartes des risques et des dommages qui peuvent servir de guide lors de l’assistance aux victimes.
En ce qui concerne la réparation, l’engagement pris est le suivant :
– L’assistance doit être complète, en fonction des besoins de chaque personne : pastorale et spirituelle, médicale, thérapeutique, psychologique et sociale et légale, juridique et économique.
– Les auteurs sont les premiers responsables de la réparation. Subsidiairement, l’Église a la responsabilité morale de réparer lorsque l’agresseur n’en a pas les moyens.
– La réparation matérielle peut être : financière sous forme de compensation basée sur une sentence, financière en nature, sous forme de services médicaux ou thérapeutiques et financière sous forme d’argent, reconnue et assumée volontairement par l’Église au terme de la procédure prévue à cet effet.
– L’Église, à travers la CEE et la CONFER, doit arbitrer les moyens pour que les dommages réels et certains soient indemnisés.
– Dans le domaine canonique, la prescription ou le décès de l’auteur n’empêcheront pas la recherche d’une condamnation de certitude ou, au moins, d’un jugement de vraisemblance.
En ce qui concerne la prévention :
– Proposer des mesures et des protocoles d’action dans les activités avec les mineurs et les personnes ayant des droits égaux.
– Offrir une formation initiale sur le thème des abus envers les enfants au début de chaque année pastorale dans les différents domaines pastoraux.
– L’Église devrait examiner les causes des abus et fournir des lignes directrices et une orientation pour la vie et la mission de l’Église.
– Chercher à soigner les auteurs d’abus à l’aide de programmes d’intervention fondés sur des données probantes et utilisés par des psychologues professionnels pour d’autres auteurs d’abus.
Prochaines étapes
Pour la mise en œuvre de PRIVA, une Commission consultative sera mise en place pour évaluer chaque cas individuellement afin d’analyser les dommages causés aux victimes et de définir les moyens de réparation à mettre en œuvre pour les entités qui doivent les exécuter.
Cette Commission sera composée de dix personnes : quatre experts dans le domaine de la médecine légale, quatre dans le domaine juridique et un représentant de la CEE et de la CONFER. La Commission peut convoquer un représentant des victimes ou des associations travaillant avec les victimes.
La Commission rassemblera toutes les informations déjà élaborées par les personnes qui se sont occupées de cette victime, afin de ne pas la « revictimiser ». Avec toutes les données, la Commission présentera un rapport sur les cas présentés, qui sont limités à ceux qui ne peuvent être jugés en raison de la mort de l’auteur ou de la prescription du crime.
La Commission, avec l’aide du vice-secrétariat aux affaires économiques, élaborera un éventuel barème ou système d’évaluation des dommages subis. Elle prendra en compte les barèmes proposés par le droit civil et les critères d’orientation des autres conférences épiscopales dans ce domaine.
Paroles de clôture par le président de la CEE, Mgr Luis Argüello
L’Assemblée plénière extraordinaire s’est achevée par une séance de clôture au cours de laquelle le président de la Conférence épiscopale, Mgr Luis Argüello, a souligné que l’approbation de ces documents « est un appel à la conversion, à la communion, de ce que nous avons reçu du Seigneur de la Croix ».
L’archevêque Argüello a rappelé qu’au cours des dernières années, près de 300 bureaux ont été créés dans les diocèses et les congrégations religieuses. Beaucoup d’entre eux, a-t-il souligné, ont également franchi le pas pour devenir des bureaux d’accompagnement en matière de prévention, de formation et de réparation.
Le président de la CEE a souligné que ce que le PRIVA a approuvé ce matin « ne signifie pas le début de ce travail » car « nous y travaillions déjà depuis un certain temps ». Mais « nous avons pensé qu’il était bon de se doter de critères communs ». Il a également précisé que ce plan est subsidiaire « lorsque les voies judiciaires ont été épuisées ».
L’Église, a-t-il dit, « garde la porte ouverte pour écouter les victimes ». Avec ce programme, nous voulons les écouter et les accompagner. Il a également demandé le respect de la société et des administrations publiques, car l’Église en Espagne « a ses propres règles de fonctionnement ».
« Nous ne signons pas un décret qui oblige », a-t-il précisé, mais « des critères de communion pour que les personnes qui estiment devoir être indemnisées puissent s’adresser à chaque diocèse et à chaque congrégation ou à un comité consultatif pour les aider ».
Le président a souligné que cet engagement « déterminé d’accompagnement et de réparation » découle de la responsabilité morale et de la douleur que « nous acceptons comme nôtre ».
Il a également demandé aux victimes de pardonner et de respecter leur propre parcours. « Ce que nous avons approuvé aujourd’hui », a-t-il conclu, « n’est pas le début du travail de l’Église en Espagne face au problème des victimes d’abus, mais ce n’est pas non plus la fin ». L’Église « a ses portes ouvertes pour accueillir ceux qui veulent venir chez nous. La réponse de l’Église est d’aller au-delà de ce que la loi exige de nous ».
Paroles du président de la CONFER, Jesús Díaz Sariego, OP
Après les remerciements du Nonce, le président de la CONFER, Jesús Díaz Sariego OP a également rappelé que l’Église travaille « par solidarité avec la souffrance », depuis plusieurs années sur tout ce qui touche aux abus sexuels sur mineurs. Mais aujourd’hui, l’Église dans son ensemble « fait un grand pas en Espagne ». Un signe « public et visible » d’un discernement commun. Sans perdre de vue l’objectif, à savoir les victimes, « qui sont au centre de notre travail ».
Il a également souligné qu’il y a encore beaucoup de travail à faire « mais nous partons déjà d’une base très développée, vécue en communion ».