« En ce 3e dimanche de Carême, nous sommes appelés à la conversion, c’est-à-dire à accueillir sans réserve le Seigneur dans notre vie et à l’aimer de tout notre cœur. Ainsi nous pourrons accomplir la volonté de Dieu, en créant une nouvelle forme d’existence animée par l’amour et destinée à l’éternité », explique Mgr Follo, dans ce commentaire des lectures de la messe de dimanche prochain, 20 mars 2022.
Exode de conversion au Dieu de miséricorde
1) L’Amour comme chemin de conversion[1].
L’argument principal du récit de l’Evangile d’aujourd’hui est la conversion-pénitence. Le démarrage est donné par deux faits de chronique qui se sont véritablement passés au temps de Jésus et qui sont uniquement relatés dans l’Evangile de Saint-Luc. Le premier concerne quelques Galiléens, tués par ordre de Pilate, et l’autre évoque les 18 personnes mortes écrasées sous la tour de Siloé (une construction défensive qui se trouvait au sud-est de Jérusalem, près de la source de Siloé).
A la question : « Pourquoi ces personnes sont mortes ? » Jésus affirme que les victimes n’étaient pas plus coupables que les autres habitants de Jérusalem. Au lieu de donner une réponse expliquant le pourquoi du mal dans le monde et de la mort des hommes, Jésus suggère de considérer les accidents non pas comme des châtiments mais comme des avertissements. En effet, le vrai accident, la vraie maladie mortelle, est le péché qui sépare l’homme de Dieu, source de vie, et des autres hommes rendant invivable la vie personnelle et sociale. Pour cela le rédempteur dit : « si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de la même manière » (Lc 13,5).
Il est surprenant que Jésus, l’Agneau qui enlève les péchés du monde, ait un ton aussi dur et catégorique. Heureusement, Saint Luc « l’évangéliste de la miséricorde », ajoute la parabole du figuier stérile aux paroles dures de cet avertissement. Ce fait permet de comprendre que l’affirmation du jugement divin qui s’abat sur ceux qui ne se convertissent pas doit être entendue en tenant compte que l’intention la plus profonde, ayant Dieu pour origine, « ne veut pas la mort du méchant mais que le méchant se convertisse de sa méchanceté et qu’il vive » (Ez 33,11).
Il y a un secret de miséricorde dans la parabole du figuier stérile, dans le bouleversement de cette histoire. Le patron de la vigne c’est Dieu au moment terrible du jugement final. Le vigneron c’est le Christ et c’est lui qui devrait couper l’arbre stérile. Mais quelque chose se passe dans la relation entre le Père et le Fils qui dilate le temps – une année (et depuis ce moment-là, plus de 2.000 ans se sont écoulés) – impliquant une possibilité nouvelle. Tout est grâce ; même notre conversion est une oeuvre de Dieu en Jésus. C’est rassurant de voir que le temps de la miséricorde se dilate, mais n’oublions pas que le Seigneur agit de cette manière pour rendre possible la conversion et non pour la renvoyer à l’infini.
N’oublions pas que la conversion ne consiste pas en des choses à faire mais en la rencontre avec le Christ, dirigeant vers lui notre coeur, notre mémoire et, par conséquence, nos actions. C’est une conversion au Christ, Vérité qui illumine et Amour qui se donne. Chaque baptisé, au-delà de toute limite, d’espace ou de culture, est appelé à cette conversion en prenant comme seule distinction celle de l’amour qui devient pardon et miséricorde. « Dans ce service (en grec : diaconie) de l’amour, nos yeux s’ouvrent sur ce que Dieu fait pour nous et sur la manière dont Il nous aime. Car Dieu nous a aimé en premier, l’amour, maintenant, n’est plus seulement un ‘commandement’ mais il est la réponse au don de l’amour avec lequel Dieu vient à notre rencontre » (Benoît XVI).
C’est pour cela que le Pape François poursuit en disant que « le commandement du Christ ‘aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé’ (Jn 15,12) n’est pas un simple précepte qui reste abstrait ou externe à la vie. Il est le chemin de l’Amour. Un chemin concret, un chemin qui nous porte à sortir de nous-même pour aller vers les autres. Jésus nous a démontrer que l’amour de Dieu se met en oeuvre dans l’amour du prochain » (Pape François).
Si l’homme ne se convertit pas à Dieu et à son prochain, il ne change pas l’esprit et le coeur, s’il erre par des voies qui diffèrent de celles du Christ, il ne se convertira pas en constructeur de paix et de justice et, cette terre se détruira parce qu’elle aura été construite sur le sable de la violence, de l’injustice et de la haine.
2) Repentance humble et Miséricorde patiente.
Dans la partie finale de l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus complète son enseignement sur la conversion urgente par la narration de la parabole du figuier qui ne donne pas des fruits. De cette façon il révèle la patience amoureuse de Dieu qui sait attendre parce qu’il est le « Père saint et miséricordieux qui n’abandonne jamais ses enfants » (Oraison – Collecte)). De notre côté, nous devons demander à Dieu qu’ « il détruise la dureté de l’esprit et du cœur, afin que nous sachions apprendre tes enseignements avec la simplicité des enfants, et que nous portions les fruits d’une conversion vraie et continue ». Donc, Dieu est patient, miséricordieux et source de bonté, mais il demande que nous demandions pardon avec une humble simplicité, parce que c’est uniquement si nous reconnaissons la misère de notre péché qui nous renverse, qu’Il nous soulèvera avec sa miséricorde (cfr Collecte d’aujourd’hui).
Si, repentis, nous présentons au Christ notre douleur, Lui, il nous confirmera dans son amour.
Vivre le Carême est, donc, prendre conscience de l’urgence de la conversion et reconnaître que nous sommes le figuier plein de feuilles mais sans fruits pour lequel Jésus, le viticulteur prévenant, invoque la patience du Père. Par la grâce de Dieu, cette fois encore, nous avons un peu de temps. Cette année encore, ces jours de Carême sont revenus parce que, repentis, nous nous tournons de façon décisive et stable vers le Christ, en lui consentant de prendre soin de nous pour nous rendre capables de fruits d’amour.
La route de notre retour c’est Jésus, en lui et pour lui tout s’achève. Le Christ, le signe plus haut, grand et clair de la Miséricorde patiente, nous raconte aujourd’hui la parabole du figuier stérile dans le but de souligner l’urgence de la conversion et, avec elle, de l’amour.
D’une part, la supplication de Jésus obtient du Père d’ « utiliser » la miséricorde patiente et, d’autre part, elle nous invite à valoriser la vie et à la vivre pleinement, dense de bien.
Chacun de nous est une personne conquise par l’amour du Christ parce que chacun de nous est poussé par cet amour grâce auquel il est tendrement possédé et qui, donc, pousse, nous presse et nous ouvre à l’amour pour le prochain.
Chacun de nous est appelé à se convertir à Dieu, en laissant le péché non pas par peur de ses châtiments mais parce qu’il éloigne de Lui notre coeur. Si notre coeur est converti à Dieu, Dieu se « convertit » à nous et « ne cachera pas sa face » (Tb 13,6) et nous ferons l’expérience de son amour miséricordieux.
3) La virginité comme forme stable de conversion.
La conversion ne se réduit pas au geste d’un moment ou d’une période plus ou moins longue. Elle est le « vivre orienté vers Dieu » même si pendant le Carême elle doit être plus empressée, dans le chemin tracé par l’évangile, jusqu’à la réalisation de la « parfaite stature du Christ » (cfr Eph 4,13). Si cette affirmation est correcte, comme je le pense, la conversion est une composante essentielle de la vie des vierges consacrées dans le monde qui se sont engagées à suivre le Christ d’une façon radicale. Ce fait de suivre complètement, totalement, est rendu stable par la consécration qui les conforme au mode de vie virginal et pauvre que le Christ Seigneur choisit pour lui-même et que la Vierge, sa Mère, embrassa. La virginité ne doit pas être vue comme un « non » à l’amour : qui adhère complètement au Christ, dit « oui » à son amour pur.
Pur : cet adjectif auquel on ne risque pas de donner une interprétation réduite, moraliste parce qu’il rappelle son contraire, ce qui est impur. En réalité, « pur » me rappelle, avant tout, une chose qui est comme elle devrait être. L’eau pure, l’air pur, l’intention pure. Ou le métal pur, l’or, l’argent. La pureté virginale est comme une beauté sans tâche, comme un regard limpide, vrai, authentique. Pur comme le « oui » de Notre Dame toute pure et toute belle : pure donc vraie.
Pendant ce Carême, que l’exemple de la Vierge Marie et de toutes les femmes qui se sont consacrées à son fils dans la virginité, rende nos coeurs purs. Alors notre amour sera enrichi par celui de Dieu. Il ne s’agira donc pas d’un amour appauvri, mais fort, et plus fécond.
Lecture Patristique
Syméon le Nouveau Théologien (+ 1022)
Catéchèses, 3, 347-370 (SC 96, 308-310)
Tout péché non regretté et non avoué est une blessure mortelle, comme aussi de tomber dans le désespoir, ce qui dépend de notre liberté et de notre volonté. Car, si nous ne nous abandonnons pas au gouffre du laisser-aller et du désespoir, les démons ne pourront absolument rien contre nous. Même après avoir été blessés, nous devenons plus courageux et plus expérimentés, si nous le voulons, par un fervent repentir. <>
Nous garder de toute blessure ne dépend pas de nous, mais il dépend de nous d’être immortels ou mortels. En effet, si nous ne désespérons pas, nous ne mourrons pas, la mort n’aura sur nous aucun pouvoir; mais nous serons toujours puissants si nous nous réfugions par le repentir auprès de notre Dieu, le tout-puissant et l’ami des hommes.
C’est pourquoi je m’exhorte moi-même, et vous tous avec moi, à manifester par nos bonnes actions tout notre zèle, tout notre courage, par la constance et l’endurance. Alors, poursuivant notre route selon tous les commandements et toutes les prescriptions du Christ, dans la ferveur de notre âme, nous parviendrons aux demeures éternelles sous la conduite de l’Esprit Saint, et nous serons reconnus dignes de nous tenir debout devant l’unique et indivisible Trinité, et de l’adorer dans ce même Christ, notre Dieu. A lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.
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[1] L’Amour du Christ nous possède (c’est la traduction officielle et récente (Bible CEI, 2008) qu’on trouve de la phrase de Saint Paul : Caritas Christi urget nos, en français, « l’Amour du Christ nous saisi ». Le Pape François commente ainsi cette phrase de Saint Paul : « L’Amour du Christ nous possède, nous dirige, nous presse. C’est bien à cela que répond la vitesse de Paul : quand il voit l’Amour du Christ, il ne peut rester immobile ». Saint Paul est ainsi véritablement une figure qui se hâte, avec « l’essoufflement propre à celui qui veut dire quelque chose d’important : il parle du oui de Jésus, de l’œuvre de réconciliation qu’à fait Jésus et également de l’œuvre de réconciliation du Christ et des Apôtres ». (15 juin 2013).