Le pape François avec la Fondation pour la natalité © Vatican Media

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Troisième édition des États généraux de la natalité

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La famille n’est pas une partie du problème, mais une partie de la solution

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Nous publions ci-dessous le discours que le Saint-Père a prononcé ce 12 mai à l’auditorium de Via della Conciliazione à loccasion de la troisième édition des États généraux de la natalité.

Texte intégral traduit de loriginal en italien par ZENIT

 

Madame le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les autorités et représentants de la société civile,

chers amis, frères et sœurs !

 

Pardonnez-moi de ne pas me lever pour vous adresser ces quelques mots mais la douleur est trop vive lorsque je suis debout.

Je vous salue cordialement et vous remercie pour votre engagement. Je remercie Gigi De Palo, Président de la Fondation pour la natalité, pour ses paroles et pour l’invitation, que j’ai acceptée avec plaisir, cette année encore, parce que je crois que le thème de la natalité est central pour tout le monde, en particulier pour l’avenir de l’Italie et de l’Europe.

Je voudrais vous donner deux exemples de ce qui s’est passé ici, sur la place Saint-Pierre. Il y a deux semaines, mon secrétaire était sur la place et une mère est arrivée avec son landau. Lui, un gentil prêtre, s’est approché pour bénir le bébé… c’était un chien ! Il y a quinze jours, à l’audience générale du mercredi, je suis allé saluer les gens et suis arrivé devant une femme d’une cinquantaine d’années ; je l’ai saluée et elle a ouvert un sac et m’a dit : « Voulez-vous bénir, mon bébé ? » C’était un chien ! Je n’ai pas eu de patience et j’ai interpellé la femme : « Madame, beaucoup d’enfants ont faim, et vous êtes là avec un chien ! » Frères et sœurs, ce sont des scènes du quotidien, mais si les choses continuent ainsi, ce sera la coutume à l’avenir : attention !

La natalité est en effet le principal indicateur permettant de mesurer l’espérance d’un peuple. Si peu d’enfants naissent, cela signifie qu’il y a peu d’espérance. Et cela n’a pas seulement des répercussions économiques et sociales, mais aussi sur la confiance en l’avenir. J’ai appris que l’année dernière, l’Italie a atteint un taux de natalité historiquement bas : seulement 393 000 nouvelles naissances. C’est un chiffre qui révèle une grande inquiétude pour l’avenir. Aujourd’hui, mettre au monde des enfants est perçu comme un engagement à la charge des familles. Cela conditionne malheureusement la mentalité des jeunes générations, qui grandissent dans l’incertitude, voire dans l’angoisse et la peur. Elles vivent dans un climat social où fonder une famille s’est transformé en un effort titanesque, au lieu d’être une valeur partagée que tout le monde reconnaît et soutient. Se sentir seul et contraint de ne compter que sur ses propres forces est dangereux : c’est éroder peu à peu la vie en commun et se résigner à des existences solitaires, où chacun est livré à lui-même, avec pour conséquence que seuls les plus riches peuvent se permettre, grâce à leurs ressources, une plus grande liberté dans le choix de la forme qu’ils veulent donner à leur propre vie. C’est injuste et humiliant.

Entre guerres, pandémies, déplacements massifs de populations et crise climatique, l’avenir n’a peut-être jamais été aussi incertain qu’aujourd’hui. Tout va vite et même les certitudes acquises passent rapidement. En effet, la vitesse qui nous entoure accroît la fragilité que nous portons en nous. Et dans ce contexte d’incertitude et de fragilité, les jeunes générations éprouvent plus que quiconque un sentiment de précarité, pour qui le lendemain apparaît comme une montagne impossible à gravir. Le président du Conseil des ministres a parlé de « crise », un mot clé. Mais rappelons deux choses à propos des crises : on ne sort pas seul d’une crise, on en sort tous ou on n’en sort pas ; et on ne sort pas indemne d’une crise : on en sort meilleur ou pire. Souvenons-nous de cela. C’est la crise d’aujourd’hui.

Difficulté à trouver un emploi stable, la difficulté à le garder, les prix prohibitifs des logements, les loyers faramineux et les salaires insuffisants sont de vrais problèmes. Ce sont des problèmes qui interpellent la politique, car il est évident que le marché libre, sans les remèdes nécessaires, se débride et produit des situations et des inégalités de plus en plus graves.

Il y a quelques années, je me souviens d’une anecdote : une file d’attente devant une entreprise de transport, une file d’attente de femmes à la recherche d’un emploi. On dit à l’une d’entre elles que c’est son tour, en lui présentant les conditions du poste… « Vous travaillerez onze heures par jour, et le salaire sera de six cents euros. Daccord ? » Et elle a dit : « Mais on ne peut pas vivre avec six cents euros… onze heures. » « Madame, regardez la file d’attente et choisissez. Si cela vous plaît, prenez-le ; si ça ne vous plaît pas, restez sur votre faim. »

C’est un peu la réalité que nous vivons. Il s’agit d’une culture hostile à la famille, centrée sur les besoins de l’individu, où les droits individuels sont constamment revendiqués et où les droits de la famille ne sont pas mentionnés (cf. Exhortation apostolique Amoris laetitia, 44). En particulier, les femmes sont soumises à des contraintes presque insurmontables. Ce sont elles, en effet, qui sont les plus lésées : jeunes femmes souvent à la croisée des chemins entre carrière et maternité, ou plutôt écrasées par le fardeau de la prise en charge de leur propre famille, souvent en présence de personnes âgées fragiles et dépendantes. Actuellement, les femmes sont esclaves de cette règle du travail sélectif, qui les empêche aussi d’être mères.

Et encore une fois, pour décrire le contexte dans lequel nous nous trouvons, je pense à une culture hostile, voire hostile à la famille, centrée sur les besoins de l’individu, où les droits de l’individu sont constamment revendiqués, et où l’on ne parle pas de la famille. Les droits de la famille ne sont pas mentionnés (cf. l’exhortation apostolique Amoris laetitia, 44). En particulier, des contraintes quasi insurmontables pèsent sur les femmes. Ce sont elles qui souffrent le plus, les jeunes femmes souvent contraintes à la croisée des chemins entre carrière et maternité ou écrasées par le poids de la prise en charge de leur famille, notamment en présence de personnes âgées fragiles et dépendantes.

Bien sûr, la Providence existe, et des millions de familles en témoignent par leur vie et leurs choix, mais l’héroïsme de beaucoup ne peut pas devenir une excuse pour tous. Nous avons donc besoin de politiques clairvoyantes. Nous devons préparer un terrain fertile pour l’éclosion d’un nouveau printemps et laisser derrière nous cet hiver démographique. Et comme le contexte est commun, comme la société et l’avenir sont communs à tous, il est nécessaire de s’attaquer au problème de la pauvreté et de l’exclusion sociale, sans barrières idéologiques et sans positions préconçues. La solidarité est importante. Il est vrai que, grâce à votre aide également, beaucoup a été fait et je vous en suis très reconnaissant, mais ce n’est pas encore suffisant. Nous devons changer notre mentalité : la famille n’est pas une partie du problème, mais une partie de la solution. C’est pourquoi je me demande s’il y a quelqu’un qui peut regarder vers l’avenir avec le courage de parier sur les familles, les enfants, les jeunes ? J’entends souvent les plaintes des mères : « Mon fils a obtenu son diplôme il y a longtemps… et il ne se marie pas, il reste à la maison… que dois-je faire ? » – « Ne repassez pas ses chemises, madame, commençons comme ça, on verra bien. »

Nous ne pouvons pas accepter que notre société cesse d’être généreuse et sombre dans la tristesse. Lorsqu’il n’y a pas de générosité, il y a de la tristesse. C’est un malaise laid et gris. Nous ne pouvons pas accepter passivement que tant de jeunes aient du mal à réaliser leur rêve familial et soient contraints de réduire leurs aspirations, en se contentant de solutions personnelles et médiocres : gagner de l’argent, faire carrière, voyager, garder jalousement son temps libre…

Toutes ces choses sont bonnes et justes lorsqu’elles font partie d’un projet généreux et plus vaste qui donne vie autour de soi et après soi. Si, en revanche, elles ne restent que des aspirations individuelles, elles s’étiolent dans l’égoïsme et conduisent à cette lassitude intérieure. Tel est l’état d’esprit d’une société qui n’est pas généreuse : une fatigue intérieure qui anesthésie les grands désirs et caractérise notre société comme une société de lassitude !

Redonnons du souffle aux désirs de bonheur des jeunes ! Chacun d’entre nous expérimente l’indice de notre propre bonheur : lorsque nous nous sentons remplis de quelque chose qui génère de l’espoir et qui réchauffe l’âme, et c’est ce que nous appelons le « bonheur », il est spontané de le partager avec les autres. Au contraire, lorsque nous sommes tristes, nous sommes sur la défensive, nous nous fermons et percevons tout comme une menace. Ici, le taux de natalité ainsi que l’accueil, qu’il ne faut jamais opposer car ce sont les deux faces d’une même pièce, nous révèle le niveau de bonheur de la société. Une communauté heureuse développe naturellement les désirs de donner naissance et d’accueillir, alors qu’une société malheureuse se réduit à une somme d’individus cherchant à défendre à tout prix ce qu’ils ont. Et bien souvent, ils oublient de sourire.

Chers amis, après avoir partagé ces préoccupations que je porte dans mon cœur, je voudrais vous livrer un mot qui m’est cher : l’espérance. Le défi de la natalité est une question d’espérance. Mais attention, l’espérance n’est pas, comme on le pense souvent, de l’optimisme, pas un vague sentiment positif sur l’avenir. « Ah, vous êtes un homme positif, une femme positive, c’est bien ! » Non, l’espérance, c’est autre chose.

Ce n’est pas une illusion ou une émotion que l’on ressent, non, c’est une vertu concrète, une attitude face à la vie. Et elle est liée à des choix concrets. L’espérance se nourrit de l’engagement de chacun pour le bien, elle grandit lorsque nous nous sentons partie prenante et impliqués dans le sens de notre vie et de celle des autres. Nourrir l’espérance est donc une action sociale, intellectuelle, artistique, politique au sens le plus élevé du terme ; c’est mettre ses compétences et ses ressources au service du bien commun, c’est semer l’avenir. L’espérance génère le changement et améliore l’avenir.

C’est la plus petite des vertus, disait Charles Péguy, c’est la plus petite, mais c’est celle qui mène le plus loin ! Et l’espérance ne déçoit pas. Il y a tant de Turandot dans la vie aujourd’hui qui disent : « L’espérance est toujours déçue. » La Bible nous dit : « L’espérance ne déçoit pas. » (cf. Rm 5, 5)

J’aime à considérer les États généraux de la natalité – qui en sont à leur troisième édition –  comme un chantier d’espérance. Un chantier où l’on ne travaille pas sur commande, parce que quelqu’un paie, mais où l’on travaille tous ensemble, justement parce que chacun veut espérer. Je souhaite donc que cette édition soit l’occasion de « prolonger le chantier », de créer, à plusieurs niveaux, une grande alliance de l’espérance.

Ici, il est bon de voir les domaines de la politique, de l’économie, de la banque, du sport, du divertissement, du journalisme se réunir pour réfléchir à la manière de passer de l’hiver à un printemps démographique. Comment commencer à renaître, non seulement physiquement, mais aussi intérieurement, pour entrer chaque jour dans la lumière et illuminer le lendemain d’espérance. Frères et sœurs, ne nous résignons pas à la grisaille et au pessimisme stérile, au sourire du compromis, non. Ne croyons pas que l’histoire est déjà écrite, que rien ne peut être fait pour inverser la tendance.

Car, permettez-moi de le dire dans ma langue préférée, celle de la Bible – c’est précisément dans les déserts les plus arides que Dieu ouvre de nouveaux chemins (cf. Is 43, 19). Cherchons ensemble ces chemins !

L’espérance, en effet, nous invite à nous mettre en quête de solutions pour façonner une société digne du moment historique que nous vivons, un moment de crise marqué par tant d’injustices. Relancer la natalité, c’est réparer les formes d’exclusion sociale qui affectent les jeunes et leur avenir. C’est aussi un service rendu à tous : les enfants ne sont pas des biens individuels, mais des personnes qui contribuent à la croissance de tous, apportant une richesse humaine et générationnelle. Ils apportent aussi de la créativité dans le cœur des parents. À vous, qui êtes ici pour trouver de bonnes solutions, fruit de votre professionnalisme et de vos compétences, je voudrais dire : sentez-vous appelés à la grande tâche de régénérer l’espérance, de lancer des processus qui donneront de l’élan et de la vie à l’Italie, à l’Europe, au monde, qui nous apporteront beaucoup d’enfants. Je vous remercie.

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