L'archevêque Marek Zalewski a été nommé RPR au Vietnam le 22 décembre © Agence Fides

L'archevêque Marek Zalewski a été nommé RPR au Vietnam le 22 décembre © Agence Fides

Un représentant pontifical résident au Vietnam

Ce serait un tournant sans précédent si la Chine tirait les leçons de l’expérience vietnamienne

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Lan T. Chu

Près de 50 ans après l’expulsion du délégué apostolique du Vietnam, le Saint-Siège et l’État vietnamien ont annoncé l’établissement d’un représentant pontifical résident (RPR) au Vietnam juste avant Noël.

L’archevêque Marek Zalewski a été nommé RPR au Vietnam le 22 décembre, trois mois après la publication d’une déclaration bilatérale le 29 septembre 2023. L’accord a été signé à la suite de la visite au Vatican du président vietnamien Vo Van Thuong, qui a rencontré le pape François et le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin.

Pour être précis, la création d’un tel bureau n’équivaut pas à des relations diplomatiques formelles et complètes entre le Saint-Siège et le Viêt Nam (car cela n’est possible qu’avec une nonciature apostolique).

En réponse à l’annonce de la RPR, l’agence de presse vietnamienne a déclaré qu’un tel bureau « aiderait l’État et l’Église à dépasser les différends historiques ». Cette perception de l’État est peut-être l’un des principaux obstacles à l’établissement d’une nonciature.

L’Église vietnamienne a une histoire longue et difficile. La confiance et la compréhension mutuelles sont primordiales pour développer de bonnes relations avec l’État. Plutôt que de les ignorer, l’État devrait donc reconnaître ces difficultés passées qui empêchent un avenir productif et pacifique pour le Viêt Nam.

La nomination des évêques et des cardinaux pourrait constituer un autre problème. L’accord de collaboration entre l’Église vietnamienne et l’État est le suivant : en concertation avec l’Église, le Saint-Siège présente à l’État une liste de candidats. Il revient à l’État de donner son approbation finale pour ces nominations.

L’Église, quant à elle, perçoit ce retour d’information comme une reconnaissance de la part de l’État et non comme une approbation des choix de l’Église.  Cet accord de travail, en vigueur depuis au moins le milieu des années 1980, a permis à l’Église de se développer au Viêt Nam.

Toutefois, selon le droit canonique, le nonce joue un rôle dans la nomination des évêques selon les directives du Saint-Siège. L’État vietnamien devrait clarifier et formaliser davantage le rôle du nonce au-delà de l’accord de coopération, ce qu’il n’est peut-être pas encore prêt à faire.

Néanmoins, l’établissement d’une RPR signifie un progrès marquant dans la qualité des relations entre les deux entités. Habituellement, les ressources militaires et économiques sont identifiées comme les facteurs les plus importants pour évaluer la force d’un État.

Cependant, les politiques internationales de légitimité et de reconnaissance sont tout aussi importantes pour un État, si ce n’est plus. En effet, les relations avec d’autres acteurs (locaux, régionaux et internationaux) contribuent toutes au fonctionnement d’un État et servent de passerelle vers la communauté internationale. Ce pont est particulièrement important en période de crise. C’est une leçon que le Viêt Nam a apprise lors de la pandémie de COVID-19.

Une signification plus large

La nomination de la RPR au Viêt Nam est le résultat de 14 années de travail qui ont débuté avec le « groupe de travail conjoint Viêt Nam-Vatican » constitué en 2008. Cette évolution peut entraîner des conséquences considérables à l’intérieur et à l’extérieur des frontières du Viêt Nam, pour les catholiques comme pour les non-catholiques.

Le 11 décembre 2023, quatre universitaires internationaux se sont réunis pour un débat intitulé « Tendance au réchauffement des relations Vietnam-Vatican » organisé par l’Initiative pour l’étude des catholiques asiatiques.

Cette rencontre faisait suite à l’annonce, le 27 juillet 2023, de la création du bureau du RPR à Hanoï, rapprochant ainsi le Vietnam de l’établissement de relations diplomatiques complètes avec le Saint-Siège. La présence d’un RPR est plus qu’une simple avancée de la présence catholique au Viêt Nam.

L’importance internationale du Saint-Siège va au-delà de son rôle de chef de l’Église catholique romaine, qui compte 1 milliard 376 millions de catholiques dans le monde. Le Saint-Siège est un formidable acteur international. Il est le seul acteur non étatique à bénéficier du statut d’observateur permanent auprès des Nations Unies et le seul acteur souverain dont la tradition diplomatique mondiale remonte au 4e siècle.

En tant que tel, il peut transmettre à l’humanité l’expérience séculaire de l’Église catholique : il a participé ou dirigé des réunions avec des acteurs étatiques et non étatiques sur des questions d’importance mondiale telles que la prolifération nucléaire, la paix et le changement climatique.

Bon catholique, bon citoyen

Les pays qui entretiennent des relations bilatérales avec le Saint-Siège n’accordent pas nécessairement la priorité à la religion. Ils peuvent chercher à établir une relation publique avec un acteur international qui est politiquement neutre, respecté dans le monde entier et qui a fait ses preuves en tant que médiateur.

Il suffit de penser aux visites du pape Jean-Paul II à La Havane (Cuba) en 2008 et 2012, qui ont attiré l’attention de la communauté internationale sur la petite île communiste, longtemps ostracisée par ses voisins démocratiques. Mobilisant le langage des droits de l’homme, le président de l’époque, Fidel Castro, avait utilisé la visite papale pour condamner l’embargo des États-Unis et s’adresser à l’ensemble de la communauté internationale.

Des années plus tard, en 2014, c’est le Saint-Siège qui a servi de médiateur dans les pourparlers entre les États-Unis et Cuba, qui ont abouti à l’ouverture des relations diplomatiques et à la libération du prisonnier politique américain Alan Gross, qui avait purgé 5 ans d’une peine de 15 ans pour espionnage. Comme dans le cas de Cuba, les relations du Saint-Siège avec les États politiques vont bien au-delà de la défense des intérêts de la communauté catholique. Ces relations sont à la fois pastorales, politiques et symboliques.

Historiquement, lorsqu’il s’est agi de normaliser les relations entre le Saint-Siège et le Viêt Nam, l’État vietnamien et la hiérarchie catholique ont agi dans le cadre d’une politique de « Chine d’abord ».  Pourtant, des années de dialogue sur la présence de l’Église, le rôle des catholiques et la nomination des responsables de l’Église n’ont pas menacé l’autorité du parti communiste vietnamien comme l’ont fait les catholiques d’Europe centrale et orientale dans les années 1990, avant l’effondrement du communisme.

Au contraire, l’Église a utilisé ses ressources pour contribuer à l’amélioration de la société vietnamienne, notamment par des services d’aide aux pauvres et autres activités caritatives. Au cœur de la relation entre une religion universelle comme le catholicisme et un pays hautement nationaliste comme le Vietnam se trouve la possibilité d’être « un bon catholique et un bon citoyen ».

L’intention de la mission pastorale de l’Église n’est donc pas de saper politiquement la stabilité de l’État vietnamien. Bien au contraire, l’Église a fourni et continuera de fournir des ressources indispensables au peuple vietnamien.  Il ne s’agit donc pas simplement de l’ouverture d’un bureau religieux, mais d’une opportunité de développement socio-économique pour les citoyens vietnamiens, et d’une opportunité historique pour le Vietnam de prendre la tête de l’Asie en matière de relations internationales.

Ce serait un tournant sans précédent si la Chine apprenait de l’expérience vietnamienne qu’une relation avec le Saint-Siège ne peut qu’apporter une plus grande reconnaissance et non une perte de souveraineté. Si le parti communiste vietnamien reste fidèle à sa volonté de placer le Viêt Nam au premier plan, la présence du Saint-Siège ne devrait pas constituer une préoccupation politique.

On ne sait toutefois pas quelles mesures le parti communiste vietnamien utilisera pour s’assurer du bien-être de son peuple et des politiques qu’il mettra en œuvre.

*Lan T. Chu est professeur de diplomatie et d’affaires mondiales à l’Occidental College. Son enseignement porte sur le rôle politique des institutions religieuses, l’Église et la politique mondiale, ainsi que sur la théorie des relations internationales.

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Rédaction

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