Le pape François « compte sur l’apport » des mouvements d’Action catholique qui « ont développé, dans leur histoire, de vraies pratiques synodales, notamment dans la vie d’équipe qui forme la base de votre expérience ». C’est ce qu’il a affirmé ce jeudi 13 février, devant une délégation de l’Action Catholique en France.
Le pape François a reçu en audience un groupe de responsables de l’Action Catholique en France, ce jeudi 13 janvier 2022, dans la Salle Clémentine du Palais apostolique du Vatican. Cette rencontre, annoncée par un communiqué de la Conférence des évêques de France le 6 janvier dernier, s’inscrit dans une visite de 5 jours à Rome, préparée par deux ans de travail et de concertation, en vue de rencontrer le pape et ses proches collaborateurs.
Estimant que l’Eglise, « tout entière lancée dans un chemin synodal », « a plus que jamais besoin » des mouvements d’Action Catholique, le pape rappelle que la synodalité n’est ni « une simple discussion », ni « la recherche du consensus de la majorité, ni même « un programme à mettre en place ». C’est « un style à adopter », a-t-il expliqué, dans « lequel le premier protagoniste est l’Esprit Saint qui s’exprime en tout premier dans la Parole de Dieu, lue, méditée et partagée ensemble ».
Le pape François a souligné comment la Parole de Dieu était au cœur de la pédagogie de l’Action Catholique, résumée en trois verbes : voir, juger, agir. Après avoir fait « mémoire » afin de reconnaître la présence de Dieu dans sa vie, il s’agit, a-t-il dit, « d’accepter que sa vie soit passée au crible de la Parole de Dieu ». Quant à l’action, elle est « à l’initiative de Dieu » : notre rôle, a précisé le pape, consiste à « soutenir et favoriser l’action de Dieu dans les cœurs ».
Les jeunes n’ont pas été oubliés dans le discours du pape : il invite à « les rejoindre tels qu’ils sont », à « les faire grandir dans l’amour du Christ et du prochain » et « les porter à davantage d’engagement concret » pour que le monde change.
Discours du pape François
Chers frères et sœurs,
Je vous salue tous avec affection et je remercie Monseigneur Fonlupt pour ses aimables paroles. C’est une joie pour moi de vous recevoir, à l’occasion de votre pèlerinage à Rome. Je veux aussi saluer à travers vous tous les membres des équipes d’Action catholique en France, et je vous charge de les assurer de ma prière et aussi de ma proximité.
C’est une vieille habitude pour vos mouvements de venir rencontrer le Pape. Déjà en 1929, mon prédécesseur Pie XI avait reçu des représentants de l’Action Catholique et avait salué dans ce mouvement « le renouvellement et la continuation de ce qui a été aux premiers jours du christianisme, pour la proclamation du Royaume de Dieu, (…) dans la coopération du laïcat avec les Apôtres » (Audience du 12 juin 1929). Vous avez justement choisi comme thème de votre pèlerinage : “Apôtres aujourd’hui”. Je voudrais réfléchir avec vous sur notre appel à être effectivement apôtres aujourd’hui, à partir de l’intuition que vous a laissée l’une des grandes figures de l’Action Catholique, l’abbé Cardijn : la “révision de vie”. Lorsque les disciples cheminent avec Jésus sur le chemin d’Emmaüs (cf. Lc 24, 18-35), ils commencent par se souvenir des évènements qu’ils ont vécu ; puis ils discernent la présence de Dieu dans ces évènements ; enfin, ils agissent en repartant annoncer à Jérusalem la Résurrection du Christ. Voir, juger, agir : vous connaissez bien ces trois mots ! Reprenons-les ensemble.
Voir. Cette première étape est primordiale, elle consiste à s’arrêter pour regarder les événements qui font notre vie, ce qui constitue notre histoire, nos racines familiales, culturelles, chrétiennes. La pédagogie de l’Action catholique commence toujours par un moment de mémoire, au sens le plus fort du terme : une anamnèse, c’est-à-dire le fait de comprendre avec recul le sens de ce que l’on est et de ce qui a été vécu, et de percevoir comment Dieu était présent à chaque instant. La finesse et la délicatesse de l’action du Seigneur dans nos vies nous empêche parfois de la comprendre sur le moment, et il faut cette distance pour en saisir la cohérence. Dans l’encyclique Fratelli tutti, que vos équipes ont étudiée, je commence par un état des lieux sur la situation, parfois préoccupante, de notre monde. Il peut paraître un peu pessimiste, mais il est nécessaire pour aller de l’avant : « On ne progresse jamais sans mémoire, on n’évolue pas sans une mémoire complète et lumineuse » (Fratelli tutti, n. 249).
La deuxième étape, c’est juger ou, pourrait-on dire, discerner. C’est le moment où l’on se laisse interroger, remettre en cause. La clef de cette étape, c’est le recours à la Sainte Ecriture. Il s’agit d’accepter que sa vie soit passée au crible de la Parole de Dieu qui, comme dit l’épître aux Hébreux, est « vivante, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants (…) ; elle juge des intentions et des pensées du cœur » (4, 12). Dans Fratelli tutti, j’ai choisi la parabole du Bon samaritain pour interroger notre rapport au monde, aux autres, et en particulier aux plus pauvres. Dans la rencontre entre, d’un côté les évènements du monde et de notre vie, et de l’autre côté la Parole de Dieu, nous pouvons discerner les appels du Seigneur pour nous. Vos mouvements d’Action catholique ont développé, dans leur histoire, de vraies pratiques synodales, notamment dans la vie d’équipe qui forme la base de votre expérience. Notre Eglise est aussi tout entière lancée dans un chemin synodal, et je compte sur votre apport. Rappelons-nous justement que la synodalité n’est pas une simple discussion. Elle n’est pas un “adjectif”. Il ne faut jamais faire d’un adjectif la substantialité de la vie. La synodalité n’est même pas la recherche du consensus de la majorité, c’est ce que fait un parlement, comme cela se fait en politique. Elle n’est pas un plan, un programme à mettre en place. Non, elle est un style à adopter dans lequel le premier protagoniste est l’Esprit Saint qui s’exprime en tout premier dans la Parole de Dieu, lue, méditée et partagée ensemble. Prenons l’image concrète de la croix : elle a un bras vertical et un bras horizontal. Le bras horizontal, c’est notre vie, notre histoire, notre humanité. Le bras vertical, c’est le Seigneur qui vient nous rendre visite par sa Parole et son Esprit, pour donner son sens à ce que nous vivons. Être fixé à la croix de Jésus, comme dit Saint Paul (cf. Ga 2, 19), c’est accepter vraiment de mettre ma vie sous son regard, accepter cette rencontre entre ma pauvre humanité et sa divinité transformante. Je vous en prie, laissez toujours une place importante à la Parole de Dieu dans la vie de vos équipes. Accordez également une place à la prière, à l’intériorité, à l’Adoration.
Nous en arrivons à notre troisième étape : agir. L’Evangile nous apprend que l’action, qui est dans le nom même de votre mouvement, devrait toujours être à l’initiative de Dieu. Après la résurrection, saint Marc rapporte que « le Seigneur travaillait avec [les Apôtres] et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient » (16, 20). Ainsi, « l’agir appartient au Seigneur : c’est lui qui en a l’exclusivité, en marchant “incognito” dans l’histoire que nous habitons » (Discours du 30 avril 2021 aux membres de l’Action catholique italienne). Notre rôle consiste donc à soutenir et favoriser l’action de Dieu dans les cœurs, en s’adaptant à la réalité qui évolue sans cesse. Les personnes – et je pense plus particulièrement aux jeunes – que vos mouvements rejoignent ne sont pas les mêmes qu’il y a quelques années. Aujourd’hui, surtout en Europe, ceux qui fréquentent les mouvements chrétiens sont davantage sceptiques face aux institutions, ils recherchent des relations moins engageantes et plus éphémères. Ils sont plus sensibles à l’affectivité, et donc plus vulnérables, plus fragiles que leurs aînés, moins enracinés dans la foi, mais tout autant en recherche de sens, de vérité, et pas moins généreux. C’est votre mission, comme Action catholique, de les rejoindre tels qu’ils sont, de les faire grandir dans l’amour du Christ et du prochain, et de les porter à davantage d’engagement concret pour qu’ils soient les protagonistes de leur vie et de la vie de l’Eglise, afin que le monde puisse changer.
Merci, chers amis, merci de tout cœur pour votre service généreux dont l’Eglise a plus que jamais besoin, en ce temps ou je souhaite tellement que chacun trouve ou retrouve la joie de connaître l’amitié du Christ et d’annoncer l’Evangile. Vous demandant de me porter dans vos prières, je vous confie, vous les responsables, ainsi que tous les membres de vos équipes, à l’intercession de la Vierge Marie, et je vous donne la Bénédiction.
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