Voici le texte intégral de l’homélie du pape François lors de la messe sur la Place Kossuth Lajos en Hongrie.
Les dernières paroles que Jésus prononce, dans l’Évangile que nous venons d’écouter, résument le sens de sa mission : « Je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance » (Jn 10, 10). C’est ce que fait un bon pasteur : il donne sa vie pour ses brebis. Ainsi, Jésus, comme un berger qui va à la recherche de son troupeau, est venu nous chercher alors que nous étions perdus ; comme un pasteur, il est venu nous arracher à la mort ; comme un pasteur, qui connaît ses brebis une par une et qui les aime avec une infinie tendresse, il nous a fait entrer dans l’enclos du Père, en faisant de nous ses enfants. Contemplons donc l’image du Bon Pasteur et arrêtons-nous sur deux actions que, selon l’Évangile, il accomplit pour ses brebis : d’abord il les appelle, ensuite il les fait sortir.
- D’abord, « il appelle ses brebis » (v. 3). Au début de l’histoire de notre salut, ce n’est pas nous avec nos mérites, nos capacités, nos structures ; à l’origine, il y a l’appel de Dieu, son désir de nous rejoindre, sa sollicitude pour chacun d’entre nous, l’abondance de sa miséricorde qui veut nous sauver du péché et de la mort, pour nous donner la vie en abondance et la joie sans fin. Jésus est venu comme bon Pasteur de l’humanité pour nous appeler et nous ramener à la maison. Nous pouvons alors nous rappeler avec gratitude son amour pour nous, pour nous qui étions loin de lui. Oui, alors que « nous étions tous errants comme des brebis » et que « chacun suivait son propre chemin » (Is 53, 6), Il a pris sur lui nos iniquités et s’est chargé de nos péchés, nous ramenant au cœur du Père. C’est ainsi que nous avons entendu de l’apôtre Pierre dans la seconde lecture : « Vous étiez errants comme des brebis ; mais à présent vous êtes retournés vers votre berger, le gardien de vos âmes » (1 P 2, 25). Et aujourd’hui encore, dans toutes les situations de la vie, dans ce que nous portons dans notre cœur, dans nos égarements, dans nos peurs, dans le sentiment de défaite qui nous assaille parfois, dans la prison de la tristesse qui menace de nous enfermer, Il nous appelle. Il vient comme bon Pasteur et nous appelle par notre nom, pour nous dire combien nous sommes précieux à ses yeux, pour guérir nos blessures et prendre sur lui nos faiblesses, pour nous rassembler dans l’unité dans son enclos et fait de nous une famille, entre nous et avec le Père.
Frères et sœurs, alors que nous sommes ici ce matin, nous ressentons la joie d’être le peuple saint de Dieu : nous sommes tous nés de son appel ; c’est lui qui nous a convoqués et c’est pourquoi nous sommes son peuple, son troupeau, son Église. Il nous a rassemblés ici pour que, bien que différents les uns des autres et appartenant à des communautés différentes, la grandeur de son amour nous réunisse tous dans une même étreinte. Il est beau de nous retrouver ensemble : les évêques et les prêtres, les religieux et les fidèles laïcs ; et il est beau de partager cette joie avec les Délégations œcuméniques, les responsables de la Communauté juive, les représentants des Institutions civiles et le Corps diplomatique. C’est cela la catholicité : nous tous, chrétiens, appelés par notre nom par le bon Pasteur, nous sommes appelés à accueillir et à répandre son amour, à faire en sorte que son enclos soit inclusif et jamais exclusif. Nous sommes donc tous appelés à cultiver des relations de fraternité et de collaboration, sans nous diviser, sans considérer notre communauté comme un milieu réservé, sans nous laisser prendre par le souci de défendre chacun son espace, mais en nous ouvrant à l’amour mutuel.
- Après avoir appelé les brebis, le Pasteur « les fait sortir » (Jn 10, 3). Il les a d’abord fait entrer dans la bergerie en les appelant, maintenant il les pousse dehors. Nous sommes d’abord rassemblés dans la famille de Dieu pour former son peuple, mais nous sommes ensuite envoyés dans le monde pour devenir, avec courage et sans crainte, des hérauts de la Bonne Nouvelle, des témoins de l’Amour qui nous a régénérés. Ce mouvement – entrer et sortir – nous pouvons le saisir à partir d’une autre image que Jésus utilise : celle de la porte. Il dit : « Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage » (v. 9). Entendons bien de nouveau : il entrera et il sortira. D’une part, Jésus est la porte qui s’est largement ouverte pour que nous entrions dans la communion du Père et que nous fassions l’expérience de sa miséricorde ; mais, comme chacun le sait, une porte ouverte ne sert pas seulement à entrer, mais aussi à sortir de l’endroit où l’on se trouve. Ainsi, après nous avoir ramenés à l’étreinte de Dieu et dans le bercail de l’Église, Jésus est la porte qui nous fait sortir vers le monde : il nous pousse à aller à la rencontre de nos frères. Et rappelons-nous le bien : tous, sans exception, nous sommes appelés à cela, à sortir de nos conforts et à avoir le courage de rejoindre les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 20).
Frères et sœurs, être “en sortie” signifie pour chacun devenir, comme Jésus, une porte ouverte. Il est triste et douloureux de voir des portes fermées : les portes fermées de notre égoïsme envers ceux qui marchent chaque jour à nos côtés ; les portes fermées de notre individualisme dans une société qui risque de s’atrophier dans la solitude ; les portes fermées de notre indifférence à ceux qui sont dans la souffrance et la pauvreté ; les portes fermées à ceux qui sont étrangers, différents, migrants, pauvres. Et même les portes fermées de nos communautés ecclésiales : fermées entre nous, fermées au monde, fermées à ceux qui “ne sont pas en règle”, fermées à ceux qui aspirent au pardon de Dieu.
S’il vous plaît : ouvrons les portes ! Essayons d’être nous aussi – avec nos paroles, nos gestes, nos activités quotidiennes – comme Jésus : une porte ouverte, une porte qui n’est jamais claquée au nez de personne, une porte qui permet à chacun d’entrer et de faire l’expérience de la beauté de l’amour et du pardon du Seigneur.
Je le répète en particulier à moi-même, à mes frères évêques et prêtres : à nous, pasteurs. Parce que le pasteur, dit Jésus, n’est ni un brigand ni un voleur (cf. Jn 10, 8) ; Il ne profite pas de son rôle, il n’opprime pas le troupeau qui lui est confié, il ne “vole” pas l’espace à ses frères laïcs, il n’exerce pas une autorité rigide. Encourageons-nous à être des portes toujours plus ouvertes : des “facilitateurs” de la grâce de Dieu, experts en proximité, disposés à offrir notre vie, tout comme Jésus-Christ, notre Seigneur et notre tout, nous l’enseigne à bras ouverts depuis la cathèdre de la croix, et nous le montre à chaque fois sur l’autel, Pain vivant rompu pour nous. Je le dis aussi aux frères et aux sœurs laïcs, aux catéchistes, aux agents pastoraux, à ceux qui exercent des responsabilités politiques et sociales, à ceux qui vivent simplement leur vie quotidienne, parfois avec difficulté : soyez des portes ouvertes.
Laissons le Seigneur de la vie entrer dans nos cœurs, sa Parole qui console et guérit, pour sortir ensuite et être nous-mêmes des portes ouvertes dans la société. Êtres ouverts et inclusifs les uns envers les autres, pour aider la Hongrie à grandir dans la fraternité, chemin de la paix.
Bien-aimés, Jésus Bon Pasteur nous appelle par notre nom et prend soin de nous avec une
infinie tendresse. Il est la porte et celui qui entre par Lui a la vie éternelle : Il est donc notre avenir, un avenir de « vie en abondance » (Jn 10, 10). Ne nous décourageons donc jamais, ne nous laissons pas voler la joie et la paix qu’il nous a données, ne nous enfermons pas dans les problèmes ou dans l’apathie.
Laissons-nous être accompagnés par notre Pasteur : avec Lui notre vie, que nos familles, nos
communautés chrétiennes et toute la Hongrie resplendissent de vie nouvelle !