Bonjour et bienvenue !
Je vais parler en espagnol.
Je suis heureux de vous rencontrer alors que vous êtes réunis pour réfléchir ensemble et travailler à la révision de vos constitutions. Celles de 1990, les précédentes, je le sais, fonctionnent entre vous. C’est une rencontre importante qui ne répond pas seulement à un besoin humain dans l’évolution naturelle de la vie communautaire. C’est plutôt un « temps de l’Esprit » que vous êtes appelés à vivre comme une occasion de prière et de discernement. En restant intérieurement ouverts à ce que l’Esprit Saint veut vous suggérer, vous avez la tâche de trouver de nouveaux langages, de nouvelles voies et de nouveaux outils. Ils pourront vous donner un plus grand enthousiasme à la vie contemplative que le Seigneur vous a appelés à embrasser. Votre charisme doit être préservé – le charisme est le même – et qu’il parvienne à être compris et à attirer de nombreux cœurs, pour la gloire de Dieu et le bien de l’Église. Quand un carmel fonctionne bien, il attire, il attire, n’est-ce pas ? C’est comme la lumière avec les mouches, ça attire, ça attire !
Réviser les constitutions signifie précisément cela : recueillir la mémoire du passé – nous ne devons pas le nier – pour regarder vers l’avenir. En effet, vous m’apprenez que la vocation contemplative ne nous conduit pas à conserver des cendres, mais à alimenter un feu qui brûle d’une manière toujours nouvelle et qui peut donner de la chaleur à l’Église et au monde. C’est pourquoi la mémoire de votre histoire et de tout ce que vos constitutions ont réuni au cours des années est une richesse. Richesse qui doit rester ouverte aux sollicitations de l’Esprit Saint, à l’éternelle nouveauté de l’Évangile, aux signes que le Seigneur nous donne à travers la vie et les défis humains. Et c’est ainsi que l’on préserve un charisme. Il ne change pas, il est à l’écoute et ouvert à ce que le Seigneur veut à tout moment.
Et cela est vrai en général pour tous les instituts de vie consacrée, mais vous, femmes cloîtrées, vous le vivez d’une manière particulière, parce que vous vivez pleinement la tension entre la séparation du monde et l’immersion dans le monde. Vous ne vous réfugiez certainement pas dans une consolation spirituelle intime ou dans une prière détachée de la réalité. Au contraire, votre chemin est un chemin dans lequel il est nécessaire de se laisser toucher par l’amour du Christ jusqu’à s’unir à lui. Et cet amour doit imprégner toute votre existence et s’exprimer dans chaque geste et dans chaque action quotidienne. La dynamique de la contemplation est toujours une dynamique d’amour. C’est toujours une échelle qui nous élève vers Dieu, non pas pour nous séparer de la terre, mais pour nous la faire vivre en profondeur, comme témoins de l’amour que nous avons reçu.
La sainte mère l’enseigne avec sa sagesse et sa foi ardente. Elle était convaincue que l’union mystique et intérieure par laquelle Dieu unit l’âme à lui, comme en la « scellant » de son amour, imprègne et transforme toute notre vie. Elle ne nous sépare pas de nos occupations quotidiennes ni nous suggère une évasion vers les choses de l’esprit. Thérèse affirme la nécessité d’un temps consacré au silence et à la prière, qui doit être compris comme la source de l’apostolat et de toutes les tâches quotidiennes que le Seigneur nous demande pour servir l’Église.
En effet, elle affirme : « Marthe et Marie doivent aller ensemble pour loger le Seigneur et le garder toujours avec elles, et ne pas le mal loger en ne lui donnant pas à manger ; comment Marie, qui est toujours assise à ses pieds, pourrait-elle lui donner à manger, si sa sœur ne l’aidait pas ? Sa nourriture, c’est que de toutes les manières nous puissions atteindre les âmes pour qu’elles soient sauvées et qu’elles le louent toujours. » (Sainte Thérèse de Jésus, Les Vies, VII, IV, 12). Voilà pour la citation, que vous connaissez mieux que moi.
De cette façon, la vie contemplative ne court pas le risque d’être réduite à une forme d’inertie spirituelle, distrayant des responsabilités de la vie quotidienne. Un prêtre qui ne connaît pas ce type de mystique les a appelées « les moniales endormies » qui vivent en dormant. Mais la vie contemplative continue à fournir la lumière intérieure pour le discernement. Et de quelle lumière avez-vous besoin pour réviser les constitutions, face aux nombreux problèmes concrets des monastères et de la vie de la communauté ? La lumière est celle-ci : l’espérance dans l’Évangile. Mais toujours enracinée dans les pères fondateurs, dans la mère fondatrice et dans saint Jean.
L’espérance de l’Évangile est différente des illusions basées sur les calculs humains. Elle signifie s’abandonner à Dieu, apprendre à lire les signes qu’il nous donne pour discerner l’avenir. Il faut prendre une décision audacieuse et risquée même si le but vers lequel elle nous conduira reste caché sur le moment. C’est ne pas se fier uniquement à des stratégies humaines, des stratégies défensives lorsqu’il s’agit de réfléchir sur un monastère à sauver ou à abandonner, sur des formes de vie communautaire, sur des vocations.
Les stratégies défensives sont le fruit d’un retour nostalgique au passé ; cela ne marche pas, la nostalgie ne marche pas. L’espérance évangélique va dans l’autre sens, elle nous donne la joie de l’histoire que nous avons vécue jusqu’à présent, mais elle nous rend capables de regarder vers l’avenir, avec ces racines que nous avons reçues. C’est ce qu’on appelle préserver le charisme, l’illusion d’aller de l’avant, et cela fonctionne vraiment.
Regardez vers l’avenir. C’est ce que je vous souhaite. Regardez l’avenir avec l’espérance évangélique, pieds nus, c’est-à-dire avec la liberté de l’abandon à Dieu. Regardez l’avenir avec vos racines dans le passé. Et que cette immersion totale dans la présence du Seigneur vous donne toujours la joie de la fraternité et de l’amour réciproque.
Que la Sainte Vierge soit avec vous. De tout cœur, je vous bénis tous, je bénis votre travail durant ces jours, je bénis vos communautés, je bénis les moniales du monastère. Et je vous demande de continuer à prier pour moi, pour moi, et non contre moi.