Jérusalem © WIKIMEDIA COMMONS - Wayne McLean

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« Ce qui surmonte la mort, ce n’est pas la vie, c’est l’amour », par Mgr Follo

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« Le Christ transforme la vie en une jeunesse qui dure pour toujours »

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« L’amour du Christ gagne à travers la mort, non en prolongeant la vie en une vieillesse décrépissante mais en transformant la vie en une jeunesse qui dure pour toujours ».

Mgr Francesco Follo propose ici une lecture de l’Evangile de dimanche prochain, 19 septembre 2021.

L’Observateur permanent du Saint-Siège à Paris, à l’UNESCO propose aussi, comme lecture patristique une page de Théophylacte.

 

Ce qui surmonte la mort, ce n’est pas la vie, c’est l’amour

            1) En marche vers Jérusalem, par amour.

Jésus s’achemine vers Jérusalem pour vivre sa Pâque de mort et résurrection.

Il se rend dans la Ville Sainte pour se remettre entre les mains du Père par les mains des hommes. L’amour, c’est se mettre entre les mains des autres et ne pas avoir les autres entre les mains : ceci est le pouvoir, la possession. L’autre, l’amour, est un don de soi. Le Fils de l’homme va se remettre entre les mains des hommes, qui le tueront. Il sait déjà ce qu’elles vont lui faire, et ce que nous allons lui faire, car nos mains donnent, trop souvent, tendues pour prendre, ses mains, en revanche, il les « utilise » pour se donner. Il est Dieu et Dieu donne tout, il se donne tout. Au contraire le mal gagne parce que nous sommes égoïstes non pas seulement parce que nous sommes mauvais, mais parce que nous pensons que personne ne nous aime. Alors on veut le garder en main, donc on le vérifie, mais on l’a déjà tué. Seulement Dieu peut se remettre complètement entre les mains de l’homme.

Le Rédempteur sait qu’à Jérusalem il rencontrera la mort alors, tout en marchant, il prépare ses disciples à ce fait dramatique et bouleversant. Pour la deuxième fois (nous avons entendu la première dimanche dernier) il leur dit qu’il sera livré aux hommes qui veulent le tuer, mais qu’Il vaincra la mort en ressuscitant trois jours plus tard.

Les disciples ne comprennent pas les paroles du messie, tant il est vrai qu’à leur arrivée à Capharnaüm ils avouent à leur maître que, sur le chemin, ils ont discuté de savoir qui était le plus grand d’entre eux. La réponse donnée par le Rédempteur nous étonne encore aujourd’hui. Il dit que le plus grand est celui qui sert et que le Royaume de Dieu se mesure à l’accueil fait aux petits : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé » (Mc 9,37). L’Evangile de saint Marc poursuit avec d’autres enseignements que nous verrons dimanche prochain. La prière (la collecte) de la messe d’aujourd’hui résume très bien cet enseignement : « O Dieu, Père de tous les hommes, tu veux que les derniers soient les premiers et que l’enfant soit la mesure de ton royaume ; donne-nous la sagesse qui vient d’en haut, afin que nous recevions la parole de ton Fils et comprenions que devant toi le plus grand est celui qui sert. »

L’extrait de l’Evangile d’aujourd’hui ne juxtapose donc pas deux parties différentes : une sur l’annonce de la passion du Christ et l’autre sur la formation des disciples. Il s’agit d’un seul et même discours que nous pourrions intituler : « La croix de Jésus et ses conséquences pour le disciple ». Devenir serviteur et accueillir les petits en son nom sont deux comportements que Jésus, avec douceur et fermeté, enseigne aux siens et qui doivent être « pratiqués » conjointement. Mettre en pratique ces deux comportements consiste à imiter le Christ, en le suivant jusque sur la croix, et comme Lui, à être un serviteur pour tous : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9, 35).

Depuis le jour où le Fils de Dieu s’est incarné et qu’il est entré dans notre histoire, après un long chemin – du berceau de Bethléem jusqu’au « berceau » de la croix sur le mont Calvaire, à Jérusalem, point culminant après un long parcours d’offrande (= un chemin de croix) – les critères de jugement sur la valeur de la personne humaine et sur sa dignité sont complètement renversés : la dignité d’une personne ne dépend en rien de la place qu’elle occupe, du travail qu’elle fait, des choses qu’elle possède, de la réputation qu’elle s’est faite. La grandeur de l’homme ne dépend pas de ce qu’il fait d’important, mais du service qu’il rend à Dieu et à l’homme pour montrer la gloire, la bonté et l’amour du Seigneur.

L’accueil est un moyen privilégié pour rendre ce service. Saint Marc utilise le verbe « accueillir » à différentes occasions et sous différentes formes, mais toutes convergentes entre elles. L’évangéliste nous parle de l’accueil fait au missionnaire (6,11), à la Parole (4,20), au Royaume de Dieu (10,15), aux derniers. Accueillir signifie écouter, se rendre disponible, recevoir l’Infini fait Enfant, et recevoir les enfants qui, lorsqu’ils sont dans leur berceau, sont un reflet du ciel. Donc, accueillir signifie surtout se laisser « étonner » par la Parole, ou par le missionnaire, ou par le plus petit, et être capable de se mettre à son niveau.

2) Charité de la Passion

Aujourd’hui, Jésus enseigne en plaçant un enfant au milieu des disciples et en l’embrassant. Il accomplit un signe. L’enfant qu’il embrasse c’est Lui, et Lui il est le signe du Père qui l’a envoyé. L’enfant est signe de la tendresse de Dieu et de l’obéissance filiale de son Fils unique qui s’est fait enfant par amour et s’est crucifié par obéissance parmi les malfaiteurs. C’est un petit enfant, mais c’est un signe de Lui qui vient de Dieu ; et les paroles qu’il prononce (« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé », Mc 9,37) sont très révélatrices : l’enfant placé au milieu d’eux et que Jésus embrasse est à la fois l’image du Christ, l’image du chrétien et l’image de Dieu. Accueillir l’enfant au nom du Christ c’est recevoir le mystère de Dieu.

L’Evangile d’aujourd’hui est un enseignement fort sur l’humanité du Fils de Dieu : Jésus dit être le Fils de l’homme. C’est pourquoi sa mort et sa résurrection sont des choses concrètes, vraies. Et puis il y a cette conversation à la maison quand le Seigneur se retrouve avec ses disciples, sa « nouvelle » sainte famille, ou disons en train de marcher vers la sainteté. Il ne leur fait pas de reproche mais leur explique la nouvelle manière d’être les premiers : accueillir un petit c’est accueillir Lui et le Père.

Les disciples ont du mal à comprendre que suivre Jésus signifie renoncer à soi et prendre sa propre croix, ils ont peur. Nous aussi nous avons peur de comprendre. Ce n’est pas que nous ne comprenons pas, mais nous ne voulons pas comprendre. Cet enfant embrassé et mis au milieu des disciples est le signe du mystère de Dieu se livrant aux hommes. L’accueil des « petits » montre l’authenticité de notre service et de notre hospitalité envers l’Infini qui s’est fait Petit pour nous.

Dans la Passion nous trouvons la charité. Il n’y a pas de plus grand amour que de se faire tout petit et de donner sa vie pour ses amis, de monter sur la croix et en être fier, comme y aspire l’apôtre Paul : « Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté » (Gal  6,14). Mais quand on parle de croix, il n’est pas seulement question de deux morceaux de bois, mais de tout l’homme aussi, comme écrit saint Bernard de Clairvaux : « Peut-être bien est-ce nous qui sommes nous-mêmes la croix de Jésus, à laquelle on rapporte qu’il a été attaché, car l’homme représente en lui la forme de la croix, comme on peut le voir lorsqu’il étend les bras. »

C’est sur la croix que Jésus naît au ciel, et la Vierge Marie, qui l’avait mis au monde sans douleur, elle la Mère de Dieu, l’a « rendu au ciel » en acceptant de souffrir bien plus que lors de son accouchement et en nous acceptant comme ses enfants en son Fils. Cette Mater dolorosa, si solide sous la croix, est la Vierge des vierges. Celles-ci la suivent en l’imitant aussi dans sa maternité. Ces femmes en imitant Marie sont des mères en esprit car elles se donnent entièrement au Christ.

Marie a donné son corps et son sang – autrement dit toute sa vie – de façon unique et exceptionnelle, pour en faire le corps et le sang du Fils de Dieu. Elle fut mère dans le sens le plus profond du mot : elle donna sa vie à l’Autre, et « façonna » sa vie en lui. Elle accepta la seule chose vraiment essentielle pour chaque créature et toute la création : mettre le sens, et donc toute sa vie en Dieu. La virginité de Marie fut un don total d’amour, et non une « négation » de l’amour.

C’est la totalité du don de Marie à Dieu qui est donc la vraie expression, la vraie manifestation de son amour. La Mère de Dieu et notre mère à tous montra et montre toujours que la maternité est l’accomplissement de la féminité parce qu’elle est l’accomplissement de l’amour comme obéissance et réponse. C’est en faisant don de soi que l’amour donne vie, devient source de vie.

Le joyeux mystère de la maternité de Marie ne s’oppose donc pas au mystère de sa virginité. C’est le même mystère. Celle-ci n’est pas « mère » indépendamment de sa virginité ; au contraire, sa virginité révèle toute la plénitude de la maternité car « pleine en amour ». Les vierges consacrées témoignent qu’aujourd’hui encore cette maternité est possible, avec simplicité, foi et donation.

En effet, c’est cet amour plein qui nous fait accepter que Dieu vienne à nous, qu’on lui donne vie, Lui la vie du monde. Nous estimons et nous nous en réjouissons, nous reconnaissons que les vierges consacrées témoignent du but et de la plénitude de toute vie, de tout amour. C’est « accepter le Christ », lui donner vie en nous.

Lecture patristique

Théophylacte (+ 1109)

Commentaire sur l’évangile de Marc

(PG 123, 588-589).

Jésus instruisait ses disciples en disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera » (Mc 9,30-31). Généralement Jésus fait alterner les miracles avec les discours qui concernent sa passion, pour ne pas laisser croire que celle-ci serait due à sa faiblesse. Il annonce donc la triste nouvelle de son exécution et la fait suivre de la joyeuse annonce de sa résurrection le troisième jour. Il veut nous apprendre que la joie succède toujours à la tristesse, afin que nous ne laissions pas inutilement les chagrins nous submerger, mais que nous espérions des réalités meilleures.

Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : De quoi discutiez-vous en chemin (Mc 9,33) ? Les disciples, qui entretenaient encore en eux-mêmes des pensées très humaines, avaient discuté ensemble pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand et était tenu en plus haute estime par le Christ.

Le Seigneur ne contrarie pas leur désir de jouir de sa plus haute estime. Il veut, en effet, que nous désirions parvenir au rang le plus élevé. Il n’entend pourtant pas que nous nous emparions de la première place, mais plutôt que nous atteignions les hauteurs par l’humilité. De fait, il a placé un petit enfant au milieu d’eux, et il veut que nous lui devenions semblables, nous aussi. Car le petit enfant ne recherche pas la gloire, il n’est ni envieux ni rancunier.

« Non seulement, dit-il, vous obtiendrez une grande récompense en lui ressemblant, mais si, à cause de moi, vous honorez également ceux qui lui ressemblent, vous recevrez en échange le Royaume des cieux. Aussi bien est-ce moi que vous accueillez et, en m’accueillant, vous accueillez Celui qui m’a envoyé. »

Tu vois donc quel immense pouvoir a l’humilité, jointe à la simplicité de vie et à la sincérité : elle a le pouvoir de faire habiter en nous le Fils et le Père, et aussi, de toute évidence, le Saint-Esprit.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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