Tableau de Jésus Miséricordieux dans l’église de la Sainte-Trinité à Vilnius © Gailestingumas.com

Tableau de Jésus Miséricordieux dans l’église de la Sainte-Trinité à Vilnius © Gailestingumas.com

Les secrets du tableau de Jésus miséricordieux et les indications de sainte Faustine

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La Miséricorde divine et la Rédemption

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Un des dons du Christ au monde par l’intermédiaire de sainte Faustine Kowalska, canonisée par Jean-Paul II le 30 avril 2000, et première sainte du Troisième millénaire, que l’on fête ce 5 octobre 2023, c’est le “sacramental” (1) qu’est le tableau de “Jésus Miséricordieux”.

Lorsque le pape François s’est rendu à Vilnius, le tableau a été apporté sur le parvis de la cathédrale, où il a présidé à la rencontre avec les jeunes, le 22 septembre 2018, en présence du cardinal Gintaras Grusas.

Les secrets du tableau

Le tableau original se trouve en effet aujourd’hui au sanctuaire de la Miséricorde Divine à Vilnius, dans l’église de la Sainte-Trinité, dont le père spirituel de Faustine, le bienheureux Michal Sopocko (1888-1975) a été recteur.

A l’époque de Faustine Kowalska (1905-1938), Vilnius était territoire polonais et la religieuse y avait été envoyée par sa communauté. La petite maison en bois de sœur Faustine, où Jésus lui est apparu une centaine de fois, et qui a traversé intacte la période du communisme soviétique, est devenu un lieu de prière.

Sur le tableau peint à Vilnius par Eugeniusz Kazimirowski (1873-1939), en 1934, Jésus est représenté tel que sainte Faustine le voyait, notamment, le pied gauche en avant : le Christ a voulu être représenté en marche, ce n’est pas un Jésus “statique”. Il se fait proche de chacun, il vient vers celui qui prend le temps de le contempler et de lui parler avec confiance.

Ce tableau représentant le Christ a une dimension “trinitaire” : les deux endroits les plus lumineux du tableau sont le front et le cœur. Le front de Jésus éclairé par l’amour du Père qui bénit et envoie son Fils communiquer aux hommes sa miséricorde. Et le cœur ouvert qui communique l’Esprit Saint répandu dans les sacrements : le baptême et l’eucharistie symbolisés par la lumière blanche et la lumière rouge qui jaillissent, ensemble, inséparablement. Ce même Esprit qui pousse le croyant à accomplir les œuvres de miséricorde.

Un autre détail : le Christ est représenté les yeux baissés. Sainte Faustine a demandé à Jésus pourquoi il voulait être représenté ainsi. Voici la réponse (PJ 326) : « Mon regard sur ce tableau est le même que celui que j’avais sur la croix ». Un regard de miséricorde, comme lorsque Jésus baisse les yeux et écrit sur le sable devant la femme adultère et ses accusateurs.

La prière enseignée par Jésus à sainte Faustine – “Jésus, j’ai confiance en toi” – est inscrite en bas du tableau. Le Christ lui a en effet confié à Faustine que ce qui blesse le plus son cœur c’est le manque de confiance des baptisés ».

Le Christ veut être peint “avec des pinceaux”

Mais la principale originalité de ce tableau c’est qu’il a été peint à la demande du Christ lui-même, avec des promesses de bienfaits spirituels. Un peu comme la médaille de la rue du Bac a été demandée par la Vierge Marie qui en a donné elle-même le modèle à sainte Catherine Labouré, accompagné de promesses. Mais comme cette représentation du Christ bouleversait les critères habituels de sa représentation dans l’art sacré catholique, il a fallu l’autorisation d’une commission d’art sacré pour qu’il puisse être proposé à la vénération des baptisés.

On ne se sait pas quel jour exactement la demande a été faite par le Christ la première fois. Mais sainte Faustine rapporte cette première demande dans son “Petit Journal” (47-49), à la date du 22 février 1931, alors qu’elle est encore en Pologne, à Plock : « Un soir, quand j’étais dans ma cellule, je vis Jésus vêtu d’une tunique blanche. Une main levée pour bénir, la seconde touchant son vêtement sur la poitrine. De la tunique entrouverte sortaient deux grands rayons, l’un rouge, l’autre pâle. (…) Après un moment Jésus me dit : « Peins un tableau selon le modèle que tu vois, avec l’inscription : Jésus, j’ai confiance en Toi. Je désire que l’on honore ce tableau, d’abord dans votre chapelle, puis dans le monde entier. Je promets que l’âme qui honorera ce tableau ne sera pas perdue. Je lui promets aussi la victoire sur ses ennemis d’ici-bas, spécialement à l’heure de la mort. Moi-même, Je la défendrai, comme ma propre gloire. »

Le premier confesseur auquel Faustine ose confier la demande du Christ, le père Jozef Andrash SJ (1891-1963), qui lui répondra, prudent : “Mais oui, ma sœur, Jésus veut être peint dans votre âme.” Jésus apparaît alors de nouveau à Faustine et il insiste sur le fait qu’il veut être peint avec un pinceau (PJ 49-50) : « Je veux que ce tableau que tu peindras avec un pinceau, soit solennellement béni le premier dimanche après Pâques. »

L’atelier du peintre, devenu chapelle

Sans être davantage convaincu, le père Sopocko, directeur spirituel à Vilnius, demandera au peintre qui habite l’appartement du rez-de-chaussée de la maison des sœurs de la Visitation où lui-même habite, au premier. L’atelier du peintre est aujourd’hui devenu une chapelle. On peut y prier spécialement pour les artistes peintres.

C’est le 2 janvier 1934, fête du très saint nom de Jésus, que sainte Faustine va trouver le peintre pour la première fois (PJ 863) : « Ce jour est pour moi tout particulièrement grand, ce jour-là je suis allée pour la première fois m’occuper de la réalisation de ce tableau ; ce jour-là pour la première fois la miséricorde divine a été particulièrement honorée (…) bien qu’elle soit connue depuis longtemps, mais cette fois-ci sous la forme que le Seigneur souhaitait. Ce jour du très doux nom de Jésus me rappelle bien des grâces particulières. »

Faustine viendra une ou deux fois par semaine pendant six mois, pour indiquer à l’artiste, qui ne voit pas Jésus, comment il lui apparaît à elle et attirer son attention sur les détails importants. Pas seulement les yeux, les rayons, mais aussi le fait que Jésus bénit : il ne lève pas le bras droit, en Juge, comme sur la fresque du Jugement dernier de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine, mais, le bras près du corps, sa main bénit.

Faustine était accompagnée d’une religieuse mise dans la confidence. Personne d’autre ne pouvant être mis au courant, le père Sopocko lui-même servait de modèle : il revêtait une tunique blanche pour représenter le Christ.

Miséricorde et rédemption

Jésus a aussi demandé à sainte Faustine que ce tableau soit béni le premier dimanche après Pâques (PJ 49-50) : « Je veux que ce tableau que tu peindras avec un pinceau, soit solennellement béni le premier dimanche après Pâques : ce dimanche doit être la Fête de la Miséricorde. Je désire que les prêtres proclament Ma grande miséricorde envers les pécheurs. Les flammes de la miséricorde Me brûlent. Je veux les répandre sur les âmes. »

Si l’on considère les dates et le lieu, on est frappé du fait que cette révélation de la Miséricorde divine, dont le tableau témoigne, se situe au cœur d’une Europe bientôt déchirée par les épouvantables tragédies du XXe s. : La Révolution bolchévique va déboucher sur le stalinisme, Mussolini et Hitler sont déjà au pouvoir. C’est pour cela qu’aujourd’hui encore, le Pèlerinage de la miséricorde de Vilnius propose aux pèlerins non seulement un itinéraire à l’école de Faustine et de Sopocko, mais de passer par le mémorial où des dizaines de milliers de juifs ont été assassinés par les nazis et par le musée des horreurs soviétiques : la Miséricorde se comprend dans cette perspective. Cette révélation, juste avant les grandes tragédies, semble vouloir aider l’humanité à traverser ses tragédies tout en nourrissant chaque jour sa confiance en Dieu qui sauve : “Jésus, j’ai confiance en toi !” Et c’est un message pour les tragédies du monde entier, pas uniquement l’Europe.

Sainte Faustine raconte la première exposition du tableau à la vénération d’une assemblée (PJ 89): « C’est vraiment étrange : tout s’est passé comme le Seigneur l’avait exigé. Le premier hommage que le tableau a reçu de la foule a eu lieu le premier dimanche après Pâques. Pendant trois jours le tableau a été exposé à la vue de tous et vénéré publiquement parce qu’il a été placé à la Porte de l’Aurore en haut de la fenêtre si bien qu’on pouvait le voir de très loin. À la Porte de l’Aurore on a célébré solennellement durant ces trois jours la clôture du Jubilé de la Rédemption du Monde, 1900 ans après la Passion du Sauveur. Je vois maintenant que l’œuvre de la rédemption est indissociable de l’œuvre de la miséricorde que le Seigneur exige. »

Un message encore actuel, alors que le pape François qui a institué un Jubilé de la Miséricorde en 2015-2016 s’apprête à présider aussi un Jubilé de la Rédemption, en 2025.

Faustine ajoute, à propos de la prédication sur le thème de la miséricorde, demandée par le Christ (PJ 417) : « J’ai assisté au sermon de mon confesseur. Ce sermon traitait de la miséricorde divine et il était le premier de ceux que Jésus exigeait depuis si longtemps. Lorsque mon confesseur a commencé à parler de l’infinie miséricorde du Seigneur, le tableau a pris un aspect vivant et les rayons pénétraient dans les cœurs des gens rassemblés, mais pas dans la même mesure. Certains en recevaient plus, d’autres moins. Mon âme a été inondée d’une immense joie quand j’ai vu la grâce de Dieu. »

Toute sa vie, notamment par des voyages à Rome, le père Sopocko, docteur en théologie, déploiera ses efforts pour faire connaître cette demande de Jésus. Il fera imprimer des brochures et des petites images du tableau. Mais les écrits de Faustine seront mis à l’index. On ne pourra pas non plus parler du tableau. Maria Winowska écrira pour cela un livre intitulé “L’icône du Christ miséricordieux” et non pas le “tableau”.  

Il faudra qu’un pape polonais soit élu au siège de Pierre – et qu’il choisisse Joseph Ratzinger à la Doctrine de la foi – pour que la diffusion des écrits de Faustine soit autorisée et que sa cause de canonisation aboutisse. Jean-Paul II dira que son héritage spirituel c’est la miséricorde divine. Et il consacrera le monde à la Miséricorde, à Cracovie, au nouveau sanctuaire de Lagiewniki, le 17 août 2002.

Le tableau de Cracovie

Notons que, pour son tableau réalisé en 1943, à Cracovie, en ex-voto pour la protection dont a bénéficié sa famille pendant le Seconde Guerre mondiale – la Miséricorde aide à traverser les tragédies ! -, un autre peintre polonais, Adolf Hyla (1898-1965), n’a pas eu accès à l’original ni aux indications de Faustine, décédée en 1938, ou du p. Sopocko. D’où des différences notables : Jésus tient ses yeux ouverts, les deux rayons sont séparés, le main droite est placée plus haut.

Mais certains estiment que l’existence de cet autre tableau voulant représenter Jésus Miséricordieux, a en quelque sorte “protégé” le tableau original, caché pendant trente ans (1956-1986) en Biélorussie, à Nowa Ruda, pendant l’occupation soviétique de la Lituanie. Le pensant à Cracovie, les services soviétiques ne chercheront pas l’original.

Alors, devant lequel des deux tableaux prier la Miséricorde divine ? Probablement devant celui qui parle le plus au cœur de chacun, selon sa sensibilité. A Faustine qui éclate en larmes après avoir vu le tableau de Vilnius achevé – “Seigneur tu es tellement plus beau !” (PJ 313) -, le Christ répond par ces paroles qui semblent s’appliquer à toutes les copies successives et peuvent rassurer les peintres : « Ce n’est ni dans la beauté de la couleur, ni dans le coup de pinceau que réside la grandeur de ce tableau, mais dans ma grâce. »

Pendant la période soviétique, des habitants de Nowa Ruda, où des Polonais l’avaient mis à l’abri, ont refusé de le retirer de leur église transformée en grange par l’occupant. Il ont prié devant le tableau pendant des décennies, sans en connaître l’origine. Lorsqu’un prêtre polonais est venu de Vilnius pour récupérer le tableau, après la chute du Mur de Berlin et la libération de la Lituanie, une copie leur a été offerte.

A Vilnius, l’archevêque d’alors, le cardinal Audrys Backis, fera restaurer le tableau ainsi que l’église de la Sainte-Trinité qui devait l’accueillir. Il a voulu que le tableau soit, comme l’a demandé Jésus à Faustine, accessible à tous, Polonais, Lituaniens, touristes, et passants de tous pays. C’est pour cela que le sanctuaire est accessible 24h sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an : un défi pour tout sanctuaire !

Plus encore, on peut prier à chaque heure du jour ou de la nuit connecté au sanctuaire de Vilnius grâce à une webcam, chaque jour de l’année.

Pour préparer le pèlerinage de la Miséricorde à Vilnius

Pour organiser les pèlerinages à Vilnius, un courriel : piligrimai@vilnensis.lt

NOTE

(1) Le Catéchisme de l’Église catholique définit ainsi un sacramental (§ 1667) : « La sainte Mère Église a institué des sacramentaux, qui sont des signes sacrés par lesquels, selon une certaine imitation des sacrements, des effets surtout spirituels sont signifiés et sont obtenus par la prière de l’Église. Par eux, les hommes sont disposés à recevoir l’effet principal des sacrements et les diverses circonstances de la vie sont sanctifiées. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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