Veronica v. Degenfeld Photo © Carl v. Degenfeld

Veronica von Degenfeld, Rome, 11 mai 2022 © Carl v. Degenfeld

Charles de Foucauld : une vie intérieure « de toutes les couleurs », par Veronica von Degenfeld

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Exposition de tableaux pour la canonisation

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Charles de Foucauld « avait ce talent naturel de ne pas être malheureux d’être seul » parce que « son monde intérieur était tellement fort que c’était, même dans la sécheresse, un univers de vie, de toutes les couleurs », explique l’artiste peintre Veronica von Degenfeld dans le cloître de la Trinité des Monts, à Rome.

A l’occasion des canonisations de César de Bus, Marie Rivier et Charles de Foucauld, dimanche 15 mai 2022, parmi les nombreuses activités autour des trois nouveaux saints français, organisées par les Pieux Etablissements de la France à Rome et à Lorette, une exposition d’une trentaine de tableaux de Veronica von Degenfeld, intitulée « Maître de l’impossible », a inondé de couleurs et de lumière le cloître de l’ancien couvent de la Trinité des Monts, à Rome.

Originaire d’Allemagne et résidant en Bavière, Veronica s’est formée à la peinture à Rome, Cologne, Paris, Londres et Münich. De l’Italie, elle garde le souvenir de ses premières années de formation, à la Zecca, d’abord, « l’excellente école italienne pour la monnaie ». Mais au bout d’un an, raconte-t-elle, « j’ai remarqué que le cercle m’enfermait et que les couleurs me manquaient ».

Elle poursuit alors dans l’atelier de peinture de Riccardo Tommasi Ferroni, « qui avait une très belle technique. C’était un symboliste, un Romain », se souvient-elle. « Puis j’ai passé deux ans et demi chez Romano Parmeggiani, qui m’a fait connaître la merveilleuse technique de la tempera à l’œuf, puis la palette de l’huile de la Renaissance, du baroque », « un cadeau particulier », estime-t-elle avec reconnaissance.

Veronica von Degenfeld a répondu aux questions de Zenit pour ses lecteurs.

HG

 

Qu’est-ce qui vous touche chez Charles de Foucauld ?

Je crois que c’est la bonté, qui est aussi une clé pour pas mal de toiles que j’ai pu faire ces dernières années, où l’on voit des rencontres de personnes qui se serrent dans leurs bras, qui s’étreignent et je me suis souvent demandé pourquoi je peignais cela tout le temps, ce que cela pouvait vouloir dire.

Je crois que la bonté est un autre mot pour la miséricorde. La miséricorde nous est tellement chère depuis si longtemps et en même temps, c’est un mystère. On se demande toujours : mais finalement qu’est-ce que la miséricorde, par quel biais y entrer ou s’en approcher ? Et du coup ce message de la bonté me semblait essentiel.

Existe-t-il un lien entre la bonté et la beauté ?

En grec, les deux mots ont la même racine. La beauté a besoin de servir l’amour, sinon elle devient tentatrice, elle pervertit et ce serait une caricature de la beauté.

Comment vos toiles, si colorées, peuvent-elles exprimer quelque chose de Charles de Foucauld, dont la sainteté peut paraître austère ?

Il avait ce talent naturel de ne pas être malheureux d’être seul. En fait il n’était pas seul, sinon il n’aurait pas aimé ces temps de solitude physique ou intérieure. Parce que sa vie intérieure était très riche, sinon il n’aurait pas pu choisir ce mode de vie, il se serait desséché comme une plante sans eau, dans le désert justement [rire] mais son monde intérieur était tellement fort que c’était, même dans la sécheresse, un univers de vie, de toutes les couleurs.

Vos peintures sont souvent pleines de vie et de joie. En quoi peuvent-elles rejoindre le monde d’aujourd’hui ?

Il y a un lien très étroit avec la réalité qui nous entoure. C’est comme un point d’exclamation pour dire un aspect d’espérance dans les réalités qui nous entourent. En particulier maintenant, après ce temps de pandémie, on pourrait s’effondrer, ce serait la réaction humaine. Mais Dieu est Dieu et il se révèle victorieux, justement dans ces moments les plus terribles.

La peinture peut-elle révéler quelque chose de Dieu ?

Dans ma peinture, on se trouve parfois devant et on se dit : « il y a peut-être un ‘pattern’ de couleurs, mais sans plus ». Mais si on prend le risque de rester un moment, de s’exposer à la toile, on entre dans un monde et tout à coup on voit surgir des personnes et quelque chose qui se révèle, qu’on n’avait pas imaginé avant.

‘Mystère’ signifie qu’il y a beaucoup plus. La peinture est peut-être simplement un marchepied qui peut, si cela marche, élever l’âme devant cette unique réalité qui nous entoure tous et qui veut remplir notre âme et notre cœur.

Il y a tant de manières de révéler Dieu : un beau geste, un sourire, une parole… La peinture a son langage propre. Parfois on abuse de la parole. On dit un mot qui ne déclenche rien ou le contraire de ce qu’on voulait dire, et la peinture est comme une nouvelle chance, avec son langage propre, par les yeux.

Peut-être y a-t-il également une signification d’actualité parce que le monde visuel est fort, il nous expose à des images, de plus en plus vite et peut-être la peinture a-t-elle quelque chose à révéler, elle nous invite à ralentir, à ne pas aller trop vite, pour permettre à quelque chose de se révéler.

Pourquoi peignez-vous ?

C’est un passe-temps jusqu’à la venue du Seigneur [rire]. Cela m’apporte un grand bonheur. C’est aussi beaucoup de travail bien sûr. Le début est toujours le moment le plus beau, plus que les semaines et les mois de maturation de la toile. Quand c’est fini, on est aussi très heureux. C’est un cadeau !

Y a-t-il des moments difficiles, de doutes ?

C’est toujours une aventure, je cherche à ne pas me répéter, si possible. C’est peut-être le plus grand défi : rester à l’écoute et ne pas se dire : « ça va marcher ».

Pour qui peignez-vous ?

Je peins plutôt pour les autres et j’espère de plus en plus. Parfois, devant une toile dont je ne sais pas encore comment elle va s’orienter, des personnes me viennent à l’esprit. C’est comme une manière de les porter dans mon cœur pendant mon travail.

Existe-t-il un lien entre la beauté et la vérité ?

Sans désir de vérité, sans cette recherche ou au moins ouverture – parce qu’à la fin il faut que ce soit donné – mais si l’orientation n’était pas vers la vérité, cela n’aurait aucun sens d’y mettre tant d’années de sa vie. Je crois que la seule chose qui rend libre, c’est la vérité.

Dans ma formation, pendant des années je n’ai peint que des nus ou des paysages, j’ai copié de vieux maîtres : j’ai passé des années à peindre à partir du réel visible, qui a ce lien immense avec la vérité, parce que c’est une donnée. On commence par ce qui est visible, ‘devant moi’ et ce réel visible mène ensuite à la vérité, si on garde le cœur et l’intelligence ouverts, dans une attitude d’humilité devant cette vérité qui se donne dans le réel, qui est derrière, plus profonde.

Cet aspect infini, inépuisable, est une consolation car chaque artiste se demande si l’inspiration pourrait s’arrêter un jour mais Dieu est fidèle et tellement infini. Par l’Incarnation, cet infini est entré en nous, cette folie d’amour de Dieu.

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Hélène Ginabat

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