« On ne peut pas évangéliser sans témoignage, le témoignage de la rencontre personnelle avec Jésus-Christ », a affirmé le pape François devant plus de 20 000 personnes, pèlerins et touristes du monde entier, lors de sa catéchèse hebdomadaire. Le monde a besoin de « témoins », a-t-il rappelé à la suite de saint Paul VI, et témoigner, c’est « transmettre Dieu qui devient vie en moi ».
Au cours de l’audience générale de ce mercredi matin 22 mars 2023, sur la Place Saint-Pierre du Vatican, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur l’évangélisation en abordant le thème du « témoignage ». Il a rendu hommage au pape Paul VI, basant l’enseignement de ce jour sur l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, la « grande charte » de l’évangélisation dans le monde contemporain.
Le pontife a insisté sur l’indispensable « cohérence » entre « ce que l’on croit, ce que l’on proclame et ce que l’on vit », afin que le témoignage soit « crédible ». Pour donner ce témoignage, a-t-il expliqué, l’Église « en tant que telle » doit aussi « s’évangéliser elle-même », c’est-à-dire « parcourir un chemin exigeant, un chemin de conversion, de renouveau ». Peuple « immergé dans l’histoire » et « tenté par les idoles », l’Eglise a toujours besoin « d’être évangélisée » a martelé François.
Pour le pape argentin, l’Eglise, guidée par l’Esprit Saint, a besoin « d’écouter sans cesse ce qu’elle doit croire, les raisons de son espérance et le nouveau commandement de l’amour ». Elle doit être capable de « changer ses façons de comprendre et de vivre sa présence évangélisatrice dans l’histoire », sans « se réfugier dans les zones protégées de la logique du “on a toujours fait comme ça“ ». Le « protagoniste de l’évangélisation », c’est l’Esprit Saint, a-t-il conclu.
Catéchèse en italien du pape François (Traduction intégrale)
Chers frères et sœurs, bonjour !
Nous écoutons aujourd’hui la « grande charte » de l’évangélisation dans le monde contemporain : l’exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi de saint Paul VI (EN, 8 décembre 1975). Elle est actuelle, elle a été écrite en 1975, mais c’est comme si elle avait été écrite hier. L’évangélisation est plus qu’une simple transmission doctrinale et morale. C’est avant tout un témoignage : on ne peut pas évangéliser sans témoignage, le témoignage de la rencontre personnelle avec Jésus-Christ, le Verbe incarné en qui le salut s’est accompli. Le témoignage est indispensable car, avant tout, le monde a besoin « d’évangélisateurs qui leur parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et qui leur est familier » (EN, 76). Il ne s’agit pas de transmettre une idéologie ou une « doctrine » sur Dieu, non. C’est transmettre Dieu qui devient vie en moi : c’est cela le témoignage ; et en plus parce que « l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, […] ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins » (ibid., 41). Le témoignage du Christ est donc à la fois le premier moyen d’évangélisation (cf. ibid.) et une condition essentielle de son efficacité (cf. ibid., 76), pour que l’annonce de l’Évangile soit féconde. Être des témoins.
Il est nécessaire de rappeler que le témoignage comprend aussi la foi professée, c’est-à-dire l’adhésion convaincue et manifeste à Dieu Père, Fils et Esprit Saint qui nous a créés et nous a rachetés par amour. Une foi qui nous transforme, qui transforme nos relations, les critères et les valeurs qui déterminent nos choix. Le témoignage est donc indissociable de la cohérence entre ce que l’on croit, ce que l’on proclame et ce que l’on vit. On n’est pas crédible en affirmant seulement une doctrine ou une idéologie, non. Une personne est crédible s’il y a une harmonie entre ce qu’elle croit et ce qu’elle vit. Tant de chrétiens disent seulement qu’ils croient, mais vivent autre chose, comme s’ils ne croyaient pas. C’est de l’hypocrisie. Le contraire du témoignage, c’est l’hypocrisie. Combien de fois avons-nous entendu « ah, celui-là qui va à la messe tous les dimanches, et qui vit ainsi, ainsi, ainsi » : c’est vrai, c’est un contre-témoignage.
Chacun d’entre nous est appelé à répondre à trois questions fondamentales, formulées ainsi par Paul VI : « Croyez-vous vraiment à ce que vous annoncez ? Vivez-vous ce que vous croyez ? Prêchez-vous vraiment ce que vous vivez ? » (cf. ibid.). Il y a une harmonie : crois-tu à ce que tu annonces ? Vis-tu ce que tu crois ? Annonces-tu ce que tu vis ? Nous ne pouvons pas nous contenter de réponses faciles et toutes faites. Nous sommes appelés à accepter le risque de la recherche, même s’il nous déstabilise, en faisant pleinement confiance à l’action de l’Esprit Saint qui travaille en chacun de nous, nous poussant toujours à aller au-delà : au-delà de nos frontières, au-delà de nos barrières, au-delà de nos limites, quelles qu’elles soient.
En ce sens, le témoignage de la vie chrétienne implique un chemin de sainteté, fondé sur le baptême, qui nous rend « participants de la nature divine et, par la même, réellement saints » (Constitution dogmatique Lumen Gentium, 40). Une sainteté qui n’est pas réservée à quelques-uns, qui est un don de Dieu et qui demande à être accueillie et à porter du fruit pour nous et pour les autres. Nous, qui sommes choisis et aimés par Dieu, nous devons porter cet amour aux autres. Paul VI enseigne que le zèle pour l’évangélisation naît de la sainteté, d’un cœur rempli de Dieu. Nourrie par la prière et surtout par l’amour de l’Eucharistie, l’évangélisation fait à son tour grandir en sainteté les personnes qui la mettent en œuvre (cf. EN, 76). En même temps, sans la sainteté, la parole de l’évangélisateur « fera difficilement son chemin dans le cœur de l’homme de ce temps », mais elle « risque d’être vaine et inféconde » (ibid.).
Nous devons donc être conscients que les destinataires de l’évangélisation ne sont pas seulement les autres, ceux qui professent d’autres religions ou qui n’en professent aucune, mais aussi nous-mêmes, qui croyons dans le Christ et qui sommes membres actifs du Peuple de Dieu. Et nous devons nous convertir chaque jour, accepter la parole de Dieu et changer notre vie : chaque jour. C’est ainsi que se fait l’évangélisation du cœur. Pour donner ce témoignage, l’Église en tant que telle doit aussi commencer par s’évangéliser elle-même. Si l’Église ne s’évangélise pas elle-même, elle reste une pièce de musée. Au contraire, ce qui l’actualise continuellement, c’est l’évangélisation d’elle-même. Elle a besoin d’écouter sans cesse ce qu’elle doit croire, les raisons de son espérance et le nouveau commandement de l’amour. L’Église, qui est un peuple de Dieu immergé dans le monde et souvent tenté par les idoles – nombreuses – a toujours besoin d’entendre proclamer les œuvres de Dieu. Cela signifie, en un mot, qu’elle a toujours besoin d’être évangélisée, d’accueillir l’Évangile, de prier et de sentir la puissance de l’Esprit changer son cœur (cf. EN, 15).
Une Église qui s’évangélise pour évangéliser est une Église qui, guidée par l’Esprit Saint, est appelée à parcourir un chemin exigeant, un chemin de conversion, de renouveau. Cela implique aussi la capacité de changer ses façons de comprendre et de vivre sa présence évangélisatrice dans l’histoire, en évitant de se réfugier dans les zones protégées de la logique du « on a toujours fait comme ça ». Ce sont des refuges qui rendent l’Église malade. L’Église doit aller de l’avant, elle doit grandir continuellement, pour rester jeune. Cette Église est entièrement tournée vers Dieu, donc participante de son plan de salut pour l’humanité, et en même temps entièrement tournée vers l’humanité. L’Église doit être une Église qui dialogue avec le monde contemporain, qui tisse des relations fraternelles, qui génère des espaces de rencontre, en mettant en œuvre de bonnes pratiques d’hospitalité, d’accueil, de reconnaissance et d’intégration de l’autre et de l’altérité, et qui prend soin de la maison commune qu’est la création. En d’autres termes, une Église qui dialogue avec le monde contemporain, mais qui rencontre le Seigneur tous les jours et qui dialogue avec le Seigneur, et qui laisse entrer l’Esprit Saint, qui est le protagoniste de l’évangélisation. Sans l’Esprit Saint, nous ne pourrions que faire de la publicité pour l’Église, pas évangéliser. C’est l’Esprit Saint en nous qui nous pousse à l’évangélisation et c’est cela la vraie liberté des enfants de Dieu.
Chers frères et sœurs, je vous renouvelle mon invitation à lire et à relire l’exhortation Evangelii nuntiandi : je vous dis la vérité, je la lis souvent, parce que c’est le chef-d’œuvre de saint Paul VI, c’est l’héritage qu’il nous a laissé pour évangéliser.
© Traduction de Zenit