Lesbos, le pape et les enfants © Vatican Media

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Migrations: « Si un gouvernement ne peut pas accueillir plus d’un certain nombre de personnes… »

« Grandir dans l’intégration »

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« Si un gouvernement ne peut pas accueillir plus d’un certain nombre de personnes, il doit entamer un dialogue avec d’autres pays, qui prennent soin des autres, chacun », explique le pape François en réponse à une question de l’agence russe DPA (Manuel Schwarz), lors de sa conférence de presse dans l’avion de retour entre Athènes et Rome, ce lundi 6 décembre 2021. Le pape déplore la « cruauté » des renvois en Libye, avec les risques que cela représente. Il recommande un « accompagnement » aussi pour les migrants renvoyés. Il cite une nouvelle fois la faillite de l’accueil de migrants lorsqu’il n’y a pas en même temps d’accompagnement ni d’intégration ni de promotion…

Manuel Schwarz demandait: « La migration n’est pas seulement une question centrale en Méditerranée. Elle concerne également d’autres parties de l’Europe. Elle concerne l’Europe de l’Est. Pensons aux fils barbelés. Qu’attendez-vous de la Pologne, de la Russie, par exemple?  Et d’autres pays comme l’Allemagne, de son nouveau gouvernement… »

« Je dirai ceci à propos des personnes qui empêchent la migration ou ferment les frontières… Maintenant, il est à la mode de faire des murs ou du fil barbelé ou même du fil avec des concertinas (les Espagnols savent ce que cela signifie). Il est habituel de faire ces choses pour empêcher l’accès…

« La première chose que je dirais est la suivante: repensez à l’époque où vous étiez un migrant et qu’on ne vous laissait pas entrer. C’est vous qui vouliez vous échapper de votre pays et maintenant c’est vous qui voulez construire des murs. Parce que ceux qui construisent des murs perdent le sens de l’histoire, de leur propre histoire. De l’époque où ils étaient esclaves d’un autre pays.

« Ceux qui construisent des murs ont cette expérience, du moins une grande partie de celle-ci: celle d’avoir été des esclaves. Et si une telle vague de migrants arrive, vous ne pouvez pas gouverner. Je dirais ceci : chaque gouvernement doit dire clairement « Je peux recevoir tant de… ». Parce que les dirigeants savent combien de migrants ils peuvent recevoir. C’est leur droit. C’est vrai. Mais les migrants doivent être accueillis, accompagnés, promus et intégrés.

« Si un gouvernement ne peut pas accueillir plus d’un certain nombre de personnes, il doit entamer un dialogue avec d’autres pays, qui prennent soin des autres, chacun. C’est pourquoi l’Union européenne est importante. Parce que cela peut créer une harmonie entre tous les gouvernements pour la distribution des migrants. Pensons à Chypre, ou à la Grèce. Ou même à Lampedusa, en Sicile.

« Les migrants arrivent et il n’y a pas d’harmonie entre tous les pays pour les envoyer ici, ou là. Cette harmonie générale fait défaut. Je répète le dernier mot que j’ai dit: intégrer. Intégrer. Parce que si vous n’intégrez pas le migrant, ce migrant aura une citoyenneté de ghetto. Je ne sais pas si je l’ai dit une fois dans l’avion. L’exemple qui m’a le plus frappé est la tragédie de Zaventem.

« Les garçons qui ont fait cette catastrophe à l’aéroport étaient belges, mais enfants de migrants ghettoïsés et non intégrés. Si vous n’intégrez pas un migrant à l’éducation, au travail, aux soins, vous risquez d’avoir une guérilla, quelqu’un qui fait ensuite ces choses. Ce n’est pas facile d’accueillir les migrants, de résoudre le problème des migrants, mais si nous ne résolvons pas le problème des migrants, nous risquons de couler la civilisation, aujourd’hui, en Europe, dans l’état actuel des choses.

« Pas seulement un naufrage en Méditerranée. Non, notre civilisation. Laissez les représentants des gouvernements européens se mettre d’accord. Pour moi, un modèle d’intégration, d’accueil, c’est la Suède, qui a accueilli des migrants latino-américains fuyant les dictatures (Chiliens, Argentins, Brésiliens, Uruguayens) et les a intégrés. Aujourd’hui, à Athènes, je suis allé dans un internat. J’ai regardé. Et j’ai dit au traducteur, mais ici il y a une salade de cultures. Ils sont tous mélangés. J’ai utilisé une expression domestique. Il a répondu: «C’est l’avenir de la Grèce.» Intégration. Grandir dans l’intégration. C’est important.

« Mais il y a un autre drame que je veux souligner. C’est lorsque les migrants, avant d’arriver, tombent entre les mains de trafiquants qui leur prennent tout l’argent qu’ils ont et les transportent sur des bateaux. Quand ils sont renvoyés, ces trafiquants les reprennent. Et il y a des films au Dicastère des Migrants qui montrent ce qui se passe dans les endroits où ils vont quand ils sont renvoyés.

« De même, nous ne pouvons pas nous contenter de les accueillir et de les laisser, mais nous devons les accompagner, les promouvoir pleinement; ainsi, si je renvoie un migrant, je dois l’accompagner, le promouvoir et l’intégrer dans son pays, et non le laisser sur les côtes libyennes. C’est de la cruauté. Si vous voulez en savoir plus, demandez au Dicastère des migrations qui dispose de ce film.  Il existe également un film de « Open arms » qui montre cette réalité. C’est douloureux. Mais nous risquons la civilisation. »

© Traduction de Vatican News

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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