Mgr Francesco Follo

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La joie est la loi fondamentale du chrétien parce qu’elle implique l’amour, par Mgr Francesco Follo (Partie 1)

La loi du bonheur réalisée et pas seulement désirée, attendue

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Dernier dimanche de janvier

Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph – Fête

 

1) La loi des Béatitudes.

L’évangile d’aujourd’hui nous propose les béatitudes, si connues, si citées et commentées que nous risquons de croire  que nous les connaissons déjà et de ne pas avoir besoin de les relire, de méditer à nouveau dessus pour mieux les comprendre et les appliquer.

Le premier mot prononcé par Jésus dans son discours de la Montagne est : « Heureux [1] » (Mt 5, 2). Tel le nouveau Moïse, le Messie a gravi la montagne et du haut de sa chaire, donné la loi qui désigne la joie comme un devoir pour le chrétien. En effet les Béatitudes dans l’évangile de saint Matthieu, répondent au Décalogue du Livre de l’exode. La première alliance nouée entre Dieu et le peuple d’Israël fut ratifiée par le don de la Loi et l’acceptation par Israël de cette volonté divine. La Nouvelle Alliance aussi commence par la loi, mais sa loi sont les Béatitudes[2] et elle est ratifiée par notre « oui », « fiat », « amen », grâce auquel en nous, en premier lieu, en Marie, la joie s’est incarnée et a établi sa demeure entre nous et en nous.

La loi chrétienne, les commandements de Dieu, les préceptes de l’Eglise, tous se réalisent dans le fait même que nous portons en nous la joie, qui est Jésus-Christ, cette joie qui vient de ce que nous avons Dieu en nous, que nous sommes non seulement aimés et croyons en l’amour, mais que nous répondons à cet amour en nous donnant pleinement au Seigneur. Voilà ce qu’est le bonheur : aimer parce qu’ont est aimé.

La Loi de l’Ancien Testament est totalement portée par le don de la « Loi des Béatitudes » du Nouveau Testament. Ce don nous fait comprendre effectivement que l’unique loi du chrétien ne peut être que la joie, à partir du moment où toutes les Béatitudes commencent toujours par le même mot: « heureux ». « Heureux » parce que pauvres, « heureux » parce que doux, « heureux » parce que purs de coeur, « heureux » les persécutés: de toute façon, toujours « heureux ». Les Béatitudes sont les lois que le Christ a données pour nous indiquer la vocation des fidèles associés à la gloire de sa Passion et de sa Résurrection. Les Béatitudes «  éclairent les actions et les attitudes caractéristiques de la vie chrétienne ; elles sont les promesses paradoxales qui soutiennent l’espérance dans les tribulations ; elles annoncent les bénédictions et les récompenses déjà obscurément acquises aux disciples ; elles sont inaugurées dans la vie de la Vierge Marie et de tous les saints » (CCC 1717).

Les Béatitudes sont la promesse d’une vie pleine et d’une loi qui indique un programme de vie heureux. Toutefois on ne saurait penser que ces béatitudes sont exemptes d’épreuves et souffrances, comme un «  bien être » purement terrestre. On doit les voir comme une possibilité  d’expérimenter que ce que l’on est, ou ce que l’on vit, a un sens (c’est-à-dire une direction et une signification), donne la «  conviction », « une raison » selon laquelle la vie vaut la peine d’être vécue. Se rappeler aussi que ce bonheur est mesurable à la fin du parcours entrepris, parce que durant notre cheminement il est présent, mais il arrive que les épreuves, les souffrances, la passion, le contredisent.

Vivre les Béatitudes c’est vivre comme le Christ, mais c’est difficile, en effet le christianisme « n’est pas facile, mais heureux » (Paul VI).

 

 

            2) Portrait du Christ et le nôtre.

Les béatitudes ne sont pas seulement la nouvelle loi que le Christ promulgue. Celles-ci « dépeignent le visage de Jésus-Christ et en décrivent la charité » (CCC 1717), faisant ressortir les traits de sa figure et mettant en évidence sa manière de penser et d’agir que nous devons faire nôtre avec amour.

D’un côté, les béatitudes sont un portrait du Fils de Dieu venu parmi nous, de l’autre, elles décrivent les caractéristiques du disciple qui, dans les pas du Maître, par la force de l’Esprit, vit l’imitation de son Seigneur, en se laissant habiter par Lui. Donc,  nous mettons en pratique les béatitudes pour devenir des hommes neufs par le biais de la grâce qui nous vient de Jésus: en elles nous reconnaissons le projet et le parcours de sainteté selon l’évangile, parce que le saint n’est que l’homme nouveau rendu tel par le Christ.

Ce que le Christ exige n’est pas seulement d’être des saints, parfaits en amour (« Vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » – Mt 5, 48), mais d’être des « bienheureux », heureux dans notre perfection, car la sainteté et le bonheur sont indissociables.

Mais si la béatitude suppose la perfection, qu’est-ce que la perfection?

C’est la présence de Dieu dans notre cœur, Dieu à qui nous avons dit « oui ».

C’est vivre la vie de Dieu, qui se donne à chacun de nous.

Par conséquent, il est important que chacun de nous prenne conscience de ce don que nous avons reçu. Et, dans la mesure où nous en aurons pris conscience, où nous aurons vraiment foi en ce don, nous serons en mesure alors de  faire tout autant l’expérience de cette joie d’être aimés.

Mais cette joie n’est pas seulement décrite dans l’Evangile du jour. Toute la liturgie de la Parole de ce dimanche met l’accent sur ce thème, partant en premier lieu de la béatitude de la pauvreté, comme on le voit dans le refrain du psaume responsorial, dans la lecture du livre de Sophonie, et dans le passage de la première lettre aux corinthiens, dans laquelle Paul affirme que Dieu se sert de ceux qui ne comptent pas pour confondre le monde. « Heureux le pauvre » implique certainement une invitation à mettre les pauvres au centre de l’attention. Le pauvre d’esprit est celui qui a confiance en Dieu, attend de Dieu, pose sa confiance uniquement en Lui. Comme l’entend saint Matthieu, la pauvreté ne peut se réduire à un abstrait détachement général des biens. C’est l’attitude concrète et publique, dont les béatitudes suivantes déterminent son contenu: la construction de la paix, la faim de justice, la miséricorde, la limpidité intérieure. Des attitudes toutes concrètes et actives. Bien que mettant au premier plan les attitudes intérieures et spirituelles, saint Mathieu n’oublie pas d’inviter  à un engagement concret et courageux pour la justice et la paix.

La loi chrétienne est donc : être contents, être heureux dans l’amour reçu et partagé dans un esprit de pauvreté.

Avec cette description existentielle proposée comme loi, le Rédempteur répond au désir inné de bonheur, qui est d’origine divine. Dieu l’a mis dans le cœur de l’homme pour l’attirer vers Lui, car Lui seul peut le combler. « Il est certain que nous voulons tous vivre heureux ; et dans tout le genre humain, il ne se trouve qui n’approuve cette proposition, avant même qu’on ait fini de l’exprimer (Saint Augustin, De moribus ecclesiae catholicae, 1, 3, 4: PL 32, 1312). « Comment donc vous chercher, ô mon Dieu ? Quand je vous cherche, vous, mon Dieu, c’est le bonheur que je cherche. Ah ! Puissé-je vous chercher pour que vive mon âme ! Car mon corps vit de mon âme, et mon âme vit de vous ! ” (Saint Augustin, Conf., 10, 20, 29).

«  Seul Dieu peut assouvir » (Saint Thomas d’Aquin, Expositio in symb. Ap. 1). C’est pourquoi il est juste et bon de reconnaitre que la joie des béatitudes trouve son fondement dans la certitude d’un meilleur avenir, en communion avec Dieu et comme don de Dieu, et en même temps dans la joyeuse découverte  que dès à présent il est possible de goûter à une nouvelle façon de vivre.

[1] La traduction par l’adjectif « heureux » du mot grec « makárioi » d’où vient également l’expression italienne « magari » ne rend pas tout à fait le sens de cet adjectif en grec. « Heureux » ne doit pas être compris comme un simple adjectif, mais comme une invitation au bonheur, à une vie pleine, à la conscience d’une joie que rien ni personne ne peut voler ou éteindre (cf. Jn 16,23). « Heureux » vaut aussi pour « bénis » (cf. Mt 25,34), par opposition aux « malheurs »  (cf. Mt 23,13-32; Lc 6,24-26), mais indique quelque chose qui n’est pas seulement une action de Dieu qui rend justes et saufs le jour du jugement (cf. Ps 1,1; 41,2), mais qui, déjà à l’époque, donne un sens, une espérance consciente et joyeuse à qui ce mot s’adresse.

[2] Les Béatitudes sont présentées fréquemment comme l’antithèse néotestamentaire au Décalogue, comme, pour ainsi dire, la plus haute éthique chrétienne vis-à-vis des commandements de l’Ancien Testament. Cette interprétation déforme complètement le sens des paroles de Jésus. Pour Jésus, la validité du Décalogue est un acquis (cf. Par ex., Mc 10,19; Lc 16,17); le Discours de la montagne reprend les commandements de la Seconde Table et les approfondit, ne les abolit pas (cf. Mt 5,21-48); cela s’opposerait diamétralement au principe fondamental affirmé dans ce discours sur le Décalogue: « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. » (Mt 5,17s). En tout cas il est important de souligner que Jésus n’entend pas abolir le Décalogue, au contraire il le renforce.

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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