Card. Zenari © Path to Peace

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Syrie : « La bombe de la pauvreté » a explosé, par le card. Zenari

Le nonce à Damas appelle à débloquer le processus de paix

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Après la guerre, c’est « la bombe de la pauvreté » qui a explosé en Syrie « touchant – selon les données des Nations Unies – environ 90 pour cent de la population », affirme le cardinal Mario Zenari, nonce apostolique à Damas depuis douze ans.

Le cardinal Zenari tire le signal d’alarme sur la situation en Syrie au fil d’un grand entretien à Vatican News en italien publié le 30 juin 2021. Il est venu à Rome pour participer à une session plénière de la ROACO, l’organisme d’aide aux Églises d’Orient. Le cardinal a été aussi reçu en audience privé par le pape François le 28 juin dernier.

« Chaque rencontre avec le pape est toujours très dense, raconte le cardinal Zenari. Dans cette demi-heure ensemble, le pape François a écouté avec beaucoup d’intérêt ce que je lui ai dit puis m’a dit : ‘Proposez, et ce qui sera proposé, nous sommes prêts à le faire’. …Cela m’a beaucoup encouragé. »
« On parle rarement de la Syrie alors qu’au contraire il serait urgent d’en parler », souligne-t-il: si « le processus de paix, avec l’aide de la communauté internationale, n’est pas débloqué, si la reconstruction et la relance économique ne sont pas enclenchées, la Syrie finira étranglée avec des effets dévastateurs pour ses habitants ».

« Le processus de paix est stoppé »

« L’espérance du Saint-Siège et de la communauté internationale est que la Syrie soit indépendante et unifiée, mais la réalité est toute autre », affirme le nonce apostolique à Damas. « Malheureusement, il n’y a pas d’améliorations. »

Il souligne que selon « les statistiques sur le niveau de pauvreté de l’ONU », « la Syrie est en tête des nations souffrantes ». « Une terrible bombe », « la bombe de la pauvreté », « réduit les Syriens à vivre en dessous du seuil de pauvreté », explique le nonce apostolique : « Après dix ans de guerre il y a destruction, il n’y a pas de reconstruction, le démarrage économique ne se voit pas encore et le processus de paix est stoppé ».

Le cardinal raconte la vie quotidienne des Syriens : « À Damas, je vois des scènes que je n’avais pas vues auparavant, comme des files de gens devant des boulangeries vendant du pain à des prix subventionnés par l’État, car les pauvres n’ont pas d’argent. … de longues files de voitures arrêtées dans les stations-service et il n’y en a pas. »

« Des images similaires n’ont pas été vues même pendant la période la plus dure de la guerre », affirme-t-il. La population appelle cette période critique la ‘guerre économique’. Une guerre qui étrangle véritablement la population. »

Le card. Zenari est venu à Rome pour demander de l’aide pour le peuple syrien : « Je suis un vétéran de Roaco maintenant, dit-il.  … Je représente la Syrie depuis dix ans, alors depuis dix ans » « les confrères nonces » « me voient venir tendre la main pour cette aide… Cette année, je suis venu à Roaco et j’ai ouvert mes deux mains. »

Ces « aides » sont « précieuses », poursuit le cardinal, mais ce sont « toujours des gouttes d’eau dans le désert ». Même l’aide humanitaire « sont des robinets dans le désert ». « Pour ce désert qu’est la Syrie, il faudrait plutôt un grand fleuve », affirme le nonce.

« Mettre des offres sur la table »

Pour changer la situation, « tout d’abord, le processus de paix doit être mis en marche, selon la résolution 2254 de l’ONU », explique le nonce. Ce processus « est au point mort, répète-t-il, il doit donc être débloqué ».

Et « il faut mettre un terme au syndrome du ‘You first’, poursuit le cardinal Zenari, c’est-à-dire que les parties attendent que l’autre commence ». « Toutes les parties impliquées dans le processus de paix, y compris les différentes capitales, doivent simultanément mettre des offres sur la table, estime le nonce apostolique. Offres de bonne volonté. »

Il s’agit « avant tout de trois capitales : Washington, Bruxelles, comme l’Union européenne, et aussi Damas, qui doit faire quelque chose, selon le cardinal : des gestes de bonne volonté, notamment dans le domaine humanitaire ». Et là, « il faut une intervention de la communauté internationale, une diplomatie élargie et constructive qui pousse les parties à se mettre en route ».

« Une fenêtre ouverte sur le monde »

Le cardinal Zenari se dit également attristé par la réduction drastique de la population chrétienne après la guerre : « Pendant plus de deux mille ans, ils ont vécu dans ces endroits et ont apporté une contribution fondamentale à la culture, à l’éducation, à la santé et même à la politique… Avant la guerre, on estime qu’il y avait 1,5 million de catholiques, d’orthodoxes et de protestants ; maintenant, cela pourrait être 500 000, donc les deux tiers. »

Il s’agit, d’après lui, d’« une blessure grave pour l’Église, mais aussi pour le pays, car ceux qui émigrent sont des jeunes qualifiés, il ne reste que les personnes âgées et les enfants ».

Le cardinal rappelle qu’il a « toujours utilisé l’image des chrétiens comme ‘une fenêtre ouverte sur le monde’ » : « quand je vois des jeunes et des familles s’en aller, cette fenêtre se ferme ».

« La Journée du Liban est importante »

La Journée de prière pour le Liban qui se déroule ce jeudi 1er juillet au Vatican « est importante », souligne le card. Zenari, et elle « pourrait être un modèle pour des initiatives similaires pour la Syrie ».

Le nonce suit « avec attention ce moment particulier de réflexion pour le Liban », car, « la crise libanaise a également eu des effets négatifs sur la Syrie ». Il espère que « cette rencontre aura une bonne issue positive, des fruits qui auront aussi un effet sur le Moyen-Orient ».

« Cette rencontre des patriarches avec le pape est vraiment un événement, affirme le cardinal Zenari, il n’est pas exclu que l’on puisse penser à une rencontre similaire pour la Syrie. Le Moyen-Orient, malheureusement, a quelques malheurs en commun, pourtant chaque nation a ses propres caractéristiques uniques. »

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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