Mgr Francesco Follo © CCIC Centre Catholique International de Coopération avec l'UNESCO

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La Vie après la vie, par Mgr Francesco Follo

Méditation sur les lectures de dimanche 6 novembre 2022

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XXXIIème Dimanche du Temps Ordinaire – Année C- 6 novembre 2022

Rite Romain 2Mac 7,1-2.9-14; Ps 16; 2 Ts 2,16-3,5; Lc 20,27-38

Solennité de Notre Seigneur Jésus Christ le Roi de l’Univers

  1. Le Dieu des vivants

Le passage de l’Évangile de ce dimanche parle de la vie au-delà de la mort, en nous narrant une question surprenante que les Sadducéens  posent à Jésus ; sa réponse est encore bien plus surprenante.

Certains sadducéens se rapprochent du Messie dans le Temple car ils veulent faire dire au Christ quelque chose qui leur permet, sinon de le condamner, mais du moins de le gêner. Ils Lui demandent : « S’il y a la résurrection, qu’est-ce qui arrive dans ce cas-là ? ». Ils Lui présentent un cas hypothétique et invraisemblable où sept frères épousent l’un après la mort de l’autre, la même femme pour suivre la loi du lévirat  qui prescrivait au beau-frère de prendre comme épouse la femme du frère décédé sans enfants.

Dans ce cas improbable, les Saducéens essayaient de démontrer que l’idée de la résurrection  était absurde et étrangère à l’Ecriture. En présentant l’hypothèse paradoxale de la femme épousée sept fois, c’était comme dire que l’existence de la résurrection conduisait à des complications inadmissibles. Donc, ils étaient certains ridiculiser n’importe quelle réponse de Jésus, s’il avait affirmé l’existence de la résurrection qui était pour eux une idée ridicule et étrangère à l’Ecriture : c’était une sorte de superstition populaire.

Jésus répond à la question des Saducéens : «  Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui » (Lc 20, 34 – 38).

Pour bien comprendre la réponse de Jésus, il faut rappeler que, dans l’Ancien Testament, la certitude d’une vie future qui dépasse le seuil de la mort et assure un destin heureux et lumineux à l’homme, n’avait pas encore atteint la maturité et la force qui aura dans le Nouveau Testament. Dans l’Evangile, cela devient clair grâce à la révélation du Christ, confortée par sa propre résurrection, trois jours après sa mort sur la Croix.

Jésus parle d’une vie au-delà de la mort, une vie dans laquelle le juste est en pleine communion avec Dieu, le Dieu des vivants dont Moïse avait déjà parlé (cfr. Ex. 3,6). Ce verset de l’Exode, qui fait partie du Pentateuque et était reconnu par les Sadducéens comme livre inspiré, ne parle pas directement de la résurrection du Seigneur en tant que Dieu des vivants. Ce faisant, Jésus conduit la discussion à la racine, c’est-à-dire à la conception du Dieu vivant et sa fidélité: si Dieu aime l’homme, il ne peut pas l’abandonner au pouvoir de la mort.

Le pouvoir de l’homme sur l’homme  est une domination qui donne souvent la mort aux vivants, celui de Dieu est service, qui toujours donne la vie aux morts. Jésus enseigne que les ressuscités sont fils de Dieu qui participent pleinement à la vie divine. Nous ne pouvons pas nous imaginer comment cette vie sera, mais il est certain que ce sera une vie pleine, dans la joie de l’amour  réciproque. Notre Dieu n’est pas un Dieu des morts, mais des vivants. Il est au service de la vie, Il est la vie. La mort n’est pas le dernier mot sur tout et tout le monde, et Dieu est un Père qui aime et donne à ses enfants la vie à jamais. Il ne tue pas ses enfants. Il les aime tellement que, pour leur donner la vie, il a envoyé son Fils Jésus, qui a donné sa vie pour eux.

2) Une vie et un amour à partager pour l’éternité. 

Les Sadducéens, malheureusement, ne sont pas les seuls à ne pas croire en la résurrection. Hier comme aujourd’hui, beaucoup de monde, chrétiens et non chrétiens, se demandent quel est le sens de la résurrection. Comme les non-croyants, nous, les chrétiens, disons souvent : « L’important, c’est la santé ». L’important est de prolonger la vie dans la façon la plus décente  possible. Et au lieu de nous poser la question d’une bonne vie, nous discutons sur la bonne mort (en effet, « euthanasie » signifie bonne mort).

Evidemment, dans cette perspective où la mort est un fait à affronter d’une façon la moins douloureuse possible, il est très difficile d’accepter la révélation de la résurrection. Par contre, la résurrection est thème fondamental. La résurrection est le principe de la vie chrétienne. C’est si vrai que les Apôtres dirent  – lorsqu’ils ont dû choisir quelqu’un à la place de Judas Iscariote – : «  Prenons un qui avec nous a été témoin de la résurrection ». Et dans la lettre aux Corinthiens, Saint Paul écrit  « Et si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu » (ch 15, 14). Sans la résurrection, le Christianisme n’a aucune valeur. Avec la résurrection -la résurrection de la chair- donc, (le terme « chair désigne l’homme dans sa condition de faiblesse et de mortalité, cfr Gn 6, 3 ; Ps 56,5 ; Is 40,6), tout Christianisme est debout ou sinon, il s’effondre, au-delà de toutes sucreries, tout romantisme sur la bonté et sur l’amour.  

Les paroles du Christ aux Sadducéens sont claires : « Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui » (Lc 20, 37-28) et donc, ceci ne sont pas morts. S’ils sont à Dieu : ils sont vivants.

Dieu est Vie, il est le Dieu qui donne la vie, il est le Dieu qui aime la vie et le Fils de Dieu nous dit clairement que la vie vient de Dieu : “tout le monde vit pour lui”. Tout d’abord, ce n’est pas pour la peur de la mort que nous, les croyants du Christ, « attendons la vie éternelle ». Nous l’attendons parce que nous avons appris de Dieu que la vie nait de Dieu et  que Lui seul donne de vivre. Nous avons compris que Dieu ne sera pas absent au moment de notre mort parce qu’il est à l’origine  de notre naissance et de celle de chaque nouvel enfant. 

Celui qui a voulu Abraham, Isaac, Jacob et chacun de nous, ne peut pas nous avoir mis au monde, à la lumière du monde, pour nous envoyer dans les ténèbres de la mort. Il ne nous a pas fait naitre pour nous faire mourir. Il est le Dieu des vivants, non pas des enfants morts.   

 

3) Résurrection et virginité

En conclusion de ces réflexions sur la rencontre des Sadducéens avec le Christ, je voudrais souligner que le débat de Jésus avec ces hébreux a pour thème la résurrection, mais  il  nous offre aussi un enseignement sur la virginité. 

Le Messie enseigne que les ressuscités ne prennent ni femme ni mari. Cela implique que l’état final de l’humanité est l’état virginal,  au sens où le rapport exclusif entre homme et femme, avec ses significations d’unité et fécondité, n’a plus de raison d’exister dans une phase conclusive de l’histoire. Quand « Dieu sera tout en tous » (cfr 1 Cor 15, 28), il y aura un seul amour et il sera l’amour trinitaire. Lorsque le rapport exclusif entre homme et femme aura cessé, l’amour trinitaire que les ressuscités expérimenteront sera un amour virginal.   

Alors, nous comprenons mieux la valeur de la vie des vierges consacrées dans le monde : ces femmes sont un « signe »  qui indique ce que sera la vie de tous les jours dans le Ciel.  (cf rituel de consécration des vierges n° 24) 

Ces femmes consacrées témoignent qu’accueillir le Christ comme Seigneur de façon pleine et exclusive veut dire témoigner concrètement la vérité du prologue de Saint Jean : « à tous ceux qui l’ont reçu, (Jésus) a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu », « enfants de la résurrection » dans le Fils qui a vaincu la mort. Ces femmes montrent dans une façon spéciale que les chrétiens participent désormais de la nature et de la vie divine, et elles sont ici en ce temps et en ce monde « jugées dignes d’un autre monde et de la résurrection des morts ». Elles vivent chaque relation de façon différente, céleste parce qu’« elles sont pareilles aux anges ». Dans l’Eglise qui est le monde sauvé, les vierges représentent le témoignage et le signe de l’état de la résurrection finale, où on ne prend pas ni femme ni mari, comme les mariés sont le signe du Christ époux de l’Eglise et les prêtres sont signes de la présence efficace du Christ pasteur. 

Lecture patristique

Homélie du II° siècle

« Dans sa miséricorde, Dieu nous ressuscite »

Il faut que nous regardions Jésus Christ ainsi que nous regardons Dieu: comme le juge des vivants et des morts, et il ne faut pas que nous estimions médiocrement notre salut. Car si nous estimons médiocrement le Christ, c’est que nous espérons aussi des réalités médiocres. Ceux qui accordent peu de valeur à ce qu’ils ont appris là-dessus sont en état de péché; et nous aussi, nous péchons, si nous ne savons pas à partir de quel lieu, par qui et pour quelle destination nous avons été appelés, si nous ne savons pas tout ce que le Christ a accepté de souffrir à cause de nous.

Que lui donnerions-nous en retour? Quel fruit qui soit digne de celui qu’il nous a donné? Quelle dette nous avons envers lui! Il nous a gratifiés de la lumière, comme un père il nous a déclarés ses fils, il nous a sauvés quand nous périssions. Quelle louange assez grande pourrions-nous lui donner? Comment le payer de retour pour toutes ses largesses? Notre esprit était si débile que nous adorions des pierres, du bois, de l’or, de l’argent et du bronze façonnés par les hommes, et toute notre vie n’était rien d’autre qu’une mort. Nous étions donc plongés dans l’aveuglement, notre vue était remplie de ténèbres, et voilà que nous avons retrouvé la vue, nous avons écarté, par son bon vouloir, le nuage qui nous enveloppait.

Car il a eu pitié de nous, sa tendresse s’est émue et il nous a sauvés, lorsqu’il a vu que nous étions dans l’égarement, que nous allions à notre perte et que nous n’avions aucun espoir d’être sauvés en dehors de lui. Car il nous a appelés alors que nous n’existions pas et il a voulu nous faire passer du néant à l’être !

Réjouis-toi, stérile, toi qui n’enfantais pas, éclate en cris de joie, toi qui n’as pas connu les douleurs , car plus nombreux sont les enfants de la délaissée que les enfants de celle qui a un époux. Ces paroles: Réjouis-toi, stérile, toi qui n’enfantais pas, s’adressent à nous; car c’est notre Eglise qui était stérile, avant que des enfants lui fussent donnés. Ces paroles: Pousse des cris de joie, toi qui n’as pas connu les douleurs, signifient les prières que nous devons, avec simplicité faire monter vers Dieu pour ne pas succomber, comme les femmes qui sont dans les douleurs. Ces paroles: car plus nombreux sont les enfants de la délaissée que les enfants de celle qui a un époux, voici ce qu’elles signifient: notre peuple paraissait délaissé par le Seigneur; mais maintenant que nous sommes croyants, nous sommes plus nombreux que ceux qui semblaient posséder Dieu.

Il est dit, dans un autre passage de l’Écriture : Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. Cela signifie que le Seigneur cherche ceux qui se perdent, voilà ceux qu’il faut sauver. C’est en effet une oeuvre grande et admirable d’affermir non pas les édifices solides, mais ceux qui s’écroulent. C’est ainsi que le Christ a voulu sauver ce qui était perdu, et qu’il a été le salut de beaucoup, lui qui est venu et qui nous a appelés alors que déjà nous étions perdus.

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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