Audience du Pape aux membres du Bureau de l'Auditeur général du Saint-Siège et de l'État de la Cité du Vatican © Vatican Media

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La réforme économique du Vatican ne fait que commencer

Une économie au service du bien commun

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Le pape François a envoyé une lettre au personnel du Secrétariat pour l’économie. La lettre aborde un large éventail de questions liées à la gestion de l’argent au Saint-Siège. Avec clarté, dans un langage accessible et en profondeur, le pape aborde les défis d’une réforme économique qui, selon ses propres termes, ne fait que commencer.
Nous vous proposons la traduction française de la lettre.

J’ai été particulièrement satisfait de la réunion que nous avons eue lundi dernier, presque dix ans après le début des réformes économiques du Saint-Siège et la création du Secrétariat pour l’économie, qui a été le principal précurseur de ces réformes.

En regardant la situation actuelle, je ne peux que constater les progrès accomplis. Je vous en remercie, car vous fournissez un service délicat et complexe. Le travail accompli pour doter le Saint-Siège des moyens nécessaires pour que son patrimoine soit orienté vers la mission, en évitant les risques de retomber dans les erreurs du passé que nous connaissons tous, a été très apprécié.

Je vous remercie, ainsi que tous ceux qui, depuis le début de la création du Secrétariat pour l’économie, ont travaillé avec courage et générosité pour améliorer l’organisation économique du Saint-Siège. En parlant de courage, je pense en particulier à mon regretté frère, le cardinal George Pell, premier préfet du Secrétariat pour l’économie. À l’occasion de sa consécration épiscopale, il a choisi comme devise : « N’ayez pas peur ». Une devise dont il a donné un exemple concret dans sa vie chrétienne et dans sa fonction de Préfet, expression du zèle, de la conviction, de la détermination et de la vision d’un homme qui, avant les autres, a compris le chemin à suivre.

C’est ainsi qu’ont été jetées les bases de toutes les réformes qui lui ont succédé, en particulier sous la direction du père Juan Antonio Guerrero qui, avec un style basé sur le dialogue, le concret et la simplicité, a contribué de manière décisive à la réalisation de nombreux objectifs que le Saint-Siège s’était fixés dans le domaine économique et financier.

Ce qui a été fait ne doit pas nous faire penser que le chemin de la réforme économique est terminé. Au contraire, il ne fait que commencer. L’Église est dynamique et a le devoir de s’adapter aux temps nouveaux pour porter partout la consolation du message évangélique, avec une attention particulière pour les plus défavorisés. Il est nécessaire que l’Église et la Curie se réforment, se remettent en question sans cesser de contempler le bien accompli, de réfléchir aux résultats obtenus. Dans cette perspective, le Secrétariat pour l’économie, en tant qu’organe économique de la Curie romaine, est également appelé à promouvoir, dans son propre domaine, un mouvement de changement constant vers le mieux.

La réforme ne consiste pas à changer pour montrer que les choses sont nécessairement faites différemment de la manière dont elles étaient faites dans le passé. Le changement est un renouvellement fonctionnel et proportionnel. C’est pourquoi, dans certains cas, il est radical, dans d’autres, il s’agit d’une adaptation de ce qui est déjà bon : et les effets de ces changements doivent être suivis parce que des décisions peuvent être prises qui doivent ensuite être corrigées, en vue d’une « amélioration continue ».

L’économie est donc au service de la mission, et vous tous qui travaillez au Secrétariat à l’économie faites partie de la mission, car la bonne gestion des biens et de leur utilisation est un témoignage pour nous tous de ce que l’on peut faire avec peu. Et vous avez choisi de participer à ce service pour la mission. Dans le langage courant, le terme service a acquis un sens péjoratif parce qu’il est associé à la figure du serviteur, anciennement esclave. Dans d’autres circonstances, ceux qui utilisent ce terme le font pour donner de la visibilité à leur service et, à ce titre, demandent de la reconnaissance. Rien de tout cela n’est un service à l’Église. Essayez plutôt de penser au rôle d’un parent envers un enfant : c’est le service d’hommes et de femmes qui, avec un amour gratuit, font ce qui est nécessaire pour soutenir la croissance des enfants et de la famille. En ce sens, votre travail et votre mission sont un service rendu à la Curie et, par conséquent, à toute l’Église.

Et c’est un travail délicat parce que même les meilleures intentions d’un père peuvent se traduire par des comportements à éviter : être autoritaire au lieu d’avoir de l’autorité ; craint au lieu d’être respecté et reconnu ; exercer le pouvoir au lieu de prendre des décisions, en sentant la responsabilité de protéger le bien commun ; garder l’argent sans but au lieu de l’utiliser pour que la mission puisse grandir et s’épanouir, en oubliant que l’Église est pauvre parce que tout ce qu’elle possède n’est pas pour elle, mais pour l’utiliser là où c’est nécessaire, de manière désintéressée.

Fidelis dispensator et prudens est le nom du Motu Proprio qui a institué ce Secrétariat. La fidélité à la mission et la prudence sont les vertus qui doivent vous accompagner dans votre travail, dans la gestion de chaque affaire, parce que les nombreuses responsabilités qui vous sont confiées vous exposent au risque de petites et de grandes erreurs qu’il faut éviter. L’une des grandes erreurs est une habitude : la primauté du formel sur le réel.

Vous devez trouver la capacité d’écouter et d’être écoutés, de mettre à la disposition de ceux qui vous sollicitent, par votre expérience, le professionnalisme et l’expertise économique et juridique pour mettre en œuvre les initiatives qui composent la mission. L’effort constant doit être de soutenir ces initiatives, en veillant à ce qu’elles soient fondées non pas sur les normes et la technologie comme des fins en soi, non pas sur la volonté arbitraire de ceux qui sont chargés de décider ou d’autoriser, mais sur le bien commun.

Mais il faut aussi toujours avoir la loyauté de dire non lorsque ce que l’on vous présente ou ce que vous trouvez dans les dossiers trahit la mission, quand l’intérêt individuel de certains l’emporte sur le collectif, quand les normes sont violées ou contournées artificiellement pour poursuivre des fins autres que celles du Saint-Siège et de l’Église, et que les choix n’ont rien ou peu à voir avec la mission ou lui nuisent. La loyauté signifie ne jamais devenir complice, ne serait-ce qu’en faisant semblant de ne pas voir, ne serait-ce que parce qu’on ne veut pas décevoir les amitiés qui, dans une communauté de travail comme le Saint-Siège, se nouent et il est bon qu’elles se nouent (un bon père sait dire non à ses enfants parce qu’il les aime et pour leur bien et celui de la famille).

Prudence et loyauté pour le bien commun de notre communauté de travail, de l’Église, des fidèles et des nécessiteux, voilà ce que signifie être un secrétariat pontifical, dont le Secrétariat pour l’économie est le gardien et le serviteur, depuis le moment où il propose de nouvelles dispositions, valables pour tous, jusqu’à celui où il vérifie que ces dispositions sont respectées. Un service qui exige professionnalisme, dévouement, approfondissement, mais aussi humilité, écoute, esprit de service et, enfin, vigilance et culture de la légalité et de la transparence, alliées au devoir et au courage de dénoncer ce qui n’est pas conforme.

C’est la voie et l’esprit des réformes économiques menées jusqu’à présent, et c’est dans cette perspective qu’il faut aborder l’avenir. Il s’agit de travailler avec le courage de prendre des décisions responsables qui ne sont pas non plus populaires, car leur vision doit nécessairement être globale, en pensant à l’avenir.

Je sais que le Saint-Siège accuse chaque année un déficit important. En effet, toute l’organisation est au service de la mission et les sources de financement sont limitées. Mais nous savons qu’un déficit signifie qu’une partie du patrimoine s’érode et que cela compromet l’avenir. C’est pourquoi un redressement est nécessaire. Cette prise de conscience doit se faire à tous les niveaux de notre communauté : nous sommes tous responsables de la préservation du patrimoine pour que ceux qui nous succèderont disposent aussi des ressources nécessaires pour poursuivre leur chemin. Nous devons tous être prêts, avec modestie et esprit de service, à renoncer à notre intérêt particulier au profit de l’intérêt commun, même si cela implique des changements et des adaptations à des contextes différents. Cela suppose de se libérer de la rigidité et de se rendre disponible, avec sincérité, pour se renouveler. La loyauté et la prudence permettent d’y parvenir.

Pour cela, nous aurons besoin de nouvelles compétences, de nouvelles personnes, mais aussi de personnes renouvelées dans leur esprit et leur professionnalisme. Le défi que doit relever le ministère de l’économie en matière de gestion des ressources humaines est double. D’une part, il s’agit de s’assurer que les nouvelles recrues présentent les bonnes caractéristiques, à la fois éthiques et professionnelles. D’autre part, il faut donner à ceux qui travaillent déjà au Saint-Siège la possibilité de se renouveler en leur offrant des formations, des opportunités de croissance, de nouvelles expériences, et en leur témoignant confiance et reconnaissance. Une rémunération équitable doit être garantie à tous, dans les limites des ressources disponibles, d’autant plus juste qu’elle est liée aux résultats et à la contribution de chacun au service de l’Église. Le carriérisme doit être évité, mais si des opportunités adéquates sont offertes à tous et qu’un environnement favorable et accueillant est créé, la récompense du mérite est une démonstration d’équité que je vous encourage à poursuivre.

Mais la mission est également soutenue, bien que de manière différente, par les fournisseurs, auxquels s’appliquent en fait les mêmes principes : éthique, capacité et professionnalisme, au juste prix pour obtenir un bénéfice équitable. Les règles que le Saint-Siège s’est données pour les appels d’offres doivent être efficaces pour répondre aux besoins des entités, en identifiant le fournisseur et la meilleure proposition. C’est à vous de les mettre à jour et de les interpréter pour qu’émerge ce qui est éthique et utile à la mission, au meilleur prix possible, afin de préserver le patrimoine pour l’avenir sans renoncer à la mission d’aujourd’hui. Nous devons donc prendre soin du patrimoine, lorsque nous sommes en mesure de le sauver, et nous devons également l’investir avec soin, de manière éthique, afin que les fruits de la gestion soient distribués équitablement et que chacun dispose de ce dont il a réellement besoin. Les investissements ne doivent viser ni la spéculation ni la capitalisation.

Les budgets ne doivent pas être un exercice comptable stérile, mais doivent représenter un effort pour accompagner la mission de chacun en distribuant les ressources en fonction des besoins réels, même en demandant parfois à certains de prendre du recul ou de partager les revenus avec d’autres. Ainsi, il n’y a pas d’entités riches et d’entités pauvres, mais un seul Saint-Siège qui évolue en harmonie, sachant que tous, bien qu’ayant des tâches différentes, participent à la réalisation et à la poursuite du même bien.

Il s’agit d’une tâche qui demande un grand effort, c’est pourquoi il est important que tous se sentent soutenus par le Secrétariat pour l’économie dans sa réalisation, et qu’ils trouvent l’écoute, le soutien, la compétence et la capacité de rendre fonctionnelles les règles que nous nous sommes données et celles que nous nous donnerons dans la poursuite de ces objectifs.

Vous m’avez montré par le passé que telle est la culture du Secrétariat pour l’économie et je vous en remercie, en vous assurant que vous n’êtes pas seuls face aux difficultés que vous rencontrez. Je vous encourage à poursuivre avec confiance dans cette voie et à vous améliorer en continuant à écouter et à évaluer avec équité et professionnalisme non seulement les demandes, mais aussi les nombreuses suggestions qui vous parviennent de notre communauté de travail. C’est ainsi que nous témoignerons ensemble d’une économie au service du bien commun. Je vous remercie de votre bonne volonté.

Je prie pour vous, priez pour moi. Que le Seigneur vous bénisse et que la Vierge vous garde.

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Rédaction

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