Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo

La joie est la loi fondamentale du chrétien parce qu’elle implique l’amour, par Mgr Francesco Follo (Partie 2)

La loi du bonheur réalisée et pas seulement désirée, attendue

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3) Les béatitudes et la vie consacrée dans le monde.

Le monde fonde la joie sur les biens possédés, sur le succès, ou sur toute autre chose de ce type. Jésus Christ, Lui, avec l’Evangile de la joie, nous invite à fonder notre joie sur Son amour et en l’imitant. En assumant ses traits paradoxaux d’homme vrai, parce que pauvre, doux, humble, en pleurs, affamé et assoiffé de justice, miséricordieux, pur de cœur, artisan de paix, persécuté  pour la justice (cf. Mt. 5, 3 – 10)

Une façon significative d’imiter le Christ et de mettre en pratique les béatitudes est celui des vierges consacrées dans le monde. En se donnant pleinement, ces femmes témoignent qu’il est possible d’être heureux sans se laisser fasciner par les choses du monde tout en y vivant. Devant les choses humaines nous sommes comme les grecs de l’antiquité devant la Méduse: pétrifiés ! Nous restons nous aussi pétrifiés et n’avons plus la capacité de croire, d’aller jusqu’à Dieu. Les choses terrestres ont un pouvoir de séduction; non seulement elles nous arrachent à Dieu, mais nous paralysent, nous empêche d’accéder à Lui, nous empêchent de faire une vraie expérience de ce qui est notre vraie richesse : Dieu ! Ces consacrées nous rappellent  que Dieu seul peut assouvir (Saint Thomas d’Aquin, Expositio in symb. Ap. 1), que Dieu seul suffit (Sainte Thérèse d’Avila[1]), que notre corps vit de notre âme et notre âme vit de Dieu, qu’en Le cherchant nous cherchons le bonheur (Cf. Saint Augustin, Confessions, 10, 20, 29). Et en trouvant Dieu, nous trouvons le vrai et l’éternel bonheur (P. Olivier Marie). Bonheur que l’evêque invoque sur la consacrée de la manière suivante : « et toi, Dieu toujours fidèle, sois leur fierté, leur joie, leur amour ; » Rituel de consécration des vierges n°24

 

 

Lecture patristique

Saint Augustin d’Hippone

Sermon 53

 

  1. La solennité de cette vierge sainte qui a rendu témoignage au Christ et qui a mérité que le Christ lui rendit témoignage, qui a été immolée en public et couronnée en secret, est pour nous un avertissement. Elle nous dit d’entretenir votre charité de ce discours évangélique où le Sauveur vient de nous faire connaître les voies diverses qui conduisent à la vie bienheureuse. Il n’est personne qui n’aspire à cette vie; on ne peut trouver personne qui ne veuille être heureux. Ah! si seulement on désirait mériter la récompense avec autant d’ardeur qu’on soupire après la récompense elle-même! Qui ne prend son essor quand on lui dit: Tu seras bienheureux? Il devrait donc entendre avec plaisir aussi à quelle condition il le sera. Doit-on refuser le combat lorsqu’on cherche la victoire? La vue de (254) la récompense ne devrait-elle pas enflammer le coeur pour le travail qui l’obtient? A plus tard ce que nous demandons; mais c’est maintenant qu’il nous est commandé de mériter ce que nous obtiendrons plus tard.

 

Commence à rappeler les divines paroles, les commandements et les récompenses évangéliques. – «Bienheureux les pauvres de gré, parce qu’à eux appartient le royaume des cieux. – Tu posséderas plus tard ce royaume des cieux; sois maintenant pauvre de gré. Veux-tu réellement posséder plus tard ce magnifique royaume? Vois quel esprit t’anime et sois pauvre de gré. Mais qu’est-ce qu’être pauvre de gré? Demandes-tu peut-être. Aucun orgueilleux n’est pauvre de gré; le pauvre de gré est donc l’homme humble. Le royaume des cieux est haut placé ; mais « quiconque s’humilie s’élèvera» jusques là (Lc 14,2).

 

  1. Considère ce qui suit: «Bienheureux ceux qui sont doux, car ils auront la terre pour héritage.» Tu veux posséder la terre? Prends garde d’être possédé par elle. Tu la posséderas si tu es doux; tu en seras possédé si tu ne l’es pas. Mais en entendant qu’on t’offre comme récompense la possession de la terre, n’ouvre pas des mains avares pour t’en emparer dès aujourd’hui, aux dépens même de ton voisin; ne sois pas le jouet de l’erreur. Posséder la terre, c’est s’attacher intimement à Celui qui a fait le ciel et la terre. La douceur en effet consiste à ne pas résister à son Dieu, à l’aimer et non pas soi dans le bien que l’on fait; et dans le mal que l’on souffre justement, à ne pas lui en vouloir mais à s’en vouloir à soi-même. Il n’y a pas un léger mérite de lui plaire en se déplaisant et de se déplaire en lui plaisant.

 

  1. Troisième béatitude: «Bienheureux ceux qui pleurent; car ils seront consolés.» Les pleurs désignent le travail, et la consolation, la récompense. Quelles sont, hélas ! les consolations de ceux qui pleurent d’une manière charnelle ? Aussi importunes que redoutables; car en essuyant leurs larmes, ils craignent toujours d’en verser de nouvelles. Un père, par exemple, se désole d’avoir perdu son fils, la naissance d’un autre le réjouit; celui-ci remplace celui qui n’est plus, mais il est pour lui un sujet de crainte comme le premier a été un sujet de tristesse, et il ne trouve dans aucun d’eux consolation véritable. La vraie consolation sera de recevoir ce qu’on ne pourra perdre, et on mérite d’en jouir plus tard, lorsque maintenant on gémit d’être en exil.

 

  1. Quatrième devoir et quatrième récompense: «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.» Tu veux être rassasié? Comment le seras-tu? Si tu aspires au rassasiement du corps, une fois les aliments digérés, tu ressentiras de nouveau le tourment de la faim ; car il est dit : «Quiconque boira de cette eau, aura soif encore (Jn 4,13).» Quand un topique étendu sur une plaie parvient à la guérir, toute douleur disparaît, mais la nourriture ne chasse la faim et ne restaure que pour un moment; car la faim succède au rassasiement; et en vain applique-t-on chaque jour le remède de la nourriture, il ne cicatrise point la faiblesse. Ayons donc faim et soif de la justice; c’est le moyen d’en être un jour rassasiés, car notre rassasiement viendra de ce qui maintenant provoque en nous et la faim et la soif. Que notre âme en ait faim et soif; pour elle aussi il y a une nourriture et il y a un breuvage. « Je suis, dit le Seigneur, le pain descendu du ciel (Jn 6,41).» Voilà le pain destiné à apaiser ta faim. Désire aussi le breuvage qui étanchera ta soif: «En vous,» Seigneur, «est la source de vie (Ps 35,10).»

 

  1. Autre maxime: «Bienheureux les miséricordieux, car Dieu leur fera miséricorde.» Fais-la et on la fera; fais-la envers un autre et on la fera envers toi. Tu es à la fois riche et pauvre, riche des biens temporels, pauvre des biens éternels. Tu entends un homme mendier. Tu mendies toi-même auprès de Dieu. On te demande, et tu demandes. Ce que tu feras envers ton solliciteur, Dieu le fera envers le sien. Plein d’un côté et vide de l’autre, remplis de ta plénitude le vide des pauvres, et le tien sera rempli de la plénitude de Dieu.

 

  1. Nous lisons encore: «Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu.» Telle est la fin de notre amour; mais c’est une fin qui nous perfectionne et non une fin qui nous détruit. On finit un repas et on finit un vêtement; un repas, quand on a consumé la nourriture; un vêtement, quand on achève de le coudre. Ici et là on achève; ici de consumer, et là de perfectionner. Quels que soient maintenant nos actes et nos vertus, nos efforts et les louables et innocentes aspirations de notre coeur, une fois que nous verrons Dieu nous serons entièrement satisfaits. Que pourrait chercher encore celui qui possède Dieu, et de quoi se contenterait celui à qui Dieu ne suffit pas? Ce que nous voulons, ce que nous cherchons, ce que nous ambitionnons, c’est de voir Dieu. Et qui n’aurait ce désir?

 

Mais considère ces paroles: «Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu.» Donc, afin de le voir, prépare ton coeur. Pour me servir d’une comparaison toute matérielle, à quoi bon désirer voir le soleil à son lever, si les yeux sont fermés par la maladie? Qu’on les guérisse et ils seront heureux de voir la lumière; s’ils restent malades, elle fera leur tourment. De même tu ne pourras voir sans la pureté du coeur, ce que ne sauraient contempler que les coeurs purs. Tu seras repoussé, éloigné, tu ne pourras jouir. «Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu.»

 

Combien de fois déjà le Sauveur a-t-il répété ce mot Bienheureux? Quelles causes a-t-il assignées à la béatitude? Quelles oeuvres et quels salaires, quels mérites et quelles récompenses a-t-il énumérés? Jamais jusqu’alors il n’avait dit: «Ils verront Dieu. – Bienheureux les pauvres de gré, car le royaume des cieux est à eux. Bienheureux ceux qui sont doux, car ils auront la terre en héritage. Bienheureux ceux qui pleurent; ils seront consolés. Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice; «ils seront rassasiés. Bienheureux les miséricordieux; ils obtiendront miséricorde.» Il n’a pas encore été dit: «Ils verront Dieu.» Nous arrivons aux coeurs purs; c’est à eux qu’est promise la vue de Dieu, et ce n’est pas sans motif, car ils ont des yeux pour voir Dieu. C’est de ces yeux que parle l’Apôtre quand il dit : « Les yeux éclairés de votre cœur. » Ep 1,18 Maintenant donc ces yeux, parce qu’ils sont faibles, sont éclairés par la foi ; devenus plus tard vigoureux, ils seront éclairés par la réalité même. «Tant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur; car nous marchons dans la foi et non dans la claire vue (2Co 5,6-7).» Et tant que nous marchons ainsi dans la foi, que dit de nous l’Ecriture? Que «maintenant nous voyons à travers un miroir, en énigme, et qu’alors ce sera face à face (1Co 13,12).»

[1] La prière complète de Sainte Thérèse d’Avila est: « Que rien ne te trouble que rien ne t’épouvante. Tout passe, Dieu ne change pas, la patience obtient tout ; celui qui possède Dieu ne manque de rien: Dieu seul suffit ! Que ton désir soit de voir Dieu; ta crainte, de le perdre; ta douleur, de ne pas le posséder; ta joie, de ce qui peut te conduire à lui, et tu vivras dans une grande paix ».

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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