En 2015 déjà, Jean-Baptise Nadler, prêtre de la Communauté de l’Emmanuel, avait publié Les Racines juives de la Messe, un livre important mais pas toujours facile d’accès pour un public généraliste. L’esprit de la messe selon Paul VI en constitue en quelque sorte la suite au vu des recherches patristiques qui ont présidé à la l’adoption par le Concile Vatican II de la constitution apostolique Sacrosanctum Concilium, qui vise à la restauration de la liturgie.

Le point de départ de la réflexion de l’abbé Nadler est son observation de l’attrait du Vetus Ordo (l’« ancienne messe ») auprès d’une partie des fidèles, y compris au sein de la jeunesse, qui le perçoivent comme extraordinaire au sens de magnifique ; inversement, le Novus Ordo est perçu comme ordinaire, au sens du banal. Il s’agit d’une fausse perception, estime l’abbé Nadler, mais qui est néanmoins bien réelle.

L’auteur rappelle tout d’abord à juste titre que la réforme liturgique voulue par les pères conciliaires n’est pas apparue dans le vide. Les pères se sont appuyés sur l’œuvre de renouveau liturgique initiée par le bénédictin belge Dom Lambert Beauduin en la première moitié du XXe siècle, comme sur ceux de Dom Prosper Béranger, abbé de Solesmes, restaurateur du chant grégorien au XIXe siècle. Il existait déjà avant le Concile des messes en langue vernaculaire, non seulement en français mais en mandarin ou en tchèque par exemple, et certaines d’entre elles étaient célébrées (en partie) face au peuple.

Car la réforme liturgique se veut davantage que la mise à jour d’un catalogue de prescriptions qu’il y aurait lieu de dépoussiérer. Elle vise à redécouvrir les trésors des Pères de l’Église, à assurer la participation active (mais sans activisme) des fidèles au motif qu’ils forment l’Église, corps mystique du Christ. Cinq cents ans après la Réforme, le Concile a voulu que les fidèles redécouvrent les Écritures, y compris en particulier l’Ancien Testament, presqu’absent du Vetus Ordo.

Pourtant cette mise en œuvre de la messe de Paul VI a souvent dérapé dès les années septante du siècle dernier sous l’impulsion d’un « esprit du Concile » autoproclamé, souvent en contradiction manifeste avec le texte de Sacrosanctum Concilium. Aussi, l’abbé Nadler met-il en lumière ce qu’a été cette restauration liturgique explicitement voulue par le Concile.

En vue de célébrer la messe selon l’esprit véritable du Concile, c’est-à-dire avec la dignité qui convient aux saints mystères, l’abbé Nadler suggère tout d’abord une meilleure formation tant des clercs que des laïcs aux différentes rubriques de la messe, à leur origine et leur raison d’être. Il réclame aussi une fidélité aux textes, car la liturgie se veut l’expression commune de la foi et ne peut pas faire l’objet d’une appropriation ni par les prêtres ni par les fidèles ; la liturgie n’est pas un bien privé dont on pourrait user à sa guise. Enfin l’abbé Nadler suggère des pistes concrètes pour renouer avec la volonté des pères conciliaires : l’usage (au moins partiel) du latin, l’accent mis sur le Canon Romain, la célébration (au moins partielle) ad orientem, le recours au grégorien pour le Credo par exemple.

Au-delà de ces suggestions, l’Esprit de la messe se veut davantage qu’un manuel d’instructions. Il est une invitation faite aux fidèles de découvrir pleinement la messe de Paul VI, de la célébrer avec dignité et fidélité dans l’esprit voulu par le Concile, la tête dans les Cieux et les pieds sur terre.

 

Jean-Baptiste Nadler, L’Esprit de la Messe de Paul VI, Éditions Artège, 2023