Mosaïque de la Pentecôte dans la basilique cathédrale de Saint-Louis (Missouri USA) avec les apôtres et Marie (2019)

Mosaïque de la Pentecôte dans la basilique cathédrale de Saint-Louis (Missouri USA) avec les apôtres et Marie (2019)

De la confusion de Babel à la symphonie de l’unité à la Pentecôte, par Mgr Follo

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Méditation sur la Pentecôte

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Le jour de la Pentecôte, invoquons l’Esprit Saint dont le fruit « est amour, joie, paix, patience, bonté, bonté, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (Gal 5, 22)

 

Pentecôte – Année A – 28 mai 2023

Ac 2, 1-11 ; Ps 103 ; 1 Co 12, 3-7.12-13 ; Jn 20, 19-23

 

1) La signification chrétienne de la Pentecôte

Cinquante jours après Pâques, la liturgie nous fait célébrer la Pentecôte, c’est à dire la descente de l’Esprit Saint sur l’Église naissante et sur l’Église d’aujourd’hui. Nous ne faisons pas mémoire d’un fait survenu il y a environ 2000 ans, mais d’un événement qui se répète parce que « l’Église a besoin d’une Pentecôte perpétuelle ; elle a besoin de feu dans les cœurs, de parole sur les lèvres, de prophétie dans les regards » (Paul VI).

Nous célébrons donc aujourd’hui la fête annuelle de la venue de l’Esprit Saint ; mais c’est tous les jours que nous devons avoir l’Esprit Saint dans le cœur. « Ne célébrons pas la Pentecôte en un seul jour mais en tout temps, si nous voulons être approuvé et non pas réprouvé par le Seigneur le jour de sa venue. Comme il nous a déjà donné préalablement un gage, qu’il veuille nous conduire à la possession éternelle (des biens). Le Christ en effet a épousé son église et lui a envoyé son Esprit Saint. L’Esprit Saint est comme l’anneau nuptial ; et celui qui a donné l’anneau donnera aussi l’immortalité et le repos. En lui nous aimons, en lui nous espérons, en lui nous croyons » (Saint Augustin, Discours 272 / B pour le Pentecôte).

Malheureusement, pour beaucoup de personnes et dans de nombreux pays où le lundi de Pentecôte est férié, la Pentecôte n’est rien d’autre que le nom d’un long week-end. Et l’on est content que la routine des jours de semaine soit interrompue par celle du temps libre qui offre l’avantage du divertissement, l’illusion peut-être de la liberté mais aussi de vrais moments de profondeur et de satisfaction pour le temps que l’on peut passer avec les personnes aimées.

Il est évident que celui qui vit consciemment ne pourra cependant pas se contenter de passer de façon irréfléchi et passive, du travail au temps libre et du temps libre au travail. De temps en temps, il devra s’arrêter et se demander dans quelle direction se dirige sa vie, vers où se dirigent toutes choses, les hommes et le monde. Il devra assumer un peu ses responsabilités dans le choix de ce mouvement et de cette direction et il ne pourra pas se limiter à participer uniquement à une offre consumériste qui se diffuse constamment, sans se demander d’où elle vient et où elle conduit.

Cette solennité de la Pentecôte est donc une invitation à passer de la logique de la fin de semaine à celle de cette fête pendant laquelle :

-nous faisons mémoire d’un fait survenu dans le passé ;

-nous célébrons un fait qui survient aussi maintenant parmi nous les disciples de Jésus ;

-nous vivons dans l’attente de voir ce qui est rappelé et vécu atteindre sa plénitude dans la vie éternelle.

 

A la Pentecôte, nous faisons mémoire, nous célébrons et nous vivons ce qui est arrivé à la Vierge Marie, afin que cela arrive aussi à tous ceux qui croient au Christ, lui qui « avec le don de l’Esprit Saint renoue notre relation avec le Père, abîmée par le péché ; il nous délivre de la condition d’orphelin et il nous restitue celle de fils » (Pape François, Homélie du 15 mai 2016).

Des frissons nous viennent rien qu’à l’idée que Dieu :

  • ait non seulement visité la terre, en descendant ici dans le monde,
  • ait non seulement payé avec la croix le prix de son amour pour nous,
  • mais aussi qu’il se donne à nous, qu’il vive en nous. Chacun de nous devient capable de Dieu, accueille Dieu en lui parce qu’en chacun de nous se renouvelle le mystère de notre union avec le Verbe.

Ce que nous rappelons et célébrons aujourd’hui, c’est que le Royaume de Dieu dans lequel Jésus veut nous introduire et auquel nous sommes appelés est un ciel intérieur qui est en nous parce que comme dit Saint Grégoire le Grand : « Le ciel est l’âme du juste ». Et nous sommes justes parce qu’immergés dans le baptême du Christ qui aujourd’hui plonge en nous avec son Esprit.

Notre union à Dieu et l’union de Dieu avec nous se réalisent dans ce don de l’Esprit et c’est dans ce don de l’Esprit qui nous unit à Dieu que se réalise aussi, comme fruit divin de l’union, notre transformation dans le Christ, le fils de Dieu et aussi notre frère. A cet égard le Pape François nous enseigne : « Par le Frère universel qui est Jésus, nous pouvons nous mettre en relation avec les autres d’une manière nouvelle, non plus comme des orphelins, mais comme des fils du même Père, bon et miséricordieux. Et cela change tout ! Nous pouvons nous regarder comme des frères, et nos différences ne font que multiplier la joie et l’émerveillement d’appartenir à cette unique paternité et fraternité. »  (Homélie de Pentecôte, 15 mai 2016)

 

  • De Babel à la Pentecôte, de la division à lunité

 

La lumière de la Pentecôte nous conduit à l’essentiel : elle nous révèle la dignité et la vocation qui nous ont été données ; celle d’être des fils destinés à l’immortalité et des témoins de notre égalité dans l’amour et dans le don de nous-même à Dieu et aux frères.

Saint Luc raconte la descente de l’Esprit Saint (1ère lecture Act 2, 1-11) en utilisant les symboles classiques qui accompagnent l’action de Dieu : le vent, le tremblement de terre et le feu. Sous forme de langue, ce feu se pose sur ceux qui sont présents au Cénacle et qui « commencèrent à parler en d’autres langues ». Ainsi le devoir d’unité et d’universalité auquel l’Esprit appelle son Église devient claire.

Avec la venue de l’Esprit à la Pentecôte et la naissance de la communauté chrétienne commence au sein de l’humanité une histoire nouvelle. A la lumière du récit de la tour de Babel nous comprenons mieux l’événement de la Pentecôte dont nous faisons aujourd’hui mémoire. C’est la construction d’une vraie communion entre les personnes qui a commencé à l’intérieur de l’humanité : vraie parce que donnée d’en haut par opération de l’Esprit de Jésus et c’est aussi l’annonce apostolique des grandes merveilles de Dieu. Avec le don de l’Esprit Saint, la semence de l’unité est placée dans le terrain des conflits humains.

La célébration que nous sommes appelés à vivre ce dimanche rend actuel l’événement survenu il y a deux mille ans environ. Par la foi nous en devenons contemporains et nous pouvons témoigner qu’il est la vraie réponse au désir d’unité qui est inhérent au cœur de l’homme.

A Babel, des hommes de même langue ne se comprirent plus. A la Pentecôte, alors et aujourd’hui, en revanche, des hommes de langues différentes se rencontrent et se comprennent. La mission que l’Esprit Saint confie à son Église est d’imprimer dans l’histoire humaine un mouvement de réunification : mouvement autour de Dieu, dans l’Esprit, dans la vérité et dans la liberté.

Même dans l’Évangile d’aujourd’hui (Jn 20, 19-23) il est dit que l’Esprit recrée la communauté des Apôtres, les ouvre à la mission (alors comme aujourd’hui) en rappelant que l’Esprit est don du Christ : « Recevez l’Esprit Saint ».

Saint Jean met en relation étroite la relation entre l’Esprit, la communauté des disciples et la mission d’apporter dans le monde l’Évangile du Christ ainsi que son pardon.

Les vierges consacrées sont appelées de façon particulière à être les témoins de cette miséricorde du Seigneur, dans laquelle l’homme trouve son propre salut. Ces femmes maintiennent vivante l’expérience du pardon de Dieu, parce qu’elles ont conscience d’être des personnes sauvées, d’être grandes quand elles se reconnaissent petites, de se sentir rénovées et enveloppées de la sainteté de Dieu quand elles reconnaissent leur propre péché.

Les vierges consacrées acceptent avec humilité les indications de Saint Cyprien qui s’adresse à elles en les louant dans son livre De habitu virginum où il décrit comment doit être leur comportement : « Maintenant notre discours s’adresse à vous, les vierges dont plus sublime est la gloire, plus grand doit être le zèle ; fleur de la lignée de l’Église, parure et ornement de la grâce spirituelle, descendance élue et joyeuse, œuvre intacte et pure de louange et d’amour, image de Dieu qui représente la sainteté du Seigneur, la plus illustre partie du troupeau du Christ. A travers les vierges et dans les vierges abondamment jouit et fleurit la glorieuse fécondité de la Mère Église ».

Leur vie est à considérer comme une école de confiance en la miséricorde de Dieu et en son amour qui jamais n’abandonne. En réalité, plus on s’approche de Dieu, plus on est proche de lui, plus on est utile aux autres. Les personnes consacrées témoignent de la grâce de la miséricorde et du pardon de Dieu non seulement pour elles mais aussi pour leurs frères, en étant appelées à porter dans leur cœur la prière, les angoisses et les attentes des hommes, spécialement ceux qui sont loin de Dieu.

 

Lecture Patristique

Rupert de Deutz (+ 1129)

Sur l’évangile de saint Jean, 2, CCM 9, 61-62

Quand le Christ baptise dans le Saint-Esprit, il donne d’abord la rémission des péchés. Mais il donne aussi, en second lieu, l’ornement de diverses grâces. Car il a parlé de la grâce du pardon des péchés le jour de sa résurrection, quand, en soufflant sur ses disciples, qu’il avait déjà lavés de leurs péchés dans son sang, il a dit : Recevez l’Esprit Saint. Et il affirme qu’il le leur donne pour la rémission des péchés puisqu’il ajoute aussitôt : Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, et ceux à qui vous les maintiendrez, ils leur seront maintenus (Jn 20,22-23).

Sur cette distribution des dons par laquelle, nous venons de le dire, il confère l’ornement de ses grâces, saint Luc nous rapporte, dans les Actes des Apôtres, cette parole de Jésus: Jean a baptisé avec de l’eau; mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici quelques jours (Ac 1,5).

Le double don de ce baptême est exprimé par saint Jean Baptiste qui dit, chez les évangélistes Matthieu et Luc : Lui qui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu (Mt 3,11 Lc 3,16). Car il nous baptise par l’Esprit Saint quand la grâce invisible de cet Esprit descend dans la fontaine baptismale et remet tous leurs péchés à ceux qui reçoivent le baptême. Il baptise en outre par le feu lorsqu’il les rend embrasés par la ferveur du Saint-Esprit, forts dans l’amour et constants dans la foi, brillants de science et brûlants de zèle.

Dans cette rémission des péchés, on ne trouve aucune division ; c’est d’une façon égale et uniforme qu’une seule et même grâce vient sur tous, mais en délivrant de toutes nos iniquités et en jetant au fond de la mer tous nos péchés.

Au contraire, dans les dons de la grâce, tous n’en reçoivent pas autant, lorsque l’un reçoit le don de la foi, l’autre le langage de la connaissance de Dieu ou de la sagesse, un autre le don de parler en langues, un autre le don d’interpréter, et ainsi de suite. Mais celui qui agit en tout cela, c’est le même et unique Esprit : il distribue ses dons à chacun, selon sa volonté (cf. 1Co 12,8-11).

Chez les saints du Nouveau Testament, nous voyons ces charismes donnés par celui qui baptise, nous voyons ces marques éclatantes d’un baptême de gloire que nul d’entre eux, d’après l’Écriture, n’a reçu avant d’avoir été baptisé pour la rémission des péchés. Sauf dans le cas de Corneille et de ses compagnons : comme Pierre était encore en train de les instruire, le Saint-Esprit tomba sur eux, et ils se mirent à parler en langues et à glorifier Dieu.

Or, si quelques Pères de l’Ancien Testament ont reçu le don des miracles, beaucoup reçurent le don de prophétie, alors qu’ils n’avaient pas été baptisés en rémission des péchés. Car il est certain que tous furent baptisés quand le Christ, mort sur la croix, répandit un flot de sang et d’eau de son côté percé par la lance, pour la purification de l’Église universelle. Celle-ci englobe tous les hommes, depuis l’origine du monde, depuis le premier des justes, Abel, jusqu’au bandit crucifié avec le Christ, à l’heure même de sa mort. Car, alors que cette effusion si précieuse et si salutaire n’avait pas encore jailli du côté du Christ, ce bandit reconnut qu’il était le Seigneur en croyant à la venue future de son règne, et il acheta son entrée dans celui-ci par cette confession de foi imprévue.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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