Ayant vécu au service de six papes et 22 ans auprès du fondateur de l’Opus Dei, le cardinal Juliàn Herranz livre ses « souvenirs » dans un ouvrage regorgeant de pépites historiques et d’étincelles de l’Evangile.
“Je suis un petit âne du Seigneur, un petit âne de l’Evangile”, explique le prélat espagnol de 91 ans en accueillant Zenit dans son bureau, à deux pas de la Place Saint-Pierre. Sur une étagère de bibliothèque, une photo le montre en train d’offrir un âne miniature au pape François, en 2013, lors de leur première rencontre après l’élection.
“L’âne est un personnage évangélique très intéressant, souligne-t-il. C’est un âne qui a été le premier à porter le Seigneur vers Bethléem… et pour aller à Jérusalem, Jésus a besoin d’un âne. Il est le Seigneur de l’univers, il aurait pu prendre un cheval, avec de la puissance ! Mais non, il a choisi un modeste âne.”
Cette “théologie de l’âne”, le cardinal Herranz l’a héritée du fondateur de l’Opus Dei, saint Josémaria Escriva, qui encourageait à cultiver une vertu “fondamentale dans la vie chrétienne” : l’humilité.
Le plus important est de prier
Aujourd’hui, le cardinal qui a été président de la Commission d’enquête créée par Benoît XVI après la fuite de documents confidentiels au Vatican (Vatileaks), et président du Conseil pontifical pour les textes législatifs, poursuit sa mission de conseil auprès du pape, reçue avec le cardinalat.
Mais avant tout, il dédie la plus grande partie de sa journée à la prière : “Le plus important est de prier, estime-t-il, c’est comme cela que la grâce de Dieu agit ; le Père n’est pas indifférent, il écoute. Dans cette prière, je mets le monde entier.” Pour le cardinal Herranz, “un prêtre ne part jamais à la retraite. Tant que le Seigneur ne m’appellera pas, je travaillerai”.
Cet ouvrage recueille notamment son témoignage dense, donné lors du procès de canonisation de saint Josémaria Escriva. Il rend compte aussi du pontificat de Jean-Paul II, pour s’arrêter à l’élection de Benoît XVI (2005).
Le cardinal Herranz insiste sur la “continuité” entre les pontificats : “Il n’y pas d’opposition, assure-t-il. Jean-Paul II nous enseigne le courage d’être chrétiens, de ne pas avoir peur. Benoît XVI nous enseigne la valeur immense de la foi. François enseigne que l’Eglise est comme un hôpital de campagne.”
Tous trois représentent respectivement “l’athlète de l’Eglise, le Père de l’Eglise, le Bon Samaritain”, ajoute-t-il : “La spiritualité chrétienne est un diamant à plusieurs facettes, dont l’Esprit Saint fait briller l’une ou l’autre.”
Quand on ne regarde plus vers le Ciel
Le pape François, fait observer le cardinal Herranz, “insiste beaucoup pour commencer la mission par l’amour”. Et aujourd’hui, “l’Eglise doit chercher à faire comme le Christ, elle doit guérir les blessures du monde. L’humanité est blessée, c’est un fait, entre les guerres, le terrorisme, les épidémies… tout le mal qui advient quand on ne regarde plus vers le Ciel mais vers le bas. Il semble que l’humanité veuille s’auto-détruire. L’Eglise doit la guérir par le langage de l’amour”.
Il s’agit de “faire du bien”, de “manifester au monde qu’il n’est pas le fruit d’un chaos, mais qu’il existe un Dieu qui est père, et qui comme père, aime ses enfants”.
Le pape François invite à mettre en oeuvre ce que demande le Concile Vatican II, constate le cardinal Herranz : “Que tous les chrétiens vivent la responsabilité de porter l’Evangile au monde. Il faut passer de la théorie à l’acte. On a fait beaucoup de thèses à ce sujet, mais cela n’a pas encore pénétré dans la réalité du peuple de Dieu.”
Cette mission chrétienne se vit “dans la vie ordinaire”, comme la Sainte Famille à Nazareth. En effet, conclut le prélat, “toute action a un sens divin pour le chrétien : il y a un sens divin dans l’amitié, dans le travail, dans le sport, dans l’art, dans la contemplation de la nature…”
Mes souvenirs avec saint Josémaria et saint Jean-Paul II, par le cardinal Juliàn Herranz, éditions Le Laurier, 538 pages, 28 €