« Bouddhistes et chrétiens : Guérir l’humanité blessée et la terre par le karuna et l’agapè »: tel est le titre du message du dicastère pour le dialogue interreligieux aux bouddhistes pour la fête de Vesak 2023.
Le message signé par le préfet du Dicastère, le cardinal Miguel Ángel Ayuso Guixot, M.C.C.J, et par le secrétaire du même dicastère, Mgr Indunil Janakaratne Kodithuwakku Kankanamalage, a été écrit le 16 avril dernier et a été publié ce vendredi 21 avril 2023.
Les bouddhistes, lit-on dans le texte, offrent « la guérison » lorsqu’ils incarnent « le karuna – la compassion envers tous les êtres, enseignée par le Bouddha » ou lorsqu’ils agissent « de manière désintéressée comme l’a fait le Bodhisattva ». « Ceux qui demeurent avec un esprit accompagné de compassion offrent un antidote aux crises mondiales », « en offrant une compassion globale en réponse à des maux répandus et interconnectés ».
Pour les chrétiens, indique le message, « il n’y a pas de remède plus efficace que la pratique de l’agapè (l’amour désintéressé), le grand héritage que Jésus a laissé à ses disciples ». « Jésus fait à ses disciples le don de l’amour divin – l’agapè – et leur enseigne à s’aimer les uns les autres ».
Le « Vesak », jour de la pleine lune du mois de mai, « est le jour le plus sacré pour des millions de bouddhistes à travers le monde », lit-on sur le site des Nations Unies. « C’est le Jour du Vesak, il y a 2 500 ans, en 623 av. J.-C., que le Bouddha est né. C’est également le Jour du Vesak que le Bouddha a atteint l’état d’illumination et qu’il est décédé dans sa quatre-vingtième année. »
En 1999, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la journée du Vesak Journée internationale.
Voici la traduction officielle du Saint-Siège du Message aux bouddhistes pour la fête de Vesak 2023.
Message du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux :
Bouddhistes et chrétiens
Guérir l’humanité blessée et la terre par le karuna et l’agapè
Chers amis bouddhistes,
Ce Dicastère, anciennement connu sous le nom de Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, vous adresse ses salutations cordiales à l’occasion du Vesak, période festive au cours de laquelle vous célébrez la naissance, l’illumination et la mort du Bouddha. Puisse cette fête vous inciter une fois de plus à poursuivre votre quête de compréhension de la nature de dukkha, des conditions qui en sont la cause et de la manière dont elle peut être surmontée.
La vie a son lot de souffrances et de blessures, et les occasions festives peuvent nous permettre de prendre le recul nécessaire par rapport à notre routine quotidienne pour les aborder avec un regard renouvelé. La communication accrue dans le monde globalisé d’aujourd’hui nous a fait prendre conscience que les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne sont pas isolés, mais qu’ils sont le résultat de tensions et de maux qui touchent l’ensemble de l’humanité. Les blessures qui affligent le monde sont nombreuses : pauvreté, discrimination et violence ; indifférence à l’égard des pauvres, asservissement résultant de modèles de développement qui ne respectent pas la personne humaine et la nature ; haine motivée et alimentée par l’extrémisme religieux et nationaliste ; et surtout, attitude de désespoir à l’égard de la vie exprimée par divers types d’anxiété et d’addiction. Toutes ces réalités mettent douloureusement en évidence notre vulnérabilité commune.
La conscience aiguë de cette vulnérabilité partagée appelle de nouvelles formes de solidarité façonnées par nos traditions religieuses respectives, vers lesquelles nous nous tournons pour trouver « la réponse aux énigmes cachées de la condition humaine, qui agitent profondément le cœur humain » (cf. Nostra Aetate 1). Parce que nous formons une seule famille humaine, nous sommes tous liés les uns aux autres en tant que frères et sœurs, co-habitants interdépendants de la terre. Nous naviguons sur le même bateau, « où le mal de l’un porte préjudice à tout le monde. Nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble » (Pape François, Fratelli Tutti, 32). C’est pourquoi nous considérons qu’il est opportun de rappeler le potentiel de nos traditions religieuses respectives pour offrir des remèdes capables de guérir nos blessures douloureuses, ainsi que celles de nos familles, de nos nations et de notre planète.
Chers amis bouddhistes, vous offrez la guérison lorsque vous incarnez le karuna – la compassion envers tous les êtres, enseignée par le Bouddha (Sutta Nipata 1.8, Sutta Nipata 2.4), ou lorsque vous agissez de manière désintéressée comme l’a fait le Bodhisattva, qui a renoncé à entrer dans le Nirvana et est resté dans le monde pour œuvrer à l’allègement de la souffrance de tous les êtres jusqu’à leur libération. Le Bouddha décrit une personne entièrement informée par le karuna : « Il demeure avec un esprit accompagné de compassion, imprégnant une direction. Puis une deuxième direction. Puis une troisième direction. Puis une quatrième direction. Ainsi, au-dessus, en-dessous, autour, partout, s’identifiant à tous, il demeure imprégnant le monde entier des (êtres) avec un esprit accompagné de compassion, vaste, sublime, illimité, sans inimitié, sans malveillance » (Abhidhamma Pitakaya Vibhanga b). Ceux qui demeurent avec un esprit accompagné de compassion offrent un antidote aux crises mondiales que nous avons mentionnées, en offrant une compassion globale en réponse à des maux répandus et interconnectés.
De même, pour les chrétiens, il n’y a pas de remède plus efficace que la pratique de l’agapè (l’amour désintéressé), le grand héritage que Jésus a laissé à ses disciples. Jésus fait à ses disciples le don de l’amour divin – l’agapè – et leur enseigne à s’aimer les uns les autres (cf. Jn 15,13). Il donne l’exemple d’un homme qui a fait l’effort de prendre soin d’un étranger, ennemi de son peuple, qui avait été victime de voleurs : « Un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion. Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui » (Lc 10, 33-34). Le Samaritain fait preuve d’une proximité concrète avec la personne dans le besoin.
Je voudrais réitérer l’appel du pape François à servir les autres avec compassion, à aimer concrètement et non abstraitement, avec un amour qui « est grâce, générosité, désir d’être proche et qui n’hésite pas à se donner, à se sacrifier pour ses créatures bien-aimées. La charité, l’amour, signifient partager en tout le sort du bien-aimé. L’amour rend semblable, il crée une égalité, il abat les murs et les distances » (Message de Carême 2014). De même, l’accent mis par le Bouddha sur l’entraînement du cœur est particulièrement précieux alors que nous avançons ensemble dans nos efforts pour apporter la guérison : « Développez la méditation sur la compassion, car lorsque vous développez la méditation sur la compassion, toute cruauté sera abandonnée » (Maharahulovada Sutta – MN 62).
Puissions-nous tous nous efforcer de vivre avec plus d’amour et de compassion, et travailler ensemble à la construction d’un monde plus juste, plus pacifique et plus uni. Puissiez-vous « rayonner d’un amour sans limite envers le monde entier – en haut, en bas et à travers – sans entrave, sans malveillance, sans inimitié » (Karaniya Metta Sutta, Sn. 1.8). Et puissiez-vous profiter, chers frères et sœurs bouddhistes, de bénédictions abondantes et de la joie de contribuer à la guérison des blessures de la société et de la terre, notre maison commune.
Du Vatican, 16 avril 2023
Miguel Ángel Cardinal Ayuso Guixot, MCCJ, préfet
Mgr Indunil Janakaratne Kodithuwakku Kankanamalage, secrétaire