Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les préfets
Je vous salue cordialement et je suis heureux de vous accueillir, quelques jours après la fête de votre saint patron, saint Ambroise : lui aussi, bien que dans des circonstances historiques différentes, avait été préfet, avant d’être appelé soudainement par Dieu à devenir pasteur du peuple à Milan. Sa phrase est bien connue : « Vous pensez : les temps sont mauvais, les temps sont durs, les temps sont difficiles. Vivez bien et vous changerez les temps ». Vivez bien et vous changerez les temps : une belle phrase ! Ces mots peuvent aussi renvoyer à la nature de votre service : faire en sorte que les habitants des lieux qui vous sont confiés puissent « bien vivre ».
Pour mener à bien cette tâche, vous jouez le rôle d’intermédiaire entre l’État et le territoire, reliant constamment le tout aux parties, le centre à la périphérie, le bien commun à l’attention portée à l’individu. Au niveau institutionnel, votre fonction réalise cette « capacité quotidienne d’élargir le cercle […] » (Fratelli tutti, 97), grâce à laquelle chaque citoyen, en particulier ceux qui se trouvent dans des situations difficiles, fait l’expérience, en présence de l’État, de la proximité concrète de la communauté civile. Vous relevez donc divers défis, tels que la sécurité et l’ordre public sur un territoire donné, divers services aux personnes et aux communautés. Je voudrais m’attarder brièvement sur trois de ces défis : l’ordre public, les questions environnementales critiques et la gestion des flux migratoires.
L’ordre public. C’est l’aspect prioritaire et aussi le plus délicat de votre travail, car il vous oblige, souvent dans des situations imprévisibles et d’urgence, à conjuguer le respect du droit et l’attention à l’humain. Légalité et humanité réunies, pour donner aux dispositions l’application nécessaire et en même temps approcher les contrevenants avec le respect qui leur est dû, en conciliant la protection des victimes et le traitement équitable des délinquants. À cela s’ajoute la grande responsabilité que vous avez de faire face aux risques quotidiens des membres des forces de police, dont vous prenez également soin. Pour l’exercice de vos fonctions publiques, il est peut-être bon de rappeler une maxime ancienne, qui se réfère à l’ordre de la vie personnelle : « serva ordinem et ordo servabit te », « maintiens l’ordre et l’ordre te sauvera » ; il te protègera, il te sauvera. Il s’agit d’une déclaration judicieuse, car on ne peut gérer l’ordre public sans ordre personnel, intérieur. Mais lorsqu’il existe, la responsabilité de l’ordre public est ressentie comme un appel à créer ce climat de coexistence harmonieuse qui permet d’affronter et de résoudre les difficultés. Je dirais que la vôtre est une sorte de paternité institutionnelle : exercée avec conscience et dévouement, elle n’épargne ni les sacrifices ni les nuits blanches et mérite notre gratitude.
Deuxième point : les questions environnementales critiques. Votre enracinement dans les territoires m’amène à cette deuxième réflexion : bien qu’ils ne relèvent pas de vos compétences directes, les problèmes hydrogéologiques sont malheureusement devenus des urgences fréquentes et concernent tout le monde ; liés à des phénomènes atmosphériques qui devraient être inhabituels et extraordinaires, ils sont devenus habituels en raison du changement climatique. Nous en avons été témoins ces derniers temps : pensons, pour n’en citer que quelques-uns, aux récentes catastrophes en Émilie-Romagne, en Toscane et en Sicile. Mais c’est précisément dans ces circonstances que nous avons pu admirer, au-delà des polémiques stériles, les meilleures qualités du peuple italien qui, surtout dans les difficultés, sait s’unir de manière exemplaire, alliant la diligence des institutions à l’engagement des citoyens. Il vous appartient de gérer au mieux les ressources disponibles et d’associer les opérateurs publics et privés. Il est important et urgent, dans le présent comme dans l’avenir, de conjuguer les efforts pour protéger notre maison commune en temps utile et avec clairvoyance.
Enfin, les flux migratoires, avec leur gestion délicate au niveau local. Même cette tâche n’est pas facile, car elle confie à vos soins des personnes blessées, des personnes vulnérables, souvent perdues et qui se remettent de traumatismes terribles. Ce sont des visages, pas des chiffres : des personnes qui ne peuvent pas être simplement catégorisées, mais qui ont besoin d’être embrassées ; des frères et des sœurs qui ont besoin d’être sauvés des tentacules d’organisations criminelles, capables de spéculer sans pitié sur leurs malheurs. Nous avons entendu parler des « lager » dans certains pays d’Afrique du Nord, où ceux qui veulent venir en Europe sont traités comme des esclaves, torturés, voire tués. Vous avez la lourde tâche d’organiser sur place un accueil ordonné, fondé sur l’intégration et l’insertion constructive dans le tissu local. Vous ne pouvez pas rester seuls dans cette tâche qui consiste à les soutenir dans leurs besoins essentiels tout en étant à l’écoute des appréhensions et des tensions qui peuvent naître parmi les résidents, et en intervenant naturellement lorsque des situations de désordre et de violence se présentent.
Nous devons être prudents. Les migrants doivent être accueillis, accompagnés, promus et intégrés. S’il n’y a pas cela, il y a un danger ; s’il n’y a pas ce chemin vers l’intégration, il y a un danger. Et cela me fait penser à un autre problème. Les migrants sont utiles lorsqu’ils sont bien intégrés. L’Italie est un pays qui manque d’enfants, et les migrants arrivent. Je suis préoccupé par le problème du faible taux de natalité en Italie. Les Italiens n’ont pas d’enfants. Une de mes secrétaires qui se promenait sur la place l’autre jour me racontait : une dame s’est approchée de moi avec une poussette et un bébé ; elle est allée pour caresser le bébé… c’était un petit chien ! Les petits chiens sont à la place des enfants. Pensez-y. La responsabilité qu’ont les Italiens d’avoir des enfants, de les élever et d’accueillir les migrants en tant qu’enfants.
En conclusion, je vous renouvelle ma gratitude pour votre visite et pour votre engagement quotidien en faveur du bien commun. Merci, parce que vous vous efforcez d’assurer une coexistence pacifique dans les différents territoires de notre Italie, riche de traditions et de valeurs qui parlent de cohésion, d’accueil et de solidarité. Je profite de l’occasion pour vous souhaiter le meilleur pour les prochaines fêtes de Noël : que Dieu, qui en s’incarnant est venu habiter nos espaces, vous bénisse, qu’il bénisse les peuples et les territoires que vous servez. Et n’oubliez pas de prier pour moi. Je vous remercie.