Quelques mots du discours de clôture de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la CEF, ont retenu très particulièrement mon attention, et je crois de mon devoir de prêtre de demander à tous les catholiques qui aiment toujours leur Église de bien les méditer « Alors que nous sommes arrivés meurtris, nous repartons plus résolus que jamais ». Ce qui signifie que l’Église continue et que ce qui s’est passé à Lourdes n’est pas l’avant dernier acte ou le dernier d’une tragédie sur l’Église « Chronique d’une mort annoncée ». J’ai malheureusement le sentiment que c’est ce que souhaitaient certains, pour faire accepter une Église qui serait aurait dû, en fin de compte, se modifier au mépris de l’Écriture et de sa Tradition. Oui je suis heureux que nos évêques affirment qu’ils sont résolus, malgré le fait, je n’en doute pas, qu’ils demeurent meurtris.
La lecture de la lettre de Son Éminence le Cardinal Ricard a bouleversé. Malgré ce qu’il a pu faire de répréhensible il y a trente-cinq ans, je ne puis oublier tout son travail au service de l’Église. Il a réglé avec la jeune personne concernée ce qu’il y a eu de répréhensible, il l’a écrit, je le crois, je suis sûr qu’il s’est confessé, je crois au pardon, j’ai été témoin de la manière dont il a exercé certaines de ses responsabilités en France, je lui dis aujourd’hui mon estime et mon respect.
On peut se demander pourquoi il a éprouvé le besoin d’écrire une telle lettre qui n’apporte rien au débat qui secoue l’Eglise, qui n’est d’aucune aide pour la personne blessée à l’époque, et qui a aujourd’hui 49 ans. Elle est peut-être mariée, mère de famille, elle n’a jamais porté plainte auprès de qui que ce soit ? Quel bien va-t-elle tirer de cette révélation ? On peut aussi s’interroger sur l’opportunité de donner un nombre d’évêques concernés par des affaires d’agressions sexuelles, très différentes, certains protagonistes relaxés, d’autres en cours de jugement, d’autres morts. On s’est perdu dans les chiffres, le président a rectifié.
J’entends bien que certains lui reprochent d’avoir tout dit, y compris lire la lettre du cardinal ! En des temps normaux, on pourrait en discuter. Mais depuis la divulgation du rapport de la CIASE, ses chiffres effrayants, un climat de suspicion règne dans l’Eglise. On avait joué sur le registre du sensationnel – 330.000 victimes – on demeure dans ce ton ! Comme l’écrivait un hebdomadaire pour faire sa publicité « le poids des mots, le choc des photos ». Ajoutons à cela que cette suspicion a éveillé des vocations de surveillance multiple. Le président de la CEF était donc obligé de rendre publiques toutes les informations qu’on lui adressait sous peine d’être accusé de rétention d’informations. Qui peut l’accuser honnêtement de ne pas avoir pris ce risque ? Pas moi !
C’est pourquoi je dis pour conclure ma tristesse de voir madame Véronique Margron rejeter de l’huile sur le feu ! À propos du cardinal Ricard, elle ne craint pas d’écrire « je pense à ces supérieurs qui ont minimisé, caché des abus, qui n’ont pas voulu voir à quel point la situation était grave : ils ont été naïfs, mais la naïveté nous rend coupables ». Mais qu’en sait-elle puisqu’il n’y a pas eu de plainte ! Et d’ajouter « ça me coûte beaucoup de le dire, mais je pense sincèrement qu’on ne peut plus croire les évêques. » Madame Margron présidente de la conférence des religieux et religieuses de France est mal placée pour porter un tel jugement qui condamne tous les évêques ! Comme coup de poignard dans le dos on ne saurait mieux faire !
Or l’urgence actuellement est de veiller à ce que des scandales ne se reproduisent plus. Et qu’en particulier des personnes mises nommément en cause par le rapport de la CIASE ne puissent plus nuire. J’espère que madame Margron aura une vigilance semblable à celle de nos évêques pour que l’exigence de tolérance zéro ne se résume pas à des discours qui suspectent ou accusent les autres, mais se concrétise par des actes concrets. Je redis ma confiance à nos évêques et prie pour eux !
Père Michel Viot
Prêtre du diocèse de Paris, ancien pasteur et évêque protestant converti à l’Église catholique