Première publication dans Ilestvivant ! (Oct-Nov-Dec 2023 N°361)
En février 1995, on m’a demandé de m’occuper avec quelques frères d’un projet (de l’Emmanuel aidé par des jésuites) en faveur de nombreux orphelins laissés par la guerre à Kigali. Et en 1997, on a réouvert le projet d’un centre pour les enfants de la rue que Cyprien et Daphrose avaient lancé avant la guerre. J’y ai travaillé jusqu’en 2001. Depuis, je dirige un centre créé par la communauté de l’Emmanuel à Kigali, le centre du Coeur de Jésus appelé communément Centre de l’Emmanuel.
Les Rugamba, qui avaient fondé la Communauté au Rwanda et en étaient les premiers responsables, voulaient en effet créer un lieu où tout le monde se sente aimé et considéré. Un lieu qui serait comme le Coeur de Jésus. Cyprien avait entendu dire en effet que les Rwandais ne parviendraient jamais à s’entendre, si ce n’est dans le Coeur de Jésus.
À l’école de sainte Thérèse de Lisieux
Dans ce centre, nous avons construit une grande église du Cœur de Jésus qui peut accueillir 800 à 1 000 personnes. En parallèle, nous avons édifié une chapelle dédiée à Thérèse de Lisieux. Nous sommes en effet convaincus que c’est elle qui peut nous montrer comment mettre concrètement en pratique ce que demandait Jésus à Marguerite- Marie, comment aimer dans les toutes petites choses de la vie ordinaire. Chaque année, nous organisons une « Semaine sainte Thérèse » autour du 1er octobre afin que les gens viennent apprendre d’elle comment aimer en vérité.
Le centre Cyprien et Daphrose, qui accompagne les enfants, est situé dans le même lieu. Ces deux entités, aux statuts différents, sont complémentaires : le centre (CECYDAR) fait un travail social auprès des enfants, nous, nous offrons des propositions spirituelles. En les associant sur un même lieu, nous voulons montrer que la foi débouche sur l’action concrète et la compassion.
Pour se convertir et apprendre à aimer
Au centre, tout tourne autour du Cœur de Jésus. Nous proposons de multiples activités pour aider les gens à grandir dans l’amour et à approfondir leur foi.
Tous les jours, il y a une messe dans l’église du Cœur de Jésus pour ceux qui habitent les environs.
Chaque premier vendredi du mois, nous invitons tous ceux qui le souhaitent à une journée « Désert » pour faire l’expérience de se reposer sur le Cœur de Jésus, d’apprendre de lui comment aimer et se réconcilier avec lui, son prochain, soi-même, à travers prière, jeûne, enseignements, adoration…
La veille, après la messe il y a une heure sainte pour consoler Jésus, comme à Paray-le-Monial
Le premier samedi, dédié à la Vierge Marie, nous proposons depuis 2016 une rencontre pour découvrir aussi le Cœur immaculé de Marie et dernièrement depuis un an une procession le soir de 17 h 30 à 20 heures pour confier au Cœur de Marie toutes nos difficultés car « rien n’est impossible à Dieu », comme l’ange Gabriel lui a dit à l’annonciation. 600 personnes participent à cette démarche chaque mois. Nous nous rendons jusqu’à une grotte de Marie de Kibeho, qui évoque les apparitions de la Vierge dans notre pays il y a 40 ans et qui ont été reconnues par l’Église.
Chaque mois, nous donnons des exercices à faire car les gens aiment bien venir prier mais l’enjeu est celui de la conversion au quotidien. À Kibeho, Marie est apparue d’abord au réfectoire du collège, puis dans les dortoirs, puis dehors. On peut dire que le réfectoire signifie que la Vierge Marie veut que nous convertissions nos conversations autour de la table, afin d’en exclure tout ce qui n’est pas de l’ordre de la charité. Les dortoirs, en revanche, renvoient plutôt à la chambre, et à l’intimité du couple, lieu de l’amour mais parfois aussi si blessée.
Aussi, pour répondre à l’appel de la Vierge Marie, nous proposons :
– La première semaine, de dire au moins une fois un chapelet en famille autour de la table.
– La deuxième semaine, aux couples de prier le chapelet ensemble, dans leur chambre ; et aux enfants aussi dans leur chambre, lieu envahi aujourd’hui par les écrans et tout ce qui s’y diffuse de malsain.
– La troisième semaine, à chaque personne, de dire une fois le chapelet en “circulant” chez elle ou dans son quartier.
– La quatrième semaine, d’aller se confesser.
Voir Jésus dans sa puissance
Au Rwanda, plusieurs églises évangéliques américaines de la prospérité se sont implantées. Les gens sont tellement éprouvés qu’ils peuvent être attirés par leur message mais qui conduit au malheur plutôt qu’à Jésus et son Évangile. Aussi, chaque dernier dimanche du mois, nous organisons une prière de guérison : messe, adoration, enseignement (de 9 à 16 heures), qui attirent 2 000 à 2 500 personnes chaque mois. Elles voient, comme dans l’Évangile, Jésus dans sa puissance : il guérissait et guérit encore beaucoup de malades. C’est le signe du salut qu’il apporte à chacun de nous.
Il y a encore beaucoup d’autres activités proposées pour que les personnes apprennent à connaître Jésus, l’aimer et aimer à leur tour les autres. Ce lieu du coeur est pour beaucoup un lieu de consolation.
Albert est marié à Alice depuis 26 ans. Ils sont parents de quatre enfants. « Dans notre famille, nous sommes de grands amis de Thérèse de Lisieux, témoigne Albert. Membre de la communauté de l’Emmanuel depuis 1993, j’ai eu la chance de connaître Cyprien et Daphrose Rugamba et même d’être avec eux jusqu’à la veille de leur martyre, le 7 avril 1994. »
Diffusion en direct des fêtes du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial