Jésus crucifié © P. Jason Smith, LC

Jésus crucifié © P. Jason Smith, LC

La raison de notre joie : la Croix du Christ, par Mgr Follo

La croix, symbole de tristesse, devient symbole et source de joie

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Avec le souhaite de comprendre toujours plus que la croix de symbole de tristesse devient symbole et source de joie.

Rite Romain – 4ème Dimanche de Carême- Année B – 10 mars 2024

2 Ch 36, 14-16.19-23; Ps 136; Ep 2, 4-10; Jn 3, 14-21

 

Dimanche de l’Aveugle – 4ème de Carême 

1) La contemplation du Christ en Croix

Le chemin du Carême est comme l’exode des juifs qui pérégrinèrent quarante ans dans le désert. Pendant cette longue période, ils ont été fortifiés par l’épreuve et ont vécu un moment particulier de purification et de grâce.

De plus, ils ont expérimenté le don de la bienveillance du Seigneur qui les a conduits vers la Terre promise, en marchant devant eux comme une colonne de fumée le jour, et de feu la nuit, 

Les israélites furent pèlerins dans le désert car ils croyaient complètement en le Seigneur qui les conduisait vers la liberté. A un certain moment, cette foi totale a diminué et ils ont protesté contre Yahvé. Dieu les a alors punis par la morsure des serpents venimeux qui sortaient du sable de toute part.

Toutefois, dans sa miséricorde, Dieu s’est ému de voir leurs larmes de repentance, et a surtout écouté la prière pleine de confiance que Moïse lui a adressée pour aider ses compatriotes.   

Il leur a par conséquent ordonné de faire un serpent en bronze et de le placer sur un mât dans un endroit surélevé du désert, pour qu’il soit bien visible, afin que tous ceux qui le regardaient soient immunisés contre le venin des vrais serpents qui arrivaient de tous les côtés du désert. 

Ce faisant les israélites étaient sauvés de la mort par empoisonnement. 

Ce dimanche, le serpent en bronze, mentionné dans l’Evangile, nous invite à réfléchir sur le Christ Sauveur Crucifié et destiné à devenir le Ressuscité.

Comme il a ordonné à Moïse d’élever le serpent en bronze dans le désert pour sauver le peuple juif, et  comme ce serpent est devenu instrument de salut pour ceux qui étaient blessés par les morsures des serpents matériels, ainsi, aujourd’hui, il nous est ordonné de regarder le Christ élevé sur le bois de la Croix. En regardant le Crucifié, les Chrétiens sont sauvés du venin du serpent spirituel. 

Dans la conversation avec Nicodème dont fait partie le récit évangélique d’aujourd’hui, Jésus dévoile le sens le plus profond de sa mort et de sa résurrection : le Fils de l’homme doit être élevé sur le bois de la Croix afin que celui qui croit en lui ait  la vie. 

Si nous voulons nous sauver des morsures venimeuses du mal, nous devons regarder le Christ qui répand l’amour du haut de la Croix.

Regarder le Christ crucifié avec des yeux purifiés par la douleur permet de voir l’amour que Dieu a pour nous et de croire à l’amour.

Regarder le Christ crucifié et le suivre, en prenant chaque jour notre croix, nous fait devenir des personnes qui aiment comme Dieu a aimé. 

Regardons donc la Croix pour la faire entrer non seulement dans nos yeux mais aussi dans notre coeur et dans notre vie. Regardons la Croix pour devenir témoins du Christ crucifié. Quand nous la regardons, où qu’elle soit exposée, elle nous rappelle la possibilité de salut pour la vie. La Croix est là pour nous dire que si nous croyons à l’Evangile, et à ce que Jésus a fait et dit, notre vie est alors sauvée et devient source de guérison pour tous ceux qui nous sont proches. 

2) La joie de la Croix

Sur la Croix, le Christ a donné sa vie parce qu’il nous aime. Contempler cet amour si grand amène en nos cœurs une espérance et une joie que rien ne peut abattre. 

Un Chrétien ne peut jamais être triste parce qu’Il a rencontré le Christ qui a donné sa vie pour lui. Mais  il ne faut pas seulement regarder la Croix d’un regard d’adoration, il faut aussi l’embrasser.

Pourquoi est-il aussi important d’embrasser la Croix et pourquoi ceci est-il source de joie ? Je répondrai à ces questions par un épisode de la vie de Mère Térésa de Calcutta. 

Un jour, cette Sainte est allée voir une malade et lui a dit qu’elle devait être heureuse car sa grande souffrance la rendait proche du Christ. Alors, La malade lui répondit qu’elle souhaitait s’éloigner du Christ car sa souffrance était trop importante. Mère Térésa lui sourit, l’embrassa et continua à soigner les plaies nauséabondes de la malade. La Sainte de Calcutta avait bien compris qu’embrasser la Croix n’était pas une exhortation à la résignation, elle disait « souffre avec patience, accepte et supporte les croix inévitables de la vie ». Mais Jésus ne dit pas « supporte la souffrance », il dit « prend sur toi l’amour qu’est don de soi », c’est à dire capable de com-patir en se donnant jusqu’à mourir. 

Il nous est pas demandé de subir passivement, mais de prendre part activement à la passion de Christ pour le monde, en se rappelant que la passion est celle qui appartient aux amoureux. Prendre la croix signifie « prendre sur nous une vie qui ressemble à la Sienne ».

Qu’est-ce qu’est alors la Croix ? 

Pour le Christ, elle n’était pas l’instrument de la mort, mais de la manifestation de son amour « exagéré ». La Croix est la synthèse de la vie entière de Jésus, vécue pour et par amour. Avec le Christ, la Croix devient synonyme d’amour. La phrase du Christ « qui veut venir derrière moi, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive », peut être réécrite ainsi : « si quelqu’un veut venir avec moi, qu’il prenne sur lui le joug de l’amour, de tout l’amour dont il est capable, et qu’il me suive ».

Naturellement nous allons expérimenter que l’amour a un prix : le prix du don de soi-même, par conséquent l’amour a également ses épines et ses blessures. Celles-ci n’offusquent pas l’amour mais le purifient car il s’agit d’un amour qui ne possède pas l’autre mais qui l’exalte et le rend heureux. En effet, le bonheur est l’expérience d’appartenir, d’être aimé et en plus, la vraie joie dans le don de soi-même.. L’apôtre Paul parle de cette joie : « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous » (Col 1, 24). 

Et c’est possible si on met l’accent sur le fait que le Christ nous demande non pas de « perdre » la vie mais de « trouver » la vie. 

Le résultat final est « trouver la vie », comme c’est arrivé au Christ avec la résurrection. Ce que le Christ offre est ce que tous les hommes cherchent, partout et toujours: le fleurissement de la vie, d’une vie qui dure pour toujours, d’une vie heureuse et riche, car l’amour grandit seulement quand on se donne.

3) Croix, Joie et Virginité

Nous pourrions comparer la Croix au lit où une mère donne le jour à son enfant. Les souffrances du travail d’une mère ne sont  pas un obstacle à la joie de la nouvelle maman, elles en sont la condition.

Vivre la Croix, c’est donner le jour. Comment ne pas penser au Seigneur crucifié qui pendant que tout est accompli (Jn 19,30) submerge d’amour ceux qui se trouvent au pied  son lit de douleur, en donnant à une mère un fils et au fils une mère, pour l’éternité ? Mourant sur la Croix, Jésus a confié Jean à sa mère, en disant « Femme, voilà ton fils » (Jn 19,26). S’il ne l’a pas appelée par le doux appellatif de mère, c’est parce qu’était arrivée pour elle l’heure  de lui confier une autre maternité – ce qui arrive aux âmes qui progressent dans l’amour- : la maternité spirituelle sur les âmes,  maternité que le sauveur avait promis d’accorder à tous ceux qui auraient accompli sa volonté divine : « quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère » (Mt 12,50).

Ce fut un moment de joie. En apparence, il ne le fut pas, car cet accouchement s’est fait dans la douleur. Dans les faits, cette maternité a fait de Marie la cause de notre joie car la joie la plus vraie est le fait de voir la lumière dans l’amour d’une mère qui nous accepte en tant que fils, nés de la douleur de son Fils. Sur la Croix, le Christ a donné sa vie car il nous aime.

En effet la vraie joie ne réside pas dans la possession de beaucoup de choses, mais dans le fait de se sentir aimés par le Seigneur, de se donner pour les autres et de s’aimer.

La manière la plus haute de se donner à Dieu et aux autres et d’aimer Dieu et le prochain est celle des vierges consacrées qui greffent la fleur de leur consécration dans la Croix dont la sève est la vie du Christ.

La fleur est un symbole cher à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus qui utilise ce symbole à la manière de l’écriture sacrée, pour indiquer en même temps la beauté et la fragilité de l’être humain de cette vie (v. Mt 6, 28-30). Elle rejoint ainsi la signification qu’a le mot chair dans la Bible. Dans le livre d’Isaïe, le symbole de la « fleur des champs » est le symbole de l’extrême fragilité et mortalité de « toute chair », confrontée avec la stabilité éternelle de la « Parole de Dieu ». Mais la vraie nouveauté du mystère de Jésus est précisément le fait que la « parole s’est faite chair » (Jn 1,14), et est devenue fragile et mortelle comme la fleur des champs.

Sainte Thérèse utilise ce symbole biblique de la « fleur des champs » (ou « petite fleur ») pour elle-même et l’élargit à l’humanité entière (notamment dans l’admirable prologue du Manuscrit A). Mais elle l’applique surtout à Jésus « dans les jours de sa chair » (Heb 5,7), c’est à dire dans tous les mystères de sa vie terrestre vus comme des mystères d’abaissement et de pauvreté, « le propre de l’Amour étant de s’abaisser » (Manuscrit A). C’est ici que la Sainte de Lisieux rejoint Saint François et Sainte Claire d’Assise qui regardent « l’amour du Seigneur qui est né pauvre dans la crèche, qui a vécu pauvre sur terre et qui est resté nu sur la croix » (Testament de Sainte Claire d’Assise). 

Lecture patristique
Saint Bède le Vénérable (ca 673 – 735)
Homélie, livre II, 18

CCL 122, 315-317

De même que le serpent fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais obtienne la vie éternelle (Jn 3,14). Avec sa science admirable de la divine doctrine, le Seigneur fait découvrir au docteur de la loi mosaïque le sens spirituel de cette même loi. Évoquant une ancienne histoire, il montre avec exactitude qu’elle annonçait symboliquement sa passion et notre salut.

Le livre des Nombres raconte, en effet, que les Israélites, accablés par la longue et pénible marche au désert, murmurèrent contre le Seigneur et contre Moïse. Aussi le Seigneur envoya-t-il contre eux des serpents brûlants. Couverts de blessures – et beaucoup en mouraient – ils crièrent vers Moïse et celui-ci pria pour eux. Alors, le Seigneur lui ordonna de fabriquer un serpent de bronze et de l’exposer pour qu’il serve de signe. Il ajouta: Ceux que les serpents ont mordus le regarderont et ils auront la vie (Nb 21,8). Et cela se passa comme il l’avait dit.

Ainsi, les blessures provoquées par les serpents brûlants sont les poisons et les brûlures des vices qui, en frappant l’âme, causent sa mort spirituelle. Il convenait aussi que ceux qui murmuraient contre le Seigneur soient abattus par les morsures des serpents, pour que le châtiment extérieur leur fasse reconnaître tous les dégâts spirituels causés par leurs murmures.

Quant au serpent de bronze élevé pour guérir les morsures de ceux qui le regardaient, il représente notre Rédempteur dans sa passion sur la croix, car seule la foi en lui remporte la victoire sur le Règne du péché et de la mort. Et vraiment, les péchés qui mènent l’âme et le corps à leur perte sont représentés à juste titre par des serpents qui sont, en effet, habiles à donner la mort par leur morsure brûlante et venimeuse. En outre, un serpent persuada nos premiers parents encore immortels de commettre le péché qui les a assujettis à la mort.

Le Seigneur venu avec une chair semblable à celle du péché (Rm 8,3) est figuré avec raison par un serpent de bronze. Car, tout en possédant une forme semblable aux serpents brûlants, le serpent de bronze ne contenait dans ses membres absolument aucun poison brûlant et nuisible; bien plus, après qu’on l’eut élevé, il guérissait les hommes mordus par les serpents. Et de la même façon, en vérité, le Rédempteur des hommes a revêtu, non la chair du péché, mais une chair semblable à celle du péché, et il a souffert en elle la mort de la croix afin de libérer ceux qui croient en lui, de tout péché et aussi de la mort même.

C’est pourquoi il dit: De même que le serpent fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé. Aussi bien, ceux qui regardaient le serpent de bronze élevé pour servir de signe, étaient-ils protégés pour un temps de la mort temporelle et guéris de la blessure infligée par la morsure des serpents. Et, de la même façon, ceux qui regardent le mystère de la passion du Seigneur en mettant en lui leur foi, en le confessant et en l’imitant sincèrement, sont-ils sauvés pour toujours de toute espèce de mort, corporelle aussi bien que spirituelle, encourue pour leurs péchés.

Voilà pourquoi il ajoute avec raison: afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais obtienne la vie éternelle. Du moins le sens de cette parole est-il clair: celui qui croit dans le Christ échappe non seulement aux châtiments de l’enfer, mais il reçoit encore la vie éternelle. La différence entre la figure et la réalité réside dans le fait que celle-là prolongeait la vie temporelle tandis que celle-ci fait don de la vie qui durera toujours.

Quant à nous, nous devons faire en sorte que les bonnes pensées conçues par notre esprit se traduisent en actes méritoires, de sorte que nous pourrons, en confessant la vraie foi et en menant une existence pleine de piété et de sagesse, mériter de parvenir à la plénitude de vie qui nous est promise.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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