Rien de plus transgressif que l’Evangile: c’est en quelque sorte le défi lancé par L’Osservatore Romano, sous la plume de son directeur, Andrea Monda, le 2 février 2022, après un petit scandale au festival de la chanson de Sanremo (Italie), déclenché lors de l’ouverture, le 1er février, par Achille Lauro, nom de scène de Lauro De Marinis, auteur-compositeur-interprète et artiste italien de 31 ans.
Achille Lauro a interprété sur la scène du théâtre « Ariston » son titre « Domenica » (« Dimanche »), scandé par les six choristes « Gospel », vêtues de blanc.
Lauro, que certains applaudissent avec enthousiasme (« fantastico », « meraviglioso », bravissimo », « geniale »), que certains vomissent (notamment pour des gestes qualifiés d’ « obscènes »), que certains trouvent simplement « banal », « provocateur », « sans talent » (« La musique italienne a besoin de cela? », « Symbole de la décadence », « Pour microcéphales »), a achevé sa prestation en mimant, à genoux, un auto-baptême, torse nu sous un voile de tatouages, comme en extase.
Avec élégance, le directeur de L’Osservatore Romano, Andrea Monda, écrit dans l’édition italienne du 2 février: « Pris à partie par Fiorello*, dont la sympathie est irrésistible, nous voilà amenés à donner notre avis, comme demandé, sur Achille Lauro. Sur la pointe des pieds. Parce que Sanremo est Sanremo. L’Osservatore est L’Osservatore. Et dans ce cas il se borne à constater que, voulant être transgressif à tout prix, le chanteur s’est tourné vers l’imaginaire catholique. Rien de nouveau. Il n’y a pas eu de message plus transgressif dans l’histoire que celui de l’Evangile. De ce point de vue on oubliera difficilement la récitation du Notre Père, à genoux, par un grand artiste rock comme David Bowie. Il n’y a plus les transgresseurs d’autrefois. »
L’évêque de Sanremo, Mgr Antonio Suetta, a protesté pour sa part contre la « dérision » des « signes sacrés de la foi catholique », en déplorant que cela se produise sur une chaîne du « service public ».
Rappelons que le festival de Sanremo est chaque année transmis en direct par la RAI (Rai 1), qui n’est pas sans avoir des accords avec les évêques italiens sur la décence des programmes et le respect de la foi de millions de téléspectateurs italiens, qui regardent souvent Sanremo en famille.
L’ouverture du 72e festival de Sanremo a, somme toute, réussi son opération de communication: tout le monde en parle! Quant à Achille Lauro, on ne peut que lui souhaiter d’aller jusqu’au bout de la transgression, pour faire l’expérience évangélique dont parle Andrea Monda.
On se souvient peut être du message sur le « Dimanche » des 49 martyrs d’Abitène (Tunisie) dont ce sera la fête le 12 février et qui proclamaient: « Sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre ». Surpris lors d’une réunion le Jour du Seigneur, chez Octave Felix, en désobéissance directe aux dispositions impériales, ils furent mis à mort, en 303/304. La transgression et son prix. Un congrès eucharistique s’est inspiré de leur exemple en 2005 à Bari. En conclusion, Benoît XVI a souhaité que tous les baptisés redécouvrent la « joie du dimanche chrétien ». Un souhait en forme de défi pour tout chrétien: dans ce sens, Achille Lauro n’avait peut-être pas réalisé à quel point, son « Dimanche » pouvait devenir positivement provocateur.
*Rosario Tindaro Fiorello, dont le nom de scène est Fiorello, est un showman italien surdoué, chanteur, danseur et présentateur de radio et de télévision, humoriste, imitateur, très populaire, qui ne fait pas mystère de sa foi, et habitué de la scène de Sanremo. Tancé un jour par sa maman pour avoir, notamment, imité Mgr Georg Gänswein, il a promis de ne plus le faire.