Samedi 13 mai 2023
Chers jeunes,
Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à cette visite, de l’enthousiasme que vous manifestez pour votre travail à la campagne et pour le bétail, ainsi que pour le service que vous souhaitez rendre à la société.
Comme dans tant d’autres domaines de la vie, l’écologie ne se construit pas d’abord par les rapports savants des spécialistes, ni par les actualités et les programmes d’information qui atteignent les gens par les médias. Ils peuvent être nécessaires et bénéfiques, s’ils sont réalisés avec bon sens, mais ils ne sont pas primordiaux.
Vous savez que l’Argentine est fondamentalement un pays d’élevage et, bien que je sois citadin, j’ai eu l’occasion de connaître la réalité de la campagne. Cela m’a permis de me rendre compte que les premiers écologistes d’une région, d’un pays, d’un continent, c’est vous, ceux qui sont dans l’arène, ceux qui sont à l’intérieur : les personnes qui travaillent avec les animaux, avec les plantes, qui se côtoient jour après jour et qui connaissent leurs besoins et leurs réussites.
Je me souviens qu’une fois, à la faculté de théologie, l’un des étudiants, qui était né en ville et vivait en ville, est venu et a dit : « Une vache est en train de mourir », parce que derrière la faculté, nous avions un champ et il y avait du bétail. « Une vache est en train de mourir et il n’y a personne pour s’en occuper. » Je me suis levé et je suis allé voir la vache, et la pauvre vache était là, en train de mettre bas. Moi, je venais de la ville, j’avais été élevé dans le béton depuis mon enfance, je n’avais aucune idée de la différence entre une vache mourante et une vache en train de vêler. C’est là que j’ai compris que la connaissance ne s’acquiert que par la vie et l’expérience.
On ne répète pas un slogan par cœur, on vit en regardant le ciel et, du lever au coucher, on reconnaît dans les gazouillis, les mugissements ou les hennissements la joie ou la peur, la nostalgie ou l’épanouissement de la nature qui nous entoure. C’est un honneur et, évidemment, une grande responsabilité.
Si vous y réfléchissez, la vocation à laquelle Dieu vous a appelés fait de vous les témoins d’une écologie intégrale dont le monde a besoin aujourd’hui. C’est une vocation primordiale parce qu’elle s’enracine dans les paroles de Dieu qui, dans la Genèse, a invité l’humanité à collaborer à la tâche de la création par son travail (cf. Gn 1, 28-31). Une vocation pluridisciplinaire, puisqu’elle allie une relation directe avec la terre, son soin et sa culture, avec le service à la société.
Que vous demande donc Dieu dans ce travail, dans cette activité ? Il vous demande de considérer la campagne comme un don, comme quelque chose qui vous a été donné et que vous léguerez à vos enfants ; de considérer la production comme un don que le Seigneur, à travers vous, et à travers votre travail, envoie à son peuple pour rassasier sa faim et étancher sa soif. Une faim qui n’est pas seulement celle du pain, mais aussi celle de Dieu qui, pour le rassasier, n’a pas hésité à se faire nourriture, à se faire chair, atteignant ainsi le cœur de l’homme (cf. Mt 4, 3-4 ; Jn 6, 55-57).
De cette valeur fondamentale, pour laquelle je vous remercie, découle la responsabilité qui vous est confiée, à vous en premier lieu, mais aussi à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, participent à la production, à la transformation et à la distribution des denrées alimentaires. Il faut œuvrer pour que ce bien immense que Dieu nous donne ne soit pas transformé en arme – par exemple, en restreignant l’arrivée de nourriture aux populations en conflit – ou en mécanisme de spéculation, en manipulant le prix et la commercialisation des produits dans le seul but d’obtenir un plus grand bénéfice. Voilà ce que nous devons dénoncer, ce qui doit nous faire mal au cœur : les animaux que vous soignez avec tant de dévouement ne le méritent pas, les personnes pour lesquelles vous travaillez avec tant d’enthousiasme ne le méritent pas, Dieu ne le mérite pas. Cela les offense et cela vous offenserait.
Mais ne vous découragez pas : chaque vocation a sa croix à porter, on accepte l’effort du travail et, avec les animaux, il n’y a pas de jours de repos, ni de grèves. Il est encore plus difficile d’accepter l’incompréhension de ceux qui ne donnent pas de valeur à quelque chose d’aussi essentiel à la vie que la production d’aliments, ou qui préfèrent chercher des coupables plutôt que des solutions.
Je confie le travail que vous réalisez à la Sainte Vierge, afin que vous vous sentiez toujours proches de Jésus qui, sur la croix, a offert sa chair et son sang, s’est fait nourriture, s’est fait vie pour nous la donner en abondance. Allez de l’avant et soyez les poètes de la terre. Je vous remercie.
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Bulletin du Bureau de presse du Saint-Siège, 13 mai 2023