Signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège, le 15 juillet 1801 (François Gérard) © WikiCommons

Signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège, le 15 juillet 1801 (François Gérard) © WikiCommons

La France fille ainée de l’Eglise – 22e partie

De l’horreur à l’espérance

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I Une longue Saint Barthélémy de catholiques 

« Un vainqueur qui fait mourir ses ennemis captifs est appelé barbare ! Un homme fait qui égorge un enfant qu’il peut désarmer et punir, parait un monstre ! Un accusé que la société condamne n’est tout au plus pour elle qu’un ennemi vaincu et impuissant ; il est devant elle plus faible qu’un enfant devant un homme fait… Le législateur qui préfère la mort et les peines atroces aux moyens plus doux qui sont en son pouvoir, outrage la délicatesse publique, émousse le sentiment moral chez le peuple qu’il gouverne… ». Ces paroles furent prononcées à l’assemblée constituante le 30 mai 1791 par Maximilien de Robespierre ! Ce qui ne l’empêchera pas de demander la mort immédiate et sans procès du roi Louis XVI à la Convention le 3 décembre 1792 : « Louis doit mourir, parce qu’il faut que la patrie vive… Pour lui je demande que la Convention le déclare dès ce moment traître à la nation française, criminel envers l’humanité. » Au nom d’une humanité sensible, Robespierre s’opposait un an plus tôt à ce qu’on mît des hommes à mort, il demeure logique et sensible en demandant qu’on élimine un criminel contre l’humanité et un roi en constitue le plus bel exemple, car sa nature même l’entraîne à commettre des crimes. C’est plus à cause de ce qu’il est que Louis XVI doit être mis à mort, ses actes n’ont aucune importance, ils découlent de son être, ce qui rend le procès inutile et de plus dangereux, car il supposerait que l’on doutât encore de la nocivité de ses actes, donc du caractère monstrueux et irrécupérable de son être même. 

Ainsi les prêtres non-jureurs seront désignés sous le nom de « fanatiques », et les Vendéens qui voulaient leur rester fidèles deviendront des « brigands », qualificatifs qui les placent parmi les criminels contre l’humanité, coupables de crimes de lèse-Nation Française, modèle, s’il en fut de l’humanité régénérée par la raison. Et comme dans les couches « vulgaires » de population, la sensibilité devient très vite sensiblerie, on passe facilement à la rage meurtrière. Ceux qui vont provoquer la chute du roi par la violence, parce qu’ils avaient bien compris qu’ils n’avaient pas d’autres moyens, vont habilement utiliser toute cette « mécanique » ! Le travail idéologique, antichrétien avait été accompli depuis plus de cinquante ans par les philosophes des Lumières. Le roi, avec son veto était l’obstacle à l’asservissement du clergé à l’idole Nation, alors on va supprimer le roi avec des méthodes propres à susciter la terreur. Le 10 août 1792 a lieu la prise des Tuileries avec le massacre des gardes suisses, tous tués dans des conditions abominables. Des femmes coupèrent leur sexe pour en faire des trophées et on se livra au cannibalisme en mangeant leur foie fricassé… et j’en passe. 

Et comme on se trouvait en guerre, on en profita pour arrêter dès le lendemain du 19 août tous les prêtres non- jureurs. Le 2 septembre, ils furent tous massacrés dans leur prison, aux Carmes, au nom de l’état de guerre. Sur cent cinquante prêtres prisonniers, cent quinze sont massacrés. Il fallait déjouer «  les complots de l’arrière ». Et il y aura d’autres massacres. Le ton était donné, on élisait de plus une nouvelle assemblée, la Convention, élue par moins de 10% de la population. L’assemblée législative, le 20 septembre, prit l’initiative de voter le divorce et l’interdiction des vœux perpétuels, le ton  était donné ! Le  lendemain, 21 septembre, la même Convention décrète l’abolition de la royauté et établit une république « baptisée » dans le sang des prêtres martyrs et dans la profanation du sacrement du mariage, des papes le rappelleront ; je mentionne ce détail pour certains catholiques qui semblent l’avoir oublié ! 

Une des premières préoccupations de cette assemblée est le sort du roi. Contrairement au vœu de Robespierre, il y aura procès, ou plutôt simulacre de procès. Quelques excellents livres, dont celui de Jean-Christian Petitfils, relatent très bien cet épisode peu glorieux de notre histoire. Je le résumerai d’une phrase de la plaidoirie de Romain Desèze s’adressant aux conventionnels : « Je cherche en vous des juges et je ne vois que des accusateurs ». Louis XVI fut guillotiné le 21 janvier 1793, non pour des actes mais pour ce qu’il était, roi (donc un monstre), fanatique (= catholique). 

Je crois maintenant utile et conforme au sujet que je veux traiter de donner quelques extraits de l’allocution que le pape Pie VI prononça le 11 juin devant ses cardinaux réunis en Consistoire et daté du 17 juin 1793, Quare lacrymae : « Vénérables Frères, comment Notre voix n’est-elle point étouffée dans ce moment par Nos larmes et nos sanglots ? N’est-ce pas plutôt par Nos gémissements que par Nos paroles qu’il convient d’exprimer cette douleur sans bornes que Nous sommes obligés de manifester devant vous en vous retraçant le spectacle que l’on vit à Paris le 21 du mois de janvier dernier. Le Roi très chrétien Louis XVI a été condamné au dernier supplice par une conjuration impie et ce jugement s’est exécuté… » Le pape évoque les différents malheurs que le roi a eu à supporter et arrive à son testament : « Quelle haute idée on y conçoit de sa vertu ! Quel zèle pour la religion catholique ! Quel caractère d’une piété véritable envers Dieu ! Quelle douleur, quel repentir d’avoir apposé son nom malgré lui à des Décrets si contraires à la discipline et à la Foi orthodoxe de l’Église. » Et continuant à décrire le roi, il note pour conclure une première partie « qu’on le calomniait dans les assemblées du peuple, non pour avoir commis un crime, mais parce qu’il était Roi, ce que l’on regardait comme le plus grand de tous les crimes. Et qui pourra jamais douter que ce monarque n’ait été principalement immolé en haine de la Foi et par un esprit de fureur contre les dogmes catholiques ? » Le pape poursuit par une dénonciation de la philosophie des Lumières et les funestes principes qu’elle a inspirés, comme la constitution civile du clergé, et il revient sur les motifs de sa condamnation à mort : « On s’est efforcé, il est vrai de charger ce Prince de plusieurs délits d’un ordre purement politique. Mais, le principal reproche qu’on ait élevé contre lui, portait sur l’inaltérable fermeté avec laquelle il refusa d’approuver et de sanctionner le décret de déportation des prêtres, et la lettre qu’il écrivit à l’évêque de Clermont pour lui annoncer qu’il était bien résolu de rétablir en France, dès qu’il le pourrait, le culte catholique. Tout cela ne suffit-il pas pour qu’on puisse croire et soutenir sans témérité, que Louis fut un martyr ? … Sa mort fut votée en haine de la religion catholique ; de sorte qu’il parait difficile que l’on puisse rien contester de la gloire de son martyre… Nous avons la confiance qu’il a heureusement échangé une couronne royale toujours fragile et des lys qui se seraient flétris bientôt contre cet autre diadème impérissable que les anges ont tissé de lys immortels. » Et voici la conclusion : « C’est pourquoi, pour achever ce qui Nous reste à dire, Nous vous invitons au Service solennel que Nous célébrerons avec vous pour le repos de l’âme du Roi Louis XVI, quoique les prières funèbres puissent paraître superflues quand il s’agit d’un chrétien qu’on croit avoir mérité la palme du martyre, puisque Saint Augustin dit que l’Église ne prie pas pour les martyrs, mais qu’elle se recommande plutôt à leurs prières. »

D’autres martyrs catholiques vont suivre le roi sur l’échafaud ou dans les grandes répressions de groupes, les noyades de Nantes, les combats en Vendée dont la question religieuse fut la première cause, les fusillades de Lyon, etc. Les 21 et 26 octobre 1793, la Convention avait voté des lois permettant l’arrestation et la peine de mort appliquée immédiatement aux prêtres non jureurs, ou aux religieux (puisque les vœux étaient interdits, à peu près 1000 religieux et 200 religieuses sont rapidement exécutés). Jean Tulard indique que 30.000 ecclésiastiques quittèrent la France à ce moment-là, les évêques étant partis avec la noblesse dès 1790. (1) Le 25 janvier 1794, la Convention décida la déportation des prêtres en Guyane, et ils sont menés, à pied, dans des conditions souvent terribles, pour les plus âgés en particulier, dans des ports comme Rochefort, et Bordeaux. Beaucoup eurent droit aux sinistres pontons du bateau « Les Deux Associés », ancien navire négrier. Détenus dans des conditions effroyables, le typhus et le scorbut augmentèrent le nombre de morts, il fallut évacuer les vivants sur l’Île Madame pour éviter la contagion. On y mourrait très vite, de juillet à novembre 1794, sur 83 malades débarqués, 36 sont morts quelques heures après. On déportera  aussi réellement en Guyane au cours de voyages très meurtriers, pour y faire vivre les rescapés dans des conditions très difficiles, et tout cela ne s’arrêta pas avec la chute de Robespierre, le 28 juillet 1794. 

 

Il De la guillotine humide à la guillotine sèche 

Le Directoire fut en fait plus antichrétien, surtout à cause d’un des Directeurs, Louis Marie de La Révellière-Lépeaux, adepte du culte théophilanthrope. Ce culte que l’on pourrait qualifier de naturaliste, parce qu’il prétend obéir à la loi naturelle, venait d’un certain Jean-Baptiste Chemin, ami de l’abbé Claude Fauchet, qui sera évêque constitutionnel du Calvados, et il ne connaîtra de succès qu’après Thermidor, suite à l’échec des deux religions de remplacement du catholicisme, le culte de la Raison, et de l’Être Suprême. Il faut en dire maintenant quelques mots, car certains, pour des raisons diverses minimisent ou confondent les deux. Or cette question est loin d’être secondaire, parce qu’au travers de ces deux cultes, elle montre la volonté des révolutionnaires de déchristianiser la France. 

Dans l’ordre chronologique, c’est le culte de la Raison qui est apparu en premier dès 1793, il se présente d’emblée comme anticatholique parce que toujours précédé de défilés grotesques, ridiculisant le catholicisme, âne revêtu d’une chasuble, et de divers ornements ecclésiastiques, un calice ou un ciboire attaché à la queue, et on se rendait dans une église, anciennement catholique, pour y célébrer les vertus de la liberté et de l’égalité, au travers des « premiers martyrs » de la République, Lepelletier de Saint-Fargeau puis Marat, ou de ses « prophètes » comme Voltaire « panthéonisé », la déesse Raison apparaissait dans le chœur sous la forme d’une beauté féminine, une danseuse classique en général. Pour Paris, la première cérémonie eut lieu à Notre Dame, devenue Temple de la déesse Raison, avec l’accord de l’évêque constitutionnel Gobel, organisée par Pierre Gaspard Chaumette, ami d’Hébert, et ce, le 10 novembre 1793. Exceptionnellement ce fut la femme de l’imprimeur Momoro, lui aussi ami d’Hébert, qui jouera le rôle de la déesse et qui fut portée en triomphe à la Convention pour inviter les députés à venir participer à ce culte, ce qu’ils firent ! Or ce culte de la Raison était manifestement athée, comme tous ses protagonistes. Avant cette fête, le 7 novembre, Jean-Baptiste Gobel, évêque constitutionnel de Paris, était venu en bonnet rouge à la Convention, mitre et crosse à la main, se démettre de ses fonctions qu’ils jugeaient désormais inutiles ! 

Robespierre n’apprécia pas, il préparait le culte déiste de l’Être Suprême, impliquant un dieu créateur et l’immortalité de l’âme. Ce culte était le garant de la morale et de la vertu, auxquelles il tenait tant. Il nécessitait aussi le maintien d’un minimum de sens du sacré à la mode de Jean-Jacques Rousseau. Robespierre va donc réagir dès le 5 février 1794 dans un grand discours à la Convention le 5 février 1794, ayant éliminé les Girondins en mai 1793, Barnave et Philippe Égalité en novembre 1793. Il ne restait plus que les athées extrémistes, Hébert et ses amis, puis Danton et les siens, mais ce sera chacun son tour. Robespierre pouvait utiliser les derniers contre les premiers et évitant ainsi une alliance objective des deux partis contre lui. Il commença ainsi « Nous voulons en un mot, remplir les vœux de la nature, accomplir les destins de l’humanité, tenir les promesses de la philosophie, absoudre la Providence du long règne du crime et de la tyrannie. » (2) « Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu. » (3) Le 7 mai 1794, il pourra poursuivre son propos à la Convention (Hébert et ses amis étant guillotinés) : « L’idée de l’Être Suprême et de l’immortalité de l’âme est un rappel continuel à la justice ; elle est donc sociale et républicaine. » (4) Que cela déplaise ou non, le culte de l’Être Suprême est inséparable de son programme politique. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait appel à Gossec, un des plus grands musiciens français de son temps, pour composer l’hymne. Quant aux paroles, elles ne sont pas à la hauteur de la partition, j’ai essayé d’expliquer pourquoi (5) mais elles expriment bien sa pensée. 

La fête du 4 juin ne fut qu’un demi succès, c’est à dire un échec pour Robespierre. Il tomba malade, fut absent du comité de salut public et revint subitement, fut extraordinairement malhabile dans son discours et par son attitude et il se perdit en vingt-quatre heures ! Bonaparte, ami de son frère, fut témoin de cette chute qui, grâce à Barras, ne lui fut pas fatale mais utile. Bonaparte put mesurer à la fois la faute de Robespierre et la faiblesse du nouveau pouvoir qui devait sans cesse avoir recours à ses généraux. Il fut le « général Vendémiaire » (celui de la répression contre les royalistes), il constata l’inanité du Théophilothranpisme comme religion d’État, mais constata que les grands dirigeants politiques qu’il avait connus croyaient à la nécessité de la présence d’une religion dans la société, dans le but d’aider à maintenir l’ordre et un minimum de morale. Il va être témoin de la première séparation de l’Église et de l’État votée par la Convention thermidorienne le 21 février 1795, mais oh combien ambiguë ! Cette première séparation ramenait en fait à la liberté de culte, au « prix » de n’en subventionner aucun. Mais concrètement cela avantageait le catholicisme, jureur ou non, l’évêque Grégoire avait été à la manœuvre.

 

IlI « Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte » (Victor Hugo)

Quand Bonaparte se trouva en guerre en Italie, il agit en militaire remarquable mais aussi en politique habile. Dans le temps où il écrivait à La Reveillière-Lépeaux, Directeur très anticatholique, en lui parlant de la prêtraille, il traitait avec beaucoup d’égards le Saint-Père dans sa correspondance avec le Cardinal Mattéi (6). Le 2 février 1797, Bonaparte était maître de l’Italie du Nord et avait les mains libres pour le centre. A-t-il été sommé d’en finir avec le Saint-Siège, comme le laisse entendre Jacques Bainville dans son « Napoléon » ? (7). Il ne le fit pas et signa même avec le pape Pie VI le traité de Tolentino le 19 février 1797. Cet accord coûta cher à la papauté en œuvres d’art, en argent et en territoires (perte d’Avignon et du comtat Venaissin, et d’autres territoires italiens). Mais Rome n’est pas occupée militairement et le pape garde des États, ce qui n’a pas dû être simple à obtenir de certains Directeurs parisiens, mais il fallait que l’armée de Bonaparte pût marcher contre l’Autriche. Il semble bien aussi que dès cette période, le général de l’armée d’Italie ait senti grandir ses chances politiques. D’après Bainville, il se serait même rallié l’évêque d’Immola, le cardinal Chiaramonti, futur Pie VII. En tous cas, il n’a pas exercé de représailles sur les prêtres émigrés français de la région et aurait même visité un chanoine de sa famille nommé Bonaparte à San Miniano (8). 

Ce qui ne l’avait pas empêché, quelques temps auparavant de menacer de fusiller le cardinal archevêque de Ferrare devant ses soldats, tous républicains révolutionnaires ! Le traité de Campo Formio qui va apporter la paix donnera aussi au général Bonaparte sa gloire, que son éloignement en Égypte ne fera pas oublier. Le 18 Brumaire sera à la fois une consécration, et un début, car il va lui falloir établir un pouvoir exécutif fort, contre son allié du moment Sieyès, incorrigible dévot de constitutions dominées par des assemblées ! Elles subsisteront, et il faudra compter avec, nous le verrons. 

Le pouvoir du Premier consul de la République sera très largement prépondérant sur les deux autres, mais il faudra tenir compte de l’existence des différents conseils et assemblées du Consulat. Depuis le 17 octobre 1797, traité de Campo-Formio, consacrant la victoire sur l’Autriche après des batailles qui lui ont valu sa renommée et gloire, Bonaparte sait que son succès, son arrivée au pouvoir et maintenant sa consolidation, dépendent de son action victorieuse et pacificatrice. Or l’Autriche, bien qu’abandonnée par la Russie mais soutenue financièrement par l’Angleterre, a repris les hostilités. Une armée de 120.000 hommes est à la frontière est et les territoires italiens conquis au moment de la paix de Campo-Formio sont repris par les Autrichiens. Bonaparte doit donc prendre le risque de quitter Paris pour aller se battre en Italie. Le 14 juin 1800, il remportera la victoire de Marengo qui assoira son pouvoir mais montrera aussi à quel point la trahison le guette. Cette incontestable victoire commença en effet pendant plusieurs heures à ressembler à une défaite, que certains imprudents croiront définitive, dévoilant leurs intentions. Mais l’arrivée du général Desaix sur le champ de bataille changea tout. Le Premier consul revint en vainqueur à Paris, saura tout mais n’en profitera que pour consolider son pouvoir en accélérant la paix intérieure, liée à la paix religieuse. Et dans le personnel politique français d’alors on était loin de réunir l’unanimité sur cette question. Un petit retour en arrière s’impose.

Une des raisons qui avait provoqué la deuxième coalition venait des troubles en Italie après le départ de Bonaparte. Lors d’une émeute antifrançaise, le général Duphot fut massacré à Rome. C’était quelqu’un de connu, proche de Joseph Bonaparte, ambassadeur à Rome, personnalité curieuse (9), sorti du rang, fait général de brigade, futur époux de Désirée Clary, ex promise de Bonaparte, et effectivement massacré lors d’une émeute antifrançaise. Berthier eut l’ordre du Directoire d’occuper Rome et de le venger. En plus des représailles habituelles, il arrêta le pape et entreprit de le ramener en France. Auparavant la république romaine a été proclamée le 15 février 1798, le pape est « déposé » de son pouvoir temporel. Pie VI a 81 ans, il est malade et demande la grâce de pouvoir mourir à Rome ; Berthier, futur Maréchal d’empire et qui devait être dans ses mauvais jours, lui répondit qu’on pouvait mourir partout, et il fut emmené hors de la ville. Mais la guerre de la deuxième coalition faisant reculer les armées françaises, on recula avec le pape. Il passa les Alpes sur une civière, pour traverser Briançon, Grenoble et arriver à Valence où il mourra d’épuisement dans un cachot. Il sera enseveli dans le cimetière de la ville sans aucun service religieux. Avec Louis XVI, il figure selon moi parmi les grands martyrs de la Révolution. Après Marengo, Bonaparte est le dirigeant incontesté de la république française, le 24 décembre 1801, le corps de Pie VI est transféré à Rome et le 10 février 1802, son successeur Pie VII célèbre ses funérailles dans la basilique Saint Pierre. Les relations entre la République et Rome se sont normalisées.

 

IV Pas de paix intérieure en France, sans paix religieuse : le Concordat 

Une des grandes qualités de Napoléon Bonaparte fut d’avoir compris cela très vite. Mais, pour ce qui concerne la Vendée, où la guerre continuait et où la question religieuse avait joué un rôle important, il ne pouvait pas agir dans la précipitation après le coup d’État du 9 novembre 1799. D’autant plus qu’il y avait eu une tentative ratée avec Hoche qui s’était soldée par l’exécution de Stofflet le 25 février 1796, ce qui avait durci les positions ! (10) Dans cette très difficile affaire, Bonaparte allait manifester deux de ses grandes qualités, qui font à la fois le grand stratège militaire et l’homme politique efficace : le choix sûr de bons collaborateurs et interlocuteurs, la rapidité réfléchie dans l’action ! 

D’abord il choisit comme conseiller l’abbé Bernier, ancien curé de Saint Lau, non-jureur, qui s’était lié à l’insurrection vendéenne dès le début et y avait acquis une grande notoriété, qui fut forcément sujette à contestation et polémique dans cette ambiance particulière ; il avait compté parmi les négociateurs du temps de Hoche et surtout était en contact avec les émigrés royalistes. L’intelligence de Bonaparte consista à ne pas tenir compte des opposants à Bernier pour ne voir en lui que l’homme influent, le plus au fait du problème vendéen. C’est ainsi que le 26 décembre, un peu plus d’un mois après sa prise du pouvoir (pas encore tout à fait assurée) il reçut au château du Luxembourg à Paris, Hyde de Neuville, dirigeant « l’agence anglaise » de Paris (11). Il venait au nom de l’intrépide chef chouan d’Andigné qui avait organisé la rencontre avec Talleyrand ! Il y eut plusieurs accords importants sur l’exemption de conscription, la remise d’impôts impayés, des restitutions de terres. Et quand le 10 janvier 1800 Bonaparte demanda de déposer les armes, il fut obéi, rien n’avait été officiellement dit sur le culte, mais il était libre entièrement (12). 

Après Marengo, Bonaparte a senti qu’il pouvait aller plus loin : vainqueur le 14 juin, il fit chanter un Te Deum dans la cathédrale de Milan à l’étonnement de beaucoup, Italiens comme ses propres soldats ! Et c’était là un essai doublement astucieux, les troupes françaises n’aimant pas « les capucinades », à l’inverse des Italiens… et Rome n’étant pas loin pouvait le voir. Pour en être totalement sûr, Bonaparte rencontra le cardinal Martiniana, évêque de Verceil en Piémont, et le choisit comme messager auprès du pape Pie VII tout nouvellement élu pour lui faire part de son désir de négociation. Le pape accepta et envoya comme négociateur à Paris monseigneur Spina qui arriva à Paris le 3 novembre 1800.C’était un choix judicieux, car cet ecclésiastique avait accompagné Pie VI dans son exil ; à l’arrêt de Florence, il fut sacré archevêque de Corinthe in partibus et accompagna le pape jusqu’à sa prison de Valence. Il le soigna même, et il lui ferma les yeux. Il avait tenté en vain de ramener le corps à Rome, ce qui lui avait permis de se rendre compte sur place de la haine anticatholique du Directoire et de voir aussi à l’extérieur, dans Valence et les environs, comment la religion était traitée en France : il était un négociateur tout désigné pour rencontrer le chef du nouveau pouvoir à Paris. 

Bonaparte n’avait pas été en reste pour choisir le personnage idoine que l’envoyé du pape ne découvrit qu’à son arrivée : c’était l’abbé Bernier, qui avait lui aussi vécu les expériences tragiques dues à la révolution. Il avait réussi dans l’affaire de Vendée, c’était une preuve pour le Premier Consul ; cela dit, il devait travailler secrètement avec Talleyrand, car derrière Spina, il y avait la diplomatie pontificale ! Les discussions vont durer plusieurs mois, puisqu’elles se termineront le 15 juillet 1801 avec la signature du gouvernement français et pour le pape le 15 août avec la bulle Ecclesia Christi. 

Sans entrer dans les détails, il vaut je crois la peine d’évoquer les plus graves difficultés qui vont trouver des solutions qui comptent encore aujourd’hui. Le premier problème était la démission de tous les évêques, demandée par le Premier Consul, les jureurs comme les non-jureurs. Politiquement c’était logique dans le plan de Bonaparte qui voulait réunir ceux qui s’étaient combattus pendant la Révolution et compte tenu des violences, cela n’était pas possible pour tous. Il n’était pas opposé à ce que certains pussent revenir, et il le prouvera, nous le verrons. Mais le gouvernement voulait choisir en fonction de l’ordre public. Pour le pape, la question était plus compliquée pour les évêques non- jureurs seulement, ceux-ci n’ayant commis aucune faute. Monseigneur Spina ne manqua pas de plus de faire remarquer à l’abbé Bernier que cela constituerait « une première » dans l’histoire que de voir le pape demander à des évêques de tout un pays de démissionner sans que le Saint-Siège n’ait de griefs contre eux ; pour les autres, évêques constitutionnels ou évêques mariés, ce n’était pas très facile non plus, mais il ne s’agissait que d’une question de rédaction ! Spina va résister, mais voyant que Bonaparte était inflexible sur cette question, il allait proposer une voie plus douce, une simple exhortation du pape. Mais Bonaparte ne céda rien et l’article III ne fut pas modifié, je le cite « Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évêchés français qu’elle attend d’eux, avec une ferme confiance, pour le bien de la paix et de l’unité, toute espèce de sacrifices, même celui de leurs sièges. D’après cette exhortation, s’ils se refusaient à ce sacrifice commandé par le bien de l’Église (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s’attend pas), il sera pourvu, par de nouveaux titulaires, au gouvernement des évêchés de la circonscription nouvelle, de la manière suivante… ». 

Et sur ce point précis le pape publia le bref Tam multa qui fut envoyé à tous les évêques français, leur intimant l’ordre de démissionner « dans l’intérêt de l’unité de l’Église et du rétablissement de la religion catholique en France ». Ils devaient envoyer dans les dix jours une réponse définitive « absolue et non dilatoire », faute de quoi le Saint-Père passerait outre. Le pape aurait souhaité voir le catholicisme déclaré religion d’État, ce qui était un juste souhait de sa part, mais parfaitement impossible après ce qui s’était passé à la Révolution. Bonaparte trouva la formule qui convenait à l’époque et qui fut acceptée par le pape. Restait la question de la spoliation des biens du clergé, une question d’argent, toujours négociable, et la bonne solution fut trouvée par la prise en charge par l’État des traitements du clergé, dans des conditions beaucoup plus honorables que celles qu’offrait la constitution civile de 1790. Un accord fut trouvé sans trop de difficultés, parce que les deux partie savaient qu’il était impossible de remettre en cause l’acquisition des biens nationaux. Cela avait demandé du temps et si le 19 mai 1801, le Premier Consul envoya une sorte d’ultimatum à Rome, avec la menace à peine voilée d’occuper les États pontificaux, c’est qu’on avait de la peine à signer l’ensemble, surtout à cause de l’affaire de la démission des évêques. On peut facilement deviner que Talleyrand pour toutes sortes de raisons n’apportait pas à Bernier toute l’aide nécessaire. Il avait dû facilement deviner que l’abbé avait de l’ambition, ce qui d’ailleurs lui avait valu des ennuis durant la chouannerie mais qui faisait bien l’affaire de Bonaparte et de Talleyrand, qui avait l’expérience de la « chose ». 

Aussi Pie VII, ancien moine bénédictin mais pourvu de la grâce d’état, décida d’envoyer Consalvi à Paris, pro-secrétaire d’État (n’étant pas encore cardinal), pour aider Spina contre un Talleyrand qu’il sentait bien agir dans l’ombre. Le choix était encore excellent, cet homme qui ne fut jamais prêtre était un serviteur dévoué de la papauté. Il avait « goûté » des prisons du château Saint-Ange lors de l’occupation de Rome par Berthier. Il avait essayé de rejoindre Pie VI dans son exil. Mais avait dû se réfugier à Naples. 

Secrétaire du conclave de Venise, il avait su convaincre les cardinaux d’élire l’évêque d’Immola, le cardinal Chiaramonti, qui lui avait immédiatement donné de grandes responsabilités ; il les conserva jusqu’à sa mort, car dans ces circonstances particulièrement difficiles, ils ne se trompa jamais ! Il n’eut pas de peine à convaincre Pie VII d’accéder à la demande du Premier Consul sur la question de la démission des évêques. Les politiques français et leurs alliés gallicans de l’heure ne virent dans cette affaire qu’un règlement de comptes aux dépens d’évêques d’ancien régime, pas assez gallicans, risquant de ne pas être assez « souples » vis-à-vis du nouveau pouvoir. 

Consalvi vit plus loin, à savoir une victoire inespérée de l’ultramontanisme, puisque le pape, à la demande du gouvernement français, exerçait sa juridiction immédiate sur l’Église catholique en France, puisque ce gouvernement lui demandait puis l’aidait à faire démissionner sans discussion ni recours des évêques français ! Les chambres n’y firent aucune objection. Elles savaient qu’on allait leur présenter des articles organiques qui allaient renforcer le contrôle de l’État sur l’Église, mais cela leur suffit, parce qu’elles voyaient à court terme, au contraire de Consalvi et de Pie VII. Certes, les articles organiques de 1802, préparés par Portalis, ne furent pas négociés avec Rome, ce qui les fit rejeter par le Saint-Siège. Mais pas au point de rompre le Concordat signé un an plus tôt dans des conditions assez rocambolesques, surtout à la fin (13). Qu’était-ce que l’abandon par le pape du droit de déposer un souverain (c’était de fait impossible à cette époque) et de voir le gouvernement nommer les évêques, qui cependant ne pouvaient « fonctionner » qu’avec la bulle papale d’investiture (ce qui se faisait en France sous l’Ancien Régime et dans l’empire autrichien), à côté de la possibilité pour le pape de faire démissionner les évêques de tout un pays, en dix jours sans recours possible ? Aucun parlement d’Ancien Régime n’aurait accordé une pareille clause ! 

Les assemblées du Consulat, rassurées par les articles organiques ne bronchèrent pas. Bien sûr le pape protesta contre les articles organiques, pour la forme, mais, je le répète, ne prit pas de sanctions. En 1804, il hésita à se rendre au sacre de celui qui était devenu l’empereur Napoléon. C’est encore Consalvi, devenu cardinal secrétaire d’État qui le convainquit de s’y rendre. Mais attention, il n’avait jamais été question qu’il aille sacrer l’empereur, ni surtout le couronner. Napoléon connaissait bien l’histoire de France. En quête de légitimité, il voulait un sacre, mais ne souhaitait pas apparaître comme un usurpateur, ce qui se serait passé, s’il était allé à la cathédrale de Reims. Il créa quelque chose de nouveau en choisissant Notre-Dame, proposée déjà à Louis XVI, mais qui quelques siècles auparavant avait été choisie par l’usurpateur anglais, osant utiliser les lys. Lui prit les abeilles de Chilpéric, père de Clovis, première race de nos rois, reçut les onctions différemment, trois seulement, le front et les deux mains, et se couronna lui-même, comme voulait le faire Charlemagne. Le pape ne portait pas les vêtements pontificaux de célébrant, il était comme David l’a représenté dans son tableau, ce qui lui a permis de quitter son trône aux moments où l’empereur  prononçait des serments non conformes au Concordat. Le pape qui resta un certain temps en France put constater qu’il était très populaire, tout comme Pie VI l’avait été à Valence avant d’y mourir. Il avait pu, de plus imposer la veille du sacre le mariage religieux entre l’empereur et Joséphine.

 

V Le Concordat à l’épreuve de la politique impériale 

Je reviens sur les articles organiques « accompagnant » le Concordat, ils ont donné lieu à de grandes polémiques et constituèrent une des causes de la séparation de 1905. Ils furent présentes le 8 avril 1802 au Corps législatif (une des trois assemblées de la Constitution de 1799, établissant le Consulat), cette assemblée votait sans discuter ; auparavant, le Tribunat avait discuté sans pouvoir voter : ainsi le voulait la Constitution. Mais cette assemblée muette et qui vote était composée en partie d’anciens membres d’assemblées « parlantes » de la Révolution, qui communiquaient bien sûr avec le Tribunat, en bons professionnels du complot. Et sur une question aussi sensible que l’affaire religieuse le Premier Consul les craignait. 

Le préambule du Concordat, pour cette époque précise, était pire qu’une couleuvre à avaler… c’était un boa ! Qu’on en juge «  Le gouvernement de la République reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des citoyens français. Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore en ce moment le plus grand bien et le plus grand éclat de l’établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu’en font les Consuls de la République. » C’est ce qui explique l’existence même des articles organiques et leur contenu. C’est le grand juriste Portalis qui fit le travail, ajoutant à l’organisation du culte catholique, celle des cultes réformés et luthériens. Bonaparte voulait un protestantisme uni à la mode prussienne, Portalis et quelques Alsaciens l’en dissuadèrent. Pour les catholiques, le texte reprenait le gallicanisme du Concordat de Bologne en y ajoutant même la déclaration du clergé de 1682, qui faillit mener Louis XIV à l’excommunication ! 

Et je pense que c’est là que Pie VII et Consalvi manifestèrent tout leur génie. Le Saint-Siège fit connaître son refus des articles, pour le motif qu’ils n’avaient pas été négociés. Mais il ne remit pas en cause le Concordat. Cependant, le pape en 1804 montra peu d’empressement à venir au sacre, laissant entendre son absence. Bonaparte se risqua à faire croire à une négociation possible sur les articles organiques. Consalvi, qui était alors cardinal secrétaire d’État conseilla au pape d’y aller, mais, opinion personnelle, je ne crois pas qu’il ait eu la moindre illusion sur la sincérité de Bonaparte. Il voulait simplement consolider ce qui avait été acquis en 1801 et pour cela il fallait que le nouvel empereur constatât de ses yeux la puissance que détenait encore le pape, qui reçut effectivement un accueil enthousiaste du peuple. Car de plus, comme l’écrit très justement Jean Tulard « la victoire de Bonaparte sur Rome était plus précaire… » (14) et il importe de lire, dans son ouvrage exceptionnel, son développement sur ce point précis. Le gallicanisme n’avait effectivement aucun avenir, privé du roi sacré à Reims ! Sur la durée, c’est le Saint-Siège qui, dans les faits, l’emporterait. Le pouvoir choisissait les évêques, soit, mais il allait vite se rendre compte que pour obtenir l’investiture canonique, il valait mieux être en bons termes avec Rome. 

Les textes pontificaux ne s’appliqueraient que sur accord du gouvernement, bulle, brefs, encycliques etc… Soit ! Mais comme le Saint-Siège ne reconnaîtra jamais les articles organiques et continuera à publier des textes normatifs pour toute l’Église catholique, qu’importe que le gouvernement les ait acceptés ou non. Comme il n’y avait eu ni négociations ni accord, le peuple catholique se passerait de l’accord gouvernemental. Les textes du pape s’appliqueront dans l’Église en France, et automatiquement ! 

Si la France connut de nouveaux ennuis avec Rome, le motif fut purement politique et lié au blocus continental, auquel le pape refusait d’adhérer pour ne pas prendre parti dans la guerre. D’ailleurs la méthode du blocus était discutable en elle-même, sur le plan politique pour une efficacité à long terme !  L’imposer au pape relevait de l’erreur politique. Après avoir obtenu le renvoi de Consalvi, qu’à tort Napoléon considérait comme un ennemi, il fit envahir les États pontificaux par les troupes françaises le 21 janvier 1808 et ils seront annexés à la France le 16 mai 1809. Le 10 juin le pape répondit par la bulle Quum memoranda, excommuniant « tous les responsables des attentats commis à Rome et dans les États de l’Église contre les immunités ecclésiastiques et contre les droits même temporels de l’Église et du Saint-Siège ». Personne n’était nommé, ce qui rendit tout de même l’empereur furieux, l’entraîna à traiter le pape de fou qu’il faut enfermer. Il le fit arrêter le 6 juillet et transférer à Savone où il fut fort bien traité, mais de lui-même se comporta en prisonnier allant jusqu’à laver son linge ! (15) Il y restera jusqu’au 9 juin 1811 et pendant ce temps n’investit aucun évêque proposé par l’empereur. De plus, Napoléon devait faire constater la nullité de son mariage avec Joséphine pour épouser l’archiduchesse Marie-Louise, il devra se contenter du jugement de l’officialité de Paris. Il réunira alors malgré lui un concile national, qui voudra tout de même envoyer une délégation à Savone pour s’assurer de l’approbation du pape, et celle-ci ne correspondra pas à la soumission qu’attendait l’empereur, d’où l’idée de faire habiter le pape à Paris, dans l’Île de la Cité (16), Napoléon connaissait bien son histoire de France, je le répète… mais en attendant ce sera Fontainebleau, car Napoléon était  en Russie. Il reviendra en vaincu, ce qui ne l’empêchera pas de proposer un nouveau concordat, s’ajoutant en quelque sorte à l’autre ou le remplaçant, selon les points de vue (ce texte avait la dénomination « d’articles devant servir de base à un arrangement définitif »). 

L’élément nouveau et important était la possibilité donnée à l’évêque métropolitain de conférer l’ordination épiscopale à un prêtre candidat du gouvernement, six mois après la notification au Saint-Siège et sans réponse de sa part. Le pape avait signé cela le 25 janvier 1813 après six jours d’entrevue. Napoléon s’empresse de faire publier le texte comme loi d’empire, ce qui indisposa le pape qui, le 24 mars 1813, aidé des conseils de Consalvi, fit connaître sa rétractation à l’empereur et de nouveaux entretiens eurent lieu entre les deux hommes, Pie VII ne céda rien, c’est là qu’il prononça sur l’empereur ces deux mots « commediante… tragediante ». Le 21 janvier 1814, Napoléon faisait reconduire le pape à Savone, puis à Rome le 10 mars. On en resta donc au texte de 1801, ce que Napoléon tiendra à exprimer au pape pendant les cent jours ! Et cela durera jusqu’en 1905. 

 

VI Le Concordat au travers des différents régimes politiques français 1814-1851

La première restauration va se faire dans des circonstances difficiles, parce que gênée par les cent jours qui compliquèrent les conditions de paix, mais qui achevèrent peut-être d’ouvrir les yeux du roi sur ce qu’était la France qu’il retrouvait. La remise en cause du Concordat de 1801 se fit sous le ministère du duc de Richelieu qui était resté auprès de Louis XVI jusqu’aux limites du possible et qui avait dû émigrer. Il servit surtout en Russie, sans jamais vouloir combattre des Français (comme Louis Philippe, d’ailleurs). Il sut gagner la totale confiance du tsar. Son appui lui sera utile pendant son ministère en France, car le 24 septembre 1815, il fut nommé président du Conseil et ministre des affaires étrangères. C’est lui qui va donc avoir à régler la question religieuse que Louis XVIII avait soulevée en 1817 et qui fut, à mon avis, la seule faute de ce règne. 

La Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 comportait dans son article 6 « cependant la religion, catholique, apostolique et romaine est la religion de l’État », précédé de l’article 5 « chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection », et l’article 7 précisait « les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine et ceux des autres cultes chrétiens reçoivent seuls les traitements du trésor royal ». On avait heureusement évité l’expression « religion d’État », et les conseillers protestants , choisis par Louis XVIII furent écoutés. Boissy d’Anglars avait été clair « une religion d’État est une religion dominante, et une religion dominante devient une religion persécutrice ». Le roi avait été sage en tenant compte de cet avis et en l’encadrant de dispositions rassurantes pour les non-catholiques, mais un doute avait été réveillé, qui se changera en certitude dès qu’on entendra parler de suppression des articles organiques ! Car dans l’entourage du roi se trouvaient des évêques qui avaient refusé la démission de 1801 et qui avaient constitué la petite église, schismatique, qui n’eut d’influence que dans une toute petite partie de l’ouest de la France. Ce sont eux qui poussèrent le roi à demander au pape la suppression du Concordat de 1801 et le retour au Concordat de Bologne de 1516, qui commençait par rétablir 135 évêchés. 

Je cite deux noms parmi ces Excellences, Cortois de Pressigny, ancien évêque de Saint-Malo, non jureur revenu en France en 1801 et qui avait refusé de donner sa démission au pape. Il attendra 1816, et il sera un des premiers à être envoyé à Rome pour négocier. Et monseigneur de Salamon, qui avait été nonce clandestin pendant la Terreur et qui avait failli être massacré en septembre 1792, fut lui aussi de la partie ;  comme pour son confrère de Saint-Malo, il fallait tout supprimer de la Révolution et de Napoléon et revenir à… François Ier et Léon X ! Pourtant, saisi de l’affaire, le duc de Richelieu écrivait en 1816 que « le nombre de 135 diocèses n’était pas nécessaire aux besoins des fidèles. Leur entretien entraînerait des dépenses que ne permet pas notre situation actuelle, et la dignité épiscopale sera d’autant plus considérée qu’on la prodiguera moins. Nous désirons ne voir effectivement rétablir que 80 à 90 évêchés, et ce nombre pourrait suffire à notre position. » (17) 

Le comte de Blacas, ambassadeur à Rome, n’avait pas la partie facile et une connaissance fort incomplète de la question. Ses deux interlocuteurs, Pie VII et Consalvi, eux très au fait de la situation et n’ayant pas tellement envie d’abandonner un Concordat qui avait fait ses preuves, profitèrent de la situation pour faire monter les enchères. Puisqu’on voulait supprimer l’accord de 1801, et revenir à ce qui existait en 1789, il fallait supprimer aussi le traité de Tolentino, arraché à Pie VI, rendre Avignon et le comtat Venaissin, revenir sur la question financière et remplacer les salaires des prêtres pour une dotation globale, enfin supprimer les articles organiques ! Blacas s’engagea dans cette voie totalement irréaliste pour aboutir à la signature le 11 juin 1817 d’une convention entre le Souverain Pontife Pie VII et Sa Majesté Louis XVIII, roi de France et de Navarre. 

L’article 1 rétablissait la Concordat de Bologne, le 2 supprimait celui de 1801 et le 3 les articles organiques « en ce qu’ils ont de contraire à la doctrine et aux lois de l’Église. » Le 4 envisage le rétablissement de sièges supprimés en 1801, l’article 8 supprime les salaires du clergé et les remplace par des bien-fonds, voilà pour les principaux articles, il y en a 14 en tout. Et il faut se souvenir que dans la Charte le catholicisme est qualifié de « religion de l’État ». Le texte ne pouvait rencontrer qu’une très vive opposition de gens de tous bords. Le gouvernement, conscient de l’effet désastreux d’un tel projet, n’osa jamais le faire valider. Mais sous le règne de Charles X, à cause de certains « excès de dévotion » de l’entourage royal, on s’ en souvint et cela accrédita le rôle d’un supposé « parti prêtre » qui contribua à la chute de Charles X en 1830. Pourtant, le roi, lors de son sacre de 1825 à Reims, avait fait supprimer la promesse du « bannissement des hérétiques », mieux, il avait invité les « ministres protestants », leur demandant d’être vêtus comme les nobles laïcs et non comme des membres d’un clergé. C’était un début ! Très mal conseillé et aussi trahi, le roi ne joua pas le jeu parlementaire et il fut contraint de partir. Son cousin lui succéda sous le nom de Louis Philippe 1er et marqua une rupture avec la monarchie précédente en ne s’appelant pas Philippe VII et en supprimant le préambule de la Charte. Elle n’était plus « octroyée ». Pour la religion, il revenait pratiquement à l’empire. La religion catholique était reconnue comme «  professée par la majorité des Français ».

Mais dès les premiers jours du nouveau règne, il y eu des manifestations anticléricales. On envahit l’archevêché de Paris après les Tuileries, et l’église Saint-Germain l’Auxerrois, paroisse des rois de France, fut profanée. L’Église était perçue comme liée au retour à l’Ancien Régime, donc à l’État tel qu’il était compris pour l’opinion publique en 1830. Les nominations d’évêques avaient été très politiques de 1815 à 1830 (ce que Napoléon avait évité en grande partie, par d’habiles panachages). Louis Philippe aura la sagesse de reprendre cet exemple autrement. Il y sera aidé par le facteur « temps » pour la disparition d’évêques et de prêtres mêlés aux troubles révolutionnaires. En 1830, tout le clergé de France a rajeuni, du fait de la loi naturelle, et on comptera moins de décès. Si bien que la première restauration voit le nombre de prêtres s’agrandir de 4655, la monarchie de juillet de 6372. 

L’environnement voltairien de cette dernière suscite une réaction chez les catholiques. Ne pouvant plus se reposer entièrement sur le gouvernement, ils comprennent qu’ils doivent être généreux. Et les évêques étant nommés par un pouvoir qui, ni dévot ni intéressé par « l’Église tant spirituelle que politique » s’en remit au cursus ecclésiastique pour choisir des évêques, ceux-ci étaient très instruits et avant tout préoccupés du gouvernement spirituel. Ils vont comprendre tout de suite l’importance de l’enseignement, ouvrir des écoles et des séminaires (j’emprunte ces chiffres et une partie de ces considérations à Charles Henri Pouthas, Revue D’histoire de l’Église de France, 1943). Les fidèles fortunés leur en donnaient les moyens. Ils peuvent recevoir legs et dotations en tout genre sans entrave du Conseil d’État. Les congrégations aussi en profiteront et pourront avoir une action charitable efficace. Ce n’est donc pas un hasard si la première révolution de 1848 ne fut pas antireligieuse, et que l’Église vit sa puissance augmenter en matière d’enseignement, car le second empire fera en gros la même politique que Louis-Philippe. Il n’est donc pas étonnant de retrouver la querelle scolaire en première ligne au début véritable de la troisième République, après le départ de Mac-Mahon, car l’instruction publique était redevenu un signe évident de la puissance de l’Église catholique.

 

VII La Deuxième République 1848-1851

Un texte de Louis Veuillot exprime bien ce que pensent les catholiques intellectuels parisiens (il faut être beaucoup plus réservé pour la province, où le monde ouvrier ne manifesta guère d’enthousiasme pour la religion). Il écrit dans l’Univers, le 27 février 1848 : « Nous ne croyons pas au droit inamissible des couronnes. La théologie gallicane a consacré exclusivement le droit divin des rois. Avant elle et plus haut qu’elle, la théologie catholique a proclamé le droit divin des peuples », ajoutant que l’Europe du Moyen-Âge était « une confédération de démocraties chrétiennes » (18). Et dans le même journal, Montalembert, quelques semaines plus tard, conseille aux catholiques de « comprendre et accepter la nouvelle phase où nous entrons … ils descendront dans l’arène avec tous leurs concitoyens … pour y revendiquer toutes les libertés politiques et sociales qui seront désormais le patrimoine imprescriptible de la France » (19). 

Du côté de l’épiscopat, on ne fut pas en reste, les exemples sont très nombreux. Monseigneur Gros, évêque de Versailles, affirme le 17 mars : « Le clergé veut sincèrement une république amie de l’ordre et de la liberté. Les principes de liberté, d’égalité et de fraternité qui servent de base à la République sont autant de principes généreux qu’il recommandera toujours et qu’il s’efforcera d’introduire dans les mœurs. » (20) Cela dit, rares vont être les catholiques à se préoccuper des questions sociales et du monde ouvrier, conséquences de la révolution industrielle, tout simplement par méconnaissance de ces milieux. 

Et Veuillot se montrera d’une grande lucidité en écrivant, toujours dans l’Univers, que « la position de l’ouvrier était précaire et misérable, parce qu’il était isolé et sans lendemain assuré en face des prétentions du fabricant qui pouvait attendre. La législation sera changée. L’ouvrier réglera les conditions de son travail. Et si les conditions sont raisonnables, le capital y souscrira. » (21) Veuillot soulève un problème capital créé par la première révolution avec la loi Le Chapelier de 1791, supprimant les corporations et interdisant tout syndicat. On ne s’est pas assez servi de cette loi liberticide pour dénoncer l’imposture populaire de la Première République ! 

Dans l’épiscopat, c’est monseigneur Affre qui manifestera le plus de clairvoyance, lui qui écrivait déjà au ministre des cultes en février 1846 : « Je manque de prêtres pour les ouvriers, et j’en ai peu qui les connaissent assez » et il conférera le sacerdoce en mai 1845, sans lui imposer le séminaire, à un bon orateur de ces milieux ouvriers, diacre depuis 1819, François Ledreuille, qui s’intitulera « prêtre des ouvriers », ce qui montre qu’il était le seul (22). 

Une petite minorité de catholiques se rendit compte de la déchristianisation du prolétariat industriel. Le premier texte possédant une certaine audience date de 1856. Il est de l’abbé Picherit, professeur de philosophie du diocèse d’Angers, dans un article « Moralisation des classes ouvrières » : « La tâche imposée à notre siècle, c’est le retour à la religion des classes populaires… » Si cruel qu’en soit l’aveu, il faut pourtant bien en convenir, les travaux sont grands et le succès d’une nullité désolante. Le peuple oppose une résistance obstinée à tous les assauts du zèle le plus pur et de la charité la plus ardente. » (23) Frederic Ozanam et ses amis furent donc bien isolés dans le monde catholique quand ils se préoccupèrent activement des pauvres en créant en 1833 les conférences Saint Vincent de Paul.

Mais les responsables politiques français ne prendront pas la mesure de l’importance de la question sociale, et de la vie de plus en plus dure imposée aux ouvriers. Le mécontentement montera très vite, entraînant une crise de confiance puis une crise économique, avec la fermeture des ateliers nationaux. En juin 1848, ce sera l’émeute réprimée dans le sang par le général Cavaignac et l’établissement d’une République résolument bourgeoise, sans préoccupation sociale, ce qui va radicaliser les positions, dans un premier temps, et favoriser l’élection de Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République tout comme l’adhésion à son coup d’État du 2 décembre 1851 amenant un régime présidentiel (le chef de l’État est élu pour dix ans) et un an plus tard le Second Empire, auquel l’Église se ralliera essentiellement par crainte d’une nouvelle révolution antireligieuse. L’archevêque de Paris Sibour en est un exemple frappant, lui qui partageait les idées de ses confrères en février 1848.

 

VIII Les papes de la fin du premier empire à la fin de la première Restauration 1830

Pie VII qui fut l’homme du Concordat en même temps que le captif de l’empereur vécut heureusement encore assez pour être le pape de la Restauration. Je dis heureusement, car il sut éviter à Louis XVIII une erreur qui lui aurait sans doute été immédiatement fatale, et qui aurait peut-être compromis l’existence même du Concordat. J’ai abordé cette question avec l’échec de la convention de 1817. Mais auparavant, ayant quitté Fontainebleau le 21 janvier 1814 avec l’accord de Napoléon encore empereur, il arriva à Rome le 24 mai où il fut reçu triomphalement, pardonnant à ceux qui avaient servi les occupants (français) et quelques temps plus tard recevant la famille Bonaparte en exil.

Pie VII, sera le seul chef d’État européen à demander un adoucissement à l’exil de l’ex-empereur. En envoyant Consalvi au Congrès de Vienne, le pape lui demandera de revenir sur le traité de Tolentino, mais de ne pas être trop véhément en ce qui concerne Avignon et le comtat Venaissin, ce qui fut fait (24). Le 13 septembre 1821, il publia l’encyclique Ecclesiam a Jesu Christo, texte dirigé contre les carbonari, et pour donner du poids à sa condamnation, il évoque deux de ses prédécesseurs, « Clément XII par sa constitution In eminenti du 28 avril 1738 et l’autre, Benoît XIV, par sa constitution Providas du 18 mai 1751 qui condamnèrent et prohibèrent la société des liberi muratori ou des francs-maçons… qui ont peut-être été l’origine de celle des carbonari et qui certainement leur ont servi de modèle ». Plus loin, il mentionne que « les carbonari prétendent qu’ils ne peuvent être compris dans les deux constitutions de Clément XII et de Benoît XIV. » 

C’était la première fois qu’un pape, depuis Benoît XIV en 1751, prononçait une nouvelle fois une condamnation de la franc-maçonnerie, au travers du carbonarisme certes, et avec un amalgame assez contestable, mais cela correspondait à une réalité italienne. Et comme depuis que le pape avait décidé de ne pas reconnaître les articles organiques de 1802 qui stipulaient la nécessité de l’accord du gouvernement français pour qu’un texte pontifical ait autorité sur le pays, les catholiques en avaient déduit, non sans raison, qu’ils pouvaient se passer de l’accord du gouvernement pour obéir au pape. En 1751, en France, aucun catholique n’avait quitté la loge maçonnique où il se trouvait, car le Parlement de Paris n’avait enregistré aucun des deux textes pontificaux, le cardinal Fleury et Louis XV ne les ayant pas présenté. En 1826, la situation était différente et à partir de cette date les catholiques vont commencer à quitter les loges, mais cela se fera lentement. Car l’incompatibilité n’apparaissait pas comme évidente. Qu’on en juge ! En France, le souverain grand commandeur des hauts grades de la maçonnerie écossaise était le comte Jean Baptiste de Valence qui quitta la France avec Dumouriez, servit l’empire comme général de division puis comme sénateur rallié à la Restauration et fut fait pair de France par Louis XVIII en 1814. Et le grand maître du Grand-Orient était le maréchal Étienne Macdonald, duc de Tarente (d’origine écossaise, famille partisane des Stuart catholiques). Il se destinait à la prêtrise mais choisit la carrière militaire, sous-lieutenant en 1787, il fit les guerres de la Révolution et de l’Empire, il se rallia à la Restauration, et le 2 juillet 1815, Louis XVIII le nomma grand chancelier de la Légion d’Honneur, et en septembre Major général de la garde royale. Il restera grand maître du Grand-Orient jusqu’en 1833 (à cause de l’âge, 68 ans). En fait, il faudra attendre 1848 pour voir s’accélérer l’exode des catholiques des loges françaises, et encore, avec un ralentissement sous le Second Empire, le régime protégeant l’ordre maçonnique comme l’avait fait Napoléon Ier.

Léon XII succéda à Pie VII, après un conclave d’un mois, le 28 septembre 1823, élu par la partie conservatrice du conclave. Il augmenta la sécurité dans les États pontificaux et se préoccupa beaucoup de l’instruction en général. Il redonna aux Jésuites, rétablis par son prédécesseur, la direction du collège romain. Il pourra faire de Bologne et de Rome des villes universitaires. Il se montra très dur à l’égard des Juifs qui quittèrent la ville en grand nombre. Très préoccupé, comme son prédécesseur, par le carbonarisme, il publia la bulle Quo graviora, dans laquelle la franc-maçonnerie est amalgamée au mouvement. Il dénonça les écrits de la philosophie des Lumières et recommanda la polémique contre eux (lettre Dirae Librorum du 26 juin 1827). Il ira même jusqu’à écrire à Louis XVIII pour lui demander le départ du premier ministre Villèle, dont il jugeait la politique trop libérale ! En termes polis, non dénués de son ironie particulière, le roi lui opposa une fin de non recevoir, prétextant sa mauvaise information. Il semblerait qu’il se soit finalement mieux renseigné, au point d’aller prier pour la France à Saint-Louis des Français. Il organisa un grand jubilé en 1825 pour marquer le retour à la normale.

Pie VIII qui devient pape le 31 mars 1829 était en fait déjà candidat au précédent conclave. C’était très exactement la même tendance que son prédécesseur, ce qui annonçait bien le désir de fermeté doctrinale du Magistère face au bouleversement provoqué par la Révolution et la philosophie des Lumières. C’était une politique logique qui réussit, car face à une idéologie qui veut détruire l’Église, seule la fermeté doctrinale est fructueuse, mais elle doit aussi tenir compte des changements de mentalité, non pas pour composer avec, mais pour être comprise. Dans la lettre encyclique Traditi humilitati nostrae du 24 mai 1829, il va dénoncer une fois de plus les sociétés secrètes et viser spécialement la franc-maçonnerie latine qui amorce à cette période la grande déviation, qui l’amènera en 1877 à la rupture avec la franc-maçonnerie mondiale liée à la Grande Loge Unie d’Angleterre. On trouve dans ce texte une condamnation du relativisme dogmatique et une défense du mariage chrétien. 

Ce dernier point sera un souci de ce pape. C’est lui qui insistera pour que dans tout mariage célébré à l’Église catholique les époux s’engagent à donner une éducation catholique aux enfants après leur baptême. Il a bien vu ce qui constitue toujours un défaut dans la transmission de la foi aujourd’hui, le manque de coopération des familles. Il aura aussi à lutter contre les carbonari et aura l’intelligence de conseiller aux catholiques anglais n’étant plus discriminés de participer loyalement à la vie publique de leur pays. Il agira de même en 1830, malgré sa méfiance vis-à-vis de Louis-Philippe, avec les catholiques français attachés à Charles X. Il ne leur demandait pas de se renier mais de se comporter en bons citoyens. Son pontificat sera court puisqu’il mourra le 30 novembre 1830.

1) Jean Tulard, de l’Institut, Les Thermidoriens, édition Fayard, p. 337  

2) Robespierre, Textes choisis, tome 3, préface de Jean Poperen, p. 113. Collection les classiques du peuple, éditions sociales 1958.

3) Robespierre, op. cité, p. 118

4) Robespierre, op. cité, pp. 167-168

5) Père Michel Viot, L’heure du royaume de France est-elle venue ?, préface de Jean Tulard de l’Institut, annexe Il, éditions Via Romana 2018, pp. 298-318.

6) Jean Tulard, de l’Institut. Napoléon, Fayard éditions Pluriel, édition du bicentenaire 2021, p. 81

7) Jacques Bainville, Napoléon, pp. 98-99

8) Jacques Bainville, op cité, p. 99

9) Jean Tulard, Jean François Fayard et Alfred Fierro, Histoire et dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Éditions Robert Laffont 1988, p. 781

10) Jean Tulard, op cité, p. 131

11) Jean Tulard, op cité, p. 132

12) Jean Tulard, op cité, pp. 133-134

13) Jean Tulard, op cité, p. 140

14) Jean Tulard, op cité, p. 142

15 Jean Tulard, op cité, p. 366

16) Tulard, op cité, p. 367

17) Philippe Sagnac, Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1905, « Le Concordat de 1817 », Lettre à Blacas, pp. 189-210

18) Jean Baptiste Duroselle, Revue D’histoire, 1948, « L’attitude politique et sociale des catholiques français en 1848 », p. 45

19) et 20) Jean Baptiste Duroselle, op. cité, p. 46 

21) Jean Baptiste Duroselle, op. cité, p. 53

22 Jean Baptiste Duroselle, op. cité, p. 55

23) Jean Baptiste Duroselle, op. cité, p. 55

24) Thierry Lentz, « Napoléon » Dictionnaire historique, éditions Perrin, 2020, p 731. Je recommande vivement ce livre qui donne des détails peu connus sur beaucoup d’événements et de personnages importants du Premier Empire. En particulier l’article sur Pie VII qui commence par nous rappeler que Benoît XVI avait ouvert le 12 mars 2007 un procès en canonisation de son illustre prédécesseur Pie VII.

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P. Michel Viot

Père Michel Viot. Maîtrise en Théologie. Ancien élève de l’Ecole Pratique dès Hautes Études. Sciences religieuses.

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